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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°42, 23 octobre 2011  >  Une contribution à la cohésion de notre pays [Imprimer]

Une contribution à la cohésion de notre pays

Interview du capitaine Bernhard Murri, commandant de «l’escadron de cavalerie 1972»

Horizons et débats: Jusqu’à la réforme d’Armée XXI, les troupes du train étaient une composante constante de l’armée suisse. La collaboration de l’homme et de l’animal y avait une grande importance. C’est cer-
tainement aussi le cas de la cavalerie. Y
a-t-il aujourd’hui des relations entre ces unités?

Capitaine Bernhard Murri: Jusqu’à ce jour, il y a un contact très étroit entre «l’escadron de cavalerie 72» et le train, et il y a un peu plus d’un mois, nous avons organisé une journée d’instruction commune au Sand à Schönbühl où nous avons clairement pu montrer la relation entre l’escadron et le train. Nous y avons convié des hôtes choisis dans la politique, pour démontrer que le train devrait être maintenu dans l’armée et qu’actuellement, il existe encore, pour des buts de représentation, un escadron de cavalerie, bien que celle-ci ait déjà été supprimée en 1972. Notre unité se charge aussi, sur ordre du chef de l’armée, de représentations publiques. En tant qu’unité hors service, nous nous sommes fixé comme but de continuer de la diriger exactement comme c’était le cas jusqu’à la suppression de 1972, en ce qui concerne l’engagement des hommes, l’équipement des chevaux et notre uniforme.

Comme vous avez mentionné le train, il nous intéresserait de savoir comment vous appréciez son utilité militaire.

Pour moi, la topographie de la Suisse, son terrain accidenté, déterminent très clairement l’utilité militaire du train. Je suis persuadé qu’avec le train on peut – même si cela a un petit air un peu nostalgique de le dire – transporter sur un sentier muletier du matériel à grande vitesse et peu de moyens, par-dessus les montagnes, de A à B. C’est précisément dans le terrain où on ne peut plus aller plus loin avec des camions ou d’autres véhicules à moteur, que je vois toujours son engagement. Pour moi, l’utilité reste jusqu’à aujourd’hui incontestée, même en sachant que l’utilisation de chevaux n’est pas aussi simple à définir que l’achat de nouveaux avions de combat.
Ce qui me plaît avant tout, c’est de pouvoir être le commandant d’une troupe dont je suis persuadé que tous savent pourquoi notre armée est nécessaire et ce qu’ils doivent voter quand il s’agit de questions ayant trait à l’armée.

Quelle signification attribuez-vous aujourd’hui à l’escadron de cavalerie?

Je sens à travers toutes les activités que nous exerçons comme escadron de cavalerie suisse, que le bon vouloir du peuple est très grand. Quand nous apparaissons avec nos chevaux, cela produit un effet émotionnellement positif, parce que bien des gens aiment les chevaux. Mais également comme formation en représentation, comme partie de l’armée, l’accueil est très positif. Nous aimerions perpétuer la tradition de l’escadron de cavalerie supprimé en 1972. Cela attire aussi des jeunes gens qui proviennent pour la plupart du train ou de l’agriculture. Par leur état d’esprit, ils vont bien avec l’armée et ils sont persuadés que notre pays a besoin d’une défense nationale forte. Pour que l’escadron puisse durer, nous avons besoin des vieux cavaliers qui savent dire aux jeunes comment on ajuste la selle sur le cheval. Cela renforce aussi la cohésion entre jeunes et vieux.

On voit ici que les remorques de chevaux proviennent de beaucoup de cantons différents. C’est quelque chose qui a toujours caractérisé l’armée, qu’on y rencontre des gens provenant de toute la Suisse et qu’ainsi on apprenne à connaître le pays et ses habitants. Une expérience très importante pour le jeune citoyen. C’est aussi un aspect important pour la cohésion de notre pays.

Vous avez mentionné les voitures venant de différents cantons. C’est évident, nous nous appelons «escadron de cavalerie suisse». «Suisse» parce que c’est une institution suisse et que dans ce sens, ça n’a rien à voir avec les cantons, mais avec le pays tout entier, c’est-à-dire avec l’armée de la Suisse. 1972 est l’année de sa dissolution. L’année prochaine, nous en fêtons le quarantième anniversaire. Nous allons organiser une manifestation monstre, probablement dans le canton d’Argovie. Mais l’esprit de clocher n’a pas cours chez nous. Le Suisse oriental, le Romand, le Grisonnais, le Tessinois ou d’où qu’il soit, tout un chacun est cordialement bienvenu dans notre escadron. Cela ne joue aucune espèce de rôle de savoir dans quel canton les gens vivent. Il ne s’agit que de savoir si celui qui s’annonce chez nous est prêt à faire sa part dans le cadre de notre organisation d’une unité hors service, c’est-à-dire de se produire avec son cheval, comme c’était le cas jusqu’en 1972. Dans cette optique, un Romand, un Tessinois, un Zurichois ou un Bernois est toujours le bienvenu chez nous. Comme c’est le cas partout dans notre armée, et ça contribue naturellement à la cohésion de notre pays, une relation qui est très importante pour notre nation. Ce que nous entreprenons n’a jamais un caractère cantonal.

Quelles sont les tâches que revêt l’escadron de cavalerie, aujourd’hui encore?

Quand le chef de l’armée dit qu’il y a une réception d’une délégation étrangère et qu’il a besoin de nous en tant que formation de représentation, nous sommes prêts. Mais nous organisons aussi des manifestations de notre propre chef qui visent très précisément un but dans le sens mentionné. Si ce faisant nous pouvons positivement soutenir l’armée dans le public, nous remettons notre troupe en parfait état. C’est ça notre conception.

L’escadron de cavalerie est-il de nos jours soutenu par l’armée?

L’armée soutient notre escadron de cavalerie en mettant par exemple à notre disposition une partie de l’arsenal d’Aarau. On y a entreposé tout le matériel qui a fait partie de l’armée suisse. Si aujourd’hui nous admettons un nouvel homme, nous pouvons l’équiper avec du matériel, en prêt évidemment. Le matériel appartient à l’armée. Mon uniforme, le harnachement et la selle, le mors, tout cela est propriété de l’armée. L’entretien de toutes ces choses est très dispendieux et nous sommes très reconnaissants et heureux qu’à la tête de l’armée, il y ait des gens comme le chef de l’armée André Blattmann qui soutiennent une institution de ce genre. Lorsque nous organisons une festivité comme ici à Pfyn, notre tente et tout notre matériel sont amenés par l’armée. Nous lui en sommes très reconnaissants.

Ne doit-on pas aussi comprendre le soutien de l’armée comme une reconnaissance du rôle historique de la cavalerie?

Oui, c’est exactement ça. C’est la reconnaissance d’une unité qui était importante alors.

Comment maîtrisez-vous le gros temps investi dans le maintien de cette unité historique?

Nous avons quelques retraités qui travaillent volontairement et sans indemnité toute l’année pour nous. Qui s’engagent de telle manière que nous soyons absolument capables de fournir une pareille prestation. Tous ceux qui participent ici doivent être prêts à amener leur propre monture avec leur véhicule privé à l’endroit où la manifestation a lieu. Il faut être disposé à faire quatre à cinq journées de formation par année pour qu’on comprenne par exemple, pourquoi on chevauche en colonne par quatre et quels sont les ordres et comment il faut les exécuter. Rien qu’en se concentrant sur les représentations avec le cheval, il y en a cinq à six, dont certaines peuvent durer une semaine. L’année passée, nous étions une semaine en Allemagne. Mais la plupart des exercices durent un ou deux jours. Evidemment, on doit consacrer ce temps-là. Il faut aussi faire sa part dans la mise en place de l’infrastructure. Cela doit faire environ vingt jours par année. C’est un minimum qu’il faut envisager si on veut participer de tout coeur et par conviction intime. Et il faut évidemment aussi avoir une femme et une famille derrière soi, qui participe à tout ça.

Que pensez-vous de l’avenir de cet «escadron de cavalerie 1972»?

Si nous voulons qu’il continue dans la durée, nous devons être capables d’enthousiasmer des jeunes gens pour cela, qui d’abord sont en faveur de l’armée, puis montent à cheval et enfin qui ne craignent pas l’effort que je viens d’expliquer. Nous devrions y arriver. L’escadron ayant été dissous il y a 40 ans, nous sommes conscients qu’il n’y a plus beaucoup de gens qui à cette époque en faisaient déjà partie. Nous devons donc constamment compléter la troupe par des nouveaux membres. Notre société compte en ce moment 400 membres et il y a heureusement de plus en plus de jeunes gens qui veulent participer. Souvent ils sont incités par un cavalier plus âgé qui les enthousiasme. Car ce qu’il ne faut pas oublier avec tout cela: c’est aussi un événement social, c’est une communauté que nous soignons ensemble.•