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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°40, 6 octobre 2008  >  «L’Etat est un facteur économique incontournable» [Imprimer]

«L’Etat est un facteur économique incontournable»

Interview de Christian Levrat, conseiller national, président du parti socialiste suisse

Horizons et débats: Le Conseil fédéral a assuré hier que nous maîtrisions la crise financière. Qu’en pensez-vous?

Christian Levrat: C’est en partie le rôle de nos autorités de rassurer la population. Mais j’ai l’impression que l’administration en fait trop. Personne ne croit que tout est sous contrôle: 700 milliards de dollars investis par le gouvernement américain pour racheter des actions pourries, des nationalisations de banques à répétition, une zone euro en récession, un pouvoir d’achat en baisse constante, des pertes en milliards pour nos caisses de pension, la situation n’est pas rose. Et le rôle du gouvernement serait aussi de le dire.

Quelles sont, à votre avis, les causes de cette crise et qu’en est-il de la Suisse?

Depuis trente ans, depuis Thatcher et Reagan, les ultra-libéraux dominent l’agenda politique. Ils ont dénigré l’Etat et tous les mécanismes de contrôle qu’il entendait in­stiller. Ils ont proclamé la victoire définitive du marché sur toute forme de décision collective. Et ils se sont trompés. Avec eux chez nous ceux qui plaident l’autorégulation des banques, le libéralisme économique comme horizon indépassable de toute politique publique. Nous exigeons depuis des décennies une autre politique économique. Il est temps de changer de système, nous incarnons une alternative.

Quelles mesures devraient éventuellement être prises dans notre pays?

La Suisse n’échappera pas à la crise internationale. Nous devons d’abord agir sur la régulation du système financier, par exemple en augmentant massivement les fonds propres des banques, en limitant au strict nécessaire les liens entre banques d’affaires et banques de crédit, en protégeant mieux les petits épargnants. Il s’agit en second lieu de préparer notre pays à la récession qui menace en lançant sans attendre des investissements importants: nous exigeons la mise sur pied d’un programme d’impulsion visant à l’assainissement énergétique des bâtiments. Nous aurions alors une mesure efficace pour soutenir la conjoncture, favorable aux locataires et propriétaires, et favorisant une utilisation mesurée de nos ressources énergétiques.

Que faut-il changer à la politique écono­mique?

Le primat du politique sur l’économie doit être réaffirmé. L’Etat est un facteur économique incontournable: comme régulateur bien sûr, mais également comme acteur direct lorsque sont en jeu des infrastructures publiques ou des domaines sensibles. Les discussions actuelles sur une hypothétique intervention publique en faveur de l’UBS le montre: la distinction entre entreprise privée et sphère étatique n’est pas si claire.

Le citoyen a-t-il le moyen de se protéger individuellement de la crise?

Les épargnants peuvent partiellement se protéger de la crise financière en évitant les produits hautement spéculatifs. Malheureusement même des établissements sérieux comme le Crédit Suisse ont laissé croire ces dernières années que le casino de la finance internationale ne produirait que des gagnants. Il est probablement intelligent aujourd’hui de s’intéresser aux stratégies de placement de nos caisses de pension. Elles devraient réduire leurs positions très exposées, notamment celles qu’elles affichent auprès de fonds spéculatifs et de société de private equity. A long terme, j’espère vraiment que la population comprendra que les Ospels et autres rapaces du capitalisme ne doivent plus dicter l’agenda économique. Et qu’il est temps de donner le gouvernail à d’autres forces poli­tiques que la droite libérale.

Merci beaucoup pour cette interview.    •