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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°38, 26 septembre 2011  >  Atteinte à la démocratie parlementaire [Imprimer]

Atteinte à la démocratie parlementaire

Réponse à la prise de position du professeur Schachtschneider parue dans «Horizons et débats» no 33

par Heinrich Scholler, professeur de droit

hd. En période de (grande) crise, le dialogue rationnel, objectif, le renforcement et le maintien de la démocratie constituent un des seuls moyens pour un peuple de préserver ses conditions de vie et d’imposer sa volonté. Même si les événements majeurs semblent s’accumuler, il faut rappeler qu’après les expériences effroyables de deux guerres mondiales, les constitutions des différents Etats, notamment la Loi fondamentale allemande, ont été conçues de manière à empêcher le retour d’atteintes à la démocratie et à l’humanité. Ainsi, face aux débats actuels sur la zone euro et l’UE ainsi que sur la souveraineté des Etats, il ne faut pas perdre de vue l’essence de la démocratie, avec toutes les possibi­lités qu’elle offre. La Cour constitutionnelle allemande a récemment pris une décision qui va dans cette direction. La loi budgétaire a toujours été d’une grande importance. La forme qu’elle a prise au sein de la Loi fondamentale n’est guère fortuite. C’est ce que relèvent à juste titre le professeur Scholler et d’autres spécialistes. On pourrait mentionner beaucoup d’autres aspects de la Loi fondamentale visant à renforcer la démocratie et l’Etat et auxquels les citoyens devraient prêter maintenant attention. Dans nos prochaines éditions, nous en présen­terons un chaque semaine. La semaine prochaine, nous évoquerons l’article 28-1 de la Constitution allemande relatif notamment à l’«assemblée des citoyens de la commune».
***
En principe, nous partageons les sérieuses réserves sur l’aide à la Grèce formulées par notre confrère spécialiste du droit constitutionnel. Il faut pourtant les justifier de manière plus précise. On ne peut pas simplement dire qu’elles relèvent d’un problème général de la démocratie ou d’une simple atteinte à la garantie de la propriété, même si les réserves faites à ce sujet subsistent. Ce qui est essentiel, c’est l’atteinte à la démocratie parlementaire, notamment à la «loi de finances», inscrite à l’article 110. Même eu cas de plan de sauvetage, cette loi reste totalement valable puisque cette disposition stipule que:
«(1) toutes les recettes et dépenses de la Fédération doivent être inscrites au budget; […]»
Le projet de budget se prépare, à l’initiative du ministre des Finances, conseillé par la commission parlementaire, et est ensuite soumis, selon l’article 76 de la Loi fondamentale, à l’approbation du Parlement. Ces lois de finances revêtent une importance capitale dans la gouvernance de l’Etat si bien qu’elles doivent être débattues au sein du Parlement. Dans le cadre du processus d’unification européenne sur la base du Traité de Lisbonne, on assiste manifestement souvent à des violations de la Constitution car il est fréquent que des gouvernements ou des ministres des Finances européens entrent en compétition avec des organes légitimes selon le droit allemand, ce qui aboutit à un regrettable démantèlement rampant du droit constitutionnel allemand. Récemment, le président du Bundestag Lammert a tenté de remédier à ce problème en déclarant accepter au moins un minimum de contrôle parlementaire. Son avis sur ce point se résume, d’après la «Süddeutsche Zeitung» (27/28 août 2011) de la manière suivante: «D’une part, le Bundestag ne peut se contenter d’accorder les ‹pleins pouvoirs› illimités concernant l’utilisation du Fonds et d’autre part, les parlements des 17 pays de la zone euro ne peuvent pas être consultés sur chaque dossier avant la moindre décision». Mais cela impliquerait que l’on empêche l’instance de contrôle, c’est-à-dire le Parlement élu par le peuple, d’accomplir sa fonction importante de pilotage de l’Etat.
C’est ce qu’on a fait en réalité en déléguant plus ou moins la décision à une commission, ce qui constitue une violation flagrante de la Constitution. Et la volonté d’installer une gouvernance économique européenne affaiblirait encore plus la fonction de contrôle du Parlement et renforcerait les interventions administratives. Or il est exclu de réduire le Parlement à des missions de contrôle purement ponctuelles. Réduire le Parlement, qui a une mission générale de pilotage de l’Etat, à des contrôles ponctuels est une contradiction en soi.
Naturellement, l’article 110 est également valable pour les plans de sauvetage parce que les garanties peuvent être sollicitées à tout moment, si bien qu’il est impossible d’évoquer la solidarité. Ce recours est exclu là où la Constitution prescrit un bilan strict des recettes et des dépenses. A ce sujet, je voudrais remercier le Président fédéral Wulff de sa déclaration sur le comportement illicite de la Banque centrale européenne. Il a eu le courage de se prononcer clairement devant les prix Nobel réunis à Lindau, contre l’achat d’obligations d’Etat. La neutralité de la Banque centrale européenne est le garant de la solidarité, précisément en matière de politique monétaire sans laquelle il est impossible d’assurer l’économie financière européenne. Il a également critiqué à juste titre l’introduction d’euro-obligations qui aurait désavantagé l’Allemagne unilatéralement.    •
(Traduction Horizons et débats)