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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2016  >  No 1, 12 janvier 2016  >  «Nous avons tous quelque chose à donner» [Imprimer]

«Nous avons tous quelque chose à donner»

par Nicole Duprat*

Nous vivons en Suisse, dans le pays bien connu pour son art de l’horlogerie et de la précision. Alors, il me semble nécessaire de remettre les pendules à l’heure pour nous tous. Nous devons comprendre ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Comprendre de quoi nous parlons quand nous parlons de liberté, de souveraineté, de dignité humaine et avoir une compréhension commune de la Démocratie.
Dans un monde où le langage est devenu une véritable Tour de Babel, exercice de pouvoir et de manipulation, il est fondamental d’être au service de la Vérité, d’appeler un chat un chat et de nous entendre sur les notions communes propres à tous les êtres humains, non seulement en Europe mais sur toute la planète Terre.
Liberté, souveraineté et dignité humaine sont trois notions communes intrinsèquement liées d’une seule et même réalité: vivre en paix, et cela de génération en génération. La démocratie directe devient donc l’espace où toutes les individualités, c’est-à-dire le peuple souverain, coopèrent à ce vivre-ensemble en paix en propulsant les individus dans l’action juste. Il ne sert à rien de dire que chacun doit vivre libre, s’il n’a pas les moyens de vivre en paix. La liberté sans le civisme, la liberté sans la capacité de vivre en paix n’est absolument pas la liberté.
Au sujet de la démocratie, il faut préciser ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas et comment elle fonctionne. La Suisse est à ma connaissance le seul pays qui dispose et propose la démocratie directe et je trouve cela merveilleux. Cependant, je suis toujours chagrinée par le fait que malgré le système de votations populaires, d’initiatives et de référendums, la majorité des citoyens suisses ait voté par exemple en faveur de l’ouverture de salles d’injections de drogue ou bien ouvert la porte à toutes les dérives en acceptant un amendement constitutionnel permettant le diagnostique préimplantatoire.
Alors, il m’a bien fallu comprendre ce que Carl Gustave Jung a écrit, sur les bords du lac de Constance, dans son livre «Présent et Avenir», la distinction entre la masse et le peuple. La masse n’est qu’un conglomérat d’opinions très divisées et diversifiées facilement manipulables parce que sujettes à la désinformation. Le peule au contraire est la résultante d’individus et ce n’est que lorsque y a un nombre d’individualités équilibrées que la société est équilibrée parce que l’action découle d’une réflexion approfondie.
Ensuite, il faut comprendre que toutes les démocraties représentatives, en France et dans la plupart des pays du monde, ne servent qu’à asseoir le pouvoir des élus pendant que les électeurs sont relégués au rang d’assistés. La solution ne peut pas venir de la politique politicienne, des partis politiques inféodés aux idéologies semant l’esprit de division.
Un petit mot en particulier sur la Grèce, pays où j’ai séjourné dans le cadre de ma formation d’enseignante, à l’Ecole française d’Athènes.
La Grèce a connu dans sa pensée un modèle de la démocratie, avec Socrate, le siècle de Périclès et le sens de la mesure avec Pythagore. Mais ce que M. Tsipras n’a pas compris, dans la situation actuelle de la Grèce, c’est que l’euro n’est pas l’Europe. Tétanisé par la peur de sortir de la zone euro, les autres pays adhérents à la religion de l’euro, ont agi envers lui par front renversé. En brandissant la menace d’une catastrophe si la Grèce sortait de la zone euro, la capitulation de M. Tsipras – car il s’agit bien d’une capitulation par un accord détestable de type néocolonial aboutissant à mettre la Grèce sous tutelle – à l’assimiler dans les faits à une colonie privée de tout pouvoir réel. Autant dire que la Grèce va tomber de Caribe en Scylla. M. Tsipras aurait pu demander à son peuple s’il était d’accord de sortir de la zone euro comme celui-ci s’était prononcé pour le Non aux institutions européennes. La crise n’est pas à propos de la dette. La dette est la propagande à laquelle l’Empire a recourt pour nier la souveraineté dans le monde occidental.
Soulignons au passage une vidéo sur Internet de M. François Asselineau, dans laquelle il dépoussière le mythe fondateur des pères de l’Europe: M. Robert Schuhmann, agent secret des Services américains et de M. Walter Hallstein, juriste nazi proche de Hitler et de Mussolini, recyclé par les Américains, pour détruire les nations d’Europe et les placer sous l’autorité d’un empire dictatorial. C’est précisément parce qu’il connaissait ce plan Hallstein que le Général de Gaulle pratiqua la politique de la chaise vide, concernant la non-représentation de la France à la Commission européenne.
De plus, il n’y a pas de démocratie sans «demos» (dans l’étymologie grecque demos signifiant peuple) parce qu’il n’existe pas de peuple européen.
Le discours de certains présidents des pays membres de l’UE repose sur un double mensonge: primo un mensonge qui assimile l’euro à l’Europe et secundo celui qui assimile l’Union européenne à l’Europe. Les deux mensonges sont parfaitement odieux. La zone euro n’est nullement l’Union européenne. Des pays appartenant à l’Union européenne ne font nullement partie de la zone euro, c’est le cas de la Grande-Bretagne, de la Suède, de la Pologne ou de la Hongrie. De plus l’UE n’englobe nullement l’Europe, que ce soit la Suisse, la Norvège ou encore la Serbie dans les Balkans, le Belarus, la Russie ou l’Ukraine. Tous ces pays font partie de l’Europe comme réalité géographique mais aussi culturelle et ce sans faire partie de l’UE. Oublie-t-on que l’UE n’est qu’une alliance économique et politique de certains pays?
La plupart des sociétés occidentales sont imprégnées, de la théorie du relativisme, du modernisme souvent «made in USA». Figées dans les contradictions internes du droit international et l’instrumentalisation des droits de l’homme (ce que certains nomment la religion des droits-de-l’hommisme), elles ont donné naissance à des démocraties du bavardage, par de beaux principes énoncés pour justifier des droits d’ingérences dans les affaires d’un pays, d’entreprendre des guerres qualifiées de justes, de combattre des «terroristes» et de construire une dictature planétaire.
Le chaos du monde ne naît pas de l’âme des peuples, des races, ou des religions mais de l’insatiable pillage et des violences des puissants. Demeurons vigilants!
Le relativisme affirme que le bien ou le mieux sont déterminés par des idéologies. Il donne une image naturaliste de l’être humain. Il le voit comme mû par des forces sociales, culturelles, psychologiques ou biologiques qui le déportent en dehors de lui-même.
Or, la démocratie reconnaît les valeurs positives destinées à être approuvées individuellement par le Bon sens et collectivement en vue du Bien commun.
Je voudrais rappeler la parole de quelqu’un que j’aime bien. Le docteur Albert Schweitzer: «Un jour viendra, où toutes les semences de bonté germeront, s’épanouiront dans le cœur des hommes». Ce jour est arrivé, c’est aujourd’hui, c’est maintenant qu’il nous faut comprendre que c’est parce que l’homme est coupé du plan intérieur de l’Unité, du Bien commun, que tout est chaotique, esprit de division. Retrouver le fil conducteur de la Conscience dans sa dimension universelle et unitaire permet à l’individu de s’éveiller à sa responsabilité individuelle et collective, à son sens inné du devoir inscrit dans son cœur et à sa dignité humaine.
Protéger la dignité humaine, c’est dénoncer sans relâche ce système économico-politique mondialisé, c’est refuser d’être l’esclave de l’argent, des banques, c’est refuser ses messages à la télé et l’asservissement par les images qui ne sont qu’un outil de lobotomisation des masses.
Michel-Ange avait le génie, devant un bloc de marbre, de percevoir directement l’œuvre à réaliser. Il ne faisait que ciseler la pierre pour la dégager de la matière mais seul y parvient la main qui obéit à l’intelligence de la raison. Bien sûr, nous ne sommes pas tous des Michel Ange avec un talent de sculpteur mais que chacun s’efforce dans le milieu où il se trouve, avec l’intelligence du cœur et de la raison, avec les talents dont il est doté, de témoigner à d’autres une véritable humanité. C’est de cela que dépend l’avenir du monde. Que celui à qui la souffrance est épargnée se sente appelé à soulager la souffrance des autres. Nous avons tous quelque chose à donner: pas d’intellectualisme mais des actons concrètes, justes, équilibrées, pleines de bon sens.
Je vous remercie de votre attention.     •

*    Nicole Duprat est enseignante et habite Valla­brègues, France. Elle a présenté cette contri­bution dans le cadre du 23e Congrès «Mut zur Ethik», traitant du sujet «Liberté, souveraineté et dignité humaine – un rempart contre le despotisme et la guerre», du 4 au 6 septembre 2015 en Suisse.