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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°28, 20 juillet 2009  >  Courrier des lecteurs [Imprimer]

Courrier des lecteurs

Troubles à Urumqi

Récit d’un témoin oculaire

Le point de départ du problème, a été une altercation entre des Ouïghours et d’autres ouvriers travaillant dans une des plus grandes fabriques de jouets du sud de la région. A cette occasion deux Ouïghours ont perdu la vie. Je n’en connais pas les détails. Or, je travaille ici à Urumqi, depuis 18 ans, en tant que directeur et propriétaire d’une entreprise, et j’ai souvent fait l’expérience qu’ici, il y a des liens très forts entre les habitants de la même région. Lors d’injustices réelles ou supposées ces personnes se solidarisent, ce qui peut rapidement mener à des altercations entre divers groupes.
Dans une deuxième démarche, des Ouïghours se sont rassemblés à Urumqi pour se venger de la mort de leurs deux compatriotes. Ils ont fait la chasse aux Chinois Han, et il y a eu des morts. Puis, les forces de l’ordre sont intervenues pour protéger les Han, et il y a eu des morts parmi les Ouïghours. Après, une racaille de Han s’est rassemblée et a fait la chasse aux Ouïghours, ce qui a mené les forces de l’ordre à protéger les Ouïghours face aux Han.
Les images que l’on a pu voir à la télévision dernièrement, montraient, côte à côte, des membres des deux groupes ethniques, dans les centres d’enregistrement où ils pouvaient demander des dommages et intérêts pour leurs parents morts et pour des pertes matérielles.
Les images des groupes d’Ouïghours et Han que j’ai vues, montraient avant tout des jeunes, âgés de 12 à 20 ans et relativement peu de personnes plus âgées. Comme à d’autres occasions, on peut voir de telles images notamment lors d’altercations entre les supporteurs d’équipes de football allemands et britanniques. L’année dernière, le magazine «Spiegel» avait eu pour titre, à ce sujet: «Les jeunes hommes, l’espèce la plus dangereuse au monde.»
Parmi mes connaissances et dans ma famille, l’avis est unanime: Indépendamment des raisons qui ont mené à la mort des deux ouvriers ouïghours, de telles scènes de chasse ne sont acceptables d’aucun côté et dans aucune condition. Les forces de l’ordre doivent intervenir dans pareilles situations, ils doivent intervenir énergiquement pour protéger les personnes qui ne participent pas et les innocents. C’est ainsi dans n’importe quel autre Etat. Chaque Etat a le devoir de protéger ses citoyens, éventuellement même les uns des autres.
Comme d’habitude il y a eu en Allemagne, dès les premières informations données, des déclarations d’hommes politiques et de militants des droits de l’homme, qui, sans être réellement informés, mais se sentant d’autant plus concernés, ont classé ces événements et les ont désignés d’insurrection ouïghour en tenant des propos incendiaires contre le gouvernement chinois. Chose curieuse, le lendemain ces événements avaient déjà disparu des manchettes de journaux. Cela était bien probablement le résultat des détails dont on a pu prendre connaissance entre-temps. Néanmoins, la question se pose de savoir pourquoi ces «excès de violence» ne sont pas attribués, conformément à la vérité, à ceux qui ont en premier tué, pillé et incendié à Urumqi. La question se pose de savoir pourquoi des assassins et meurtriers ouïghours sont consi­dérés comme combattants pour la liberté, tandis que, dans toute autre région du monde, ils seraient qualifiés d’assassins, meurtriers ou terroristes.
A part cela, il y a environ 40 millions d’Ouïghours en Chine. Parmi eux, il n’y en a pas plus qu’environ 0,01% qui s’occupent d’idées séparatistes, et encore moins qui rêvent d’un Urumqi musulman, à la manière des Talibans.

Rolf Brendel, Cui Heng, arrondissement Zhongshan, Chine


«La Suisse prouve que les choses sont possibles avec plus de liberté»

A propos de la conférence intéressante et suscitant la réflexion qu’a tenue le conseiller fédéral Ueli Maurer et que vous avez publiée dans votre édition du 6 juillet, permettez à un avocat allemand de faire une remarque qui s’adresse aux responsables gouvernementaux de son pays au sujet d’une question d’actualité: dans l’arrêt que la Cour constitutionnelle d’Allemagne a rendu le même jour à propos du Traité de Lisbonne, de la loi y relative portant ratification et de la loi élargissant et renforçant les droits du Bundestag et du Bundesrat dans les affaires concernant l’Union européenne, la Cour a relevé textuellement ce qui suit:
«La justice pénale dépend – aussi bien en ce qui concerne les conditions de l’incrimination que la conception juste et adéquate de la procédure pénale – de concepts culturels préalables développés au cours de l’histoire et marqués par la langue, et des solutions de rechange se formant durant les procès, qui émeuvent l’opinion publique du moment. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au sujet des garanties en procédure pénale reflète les points communs dans ce domaine, mais aussi les différences entre les nations européennes. Toutefois, la pénalisation du comportement social ne peut être déduite que dans une mesure limitée, sur le plan normatif, de valeurs et prémisses morales adoptées par l’ensemble de l’Europe. Dans une mesure particulière, la décision à propos d’un comportement susceptible d’être puni, de la hiérarchie des droits protégés juridiquement ainsi que du sens et de l’ampleur de la menace de sanction est attribuée bien davantage au processus démocratique de décision. Dans ce secteur important sur le plan des droits fondamentaux, un transfert de souveraineté sortant du cadre de la coopération intergouvernementale ne peut aboutir à une harmonisation que dans des cas internationaux limités et dans des conditions restrictives; en règle générale, les Etats membres doivent garder une liberté de manœuvre substantielle.» (texte n° 253)
La portée de ces constatations dépasse la responsabilité d’intégration qui incombe aux organes des pouvoirs publics allemands. C’est un principe essentiel de la commu­nauté européenne des valeurs que de respecter la décision souveraine d’un peuple au sujet d’un comportement susceptible d’être puni et de la hiérarchie des droits protégés juridiquement, en particulier si cette décision se fonde sur des raisons qui mettent en cause les bases constitutionnelles de l’Etat voisin. Le conseiller fédéral Maurer a mentionné ces raisons de manière impressionnante en se référant au vieux principe helvétique de liberté.
Si les organes de l’Etat allemand ne peuvent pas envisager de faire leur modèle de ce principe de liberté, ils devraient pour le moins le respecter – comme ils y sont tenus par la Cour constitutionnelle – en s’abstenant de s’immiscer dans «l’espace de liberté substantiel» du pays voisin.

Andreas Mylaeus, avocat, Munich