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Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  N° 18, 4 août 2014  >  «Les révolutions de couleur – des prises de pouvoir fomentées et financées de l’extérieur» [Imprimer]

«Les révolutions de couleur – des prises de pouvoir fomentées et financées de l’extérieur»

Résoudre les controverses à l’aide d’efforts diplomatiques

Discours du président russe Vladimir Poutine devant le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie le 22 juillet 2014

km. Traduit par nos soins, nous vous donnons ci-dessous le texte d’une déclaration que le président russe Vladimir Poutine a tenue le 22 juillet devant le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Nous le faisons vu la confrontation qui s’aggrave de semaine en semaine en Ukraine, renforcée par une trop rapide accusation concernant le terrible décès des 300 passagers du vol MH17 et les sanctions décidées par les Etats-Unis et l’Union européenne qui s’en suivent.
Nous aimerions contribuer à ce que ce conflit soit traiter de façon réaliste et, pour ce, il est indispensable d’examiner sérieusement tous les faits connus et, de même, l’argumentation et les requêtes du «parti adverse».
Dans son intervention, le président russe parle de questions stratégiques fondamentales concernant la souveraineté et l’intégrité territoriale de son pays – questions de politique internationale et d’ordre mondial de grande importance pour chaque pays.

Aujourd’hui, nous discuterons du maintien de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays. Nous savons tous que ce sujet central englobe de très nombreux aspects politiques, ethniques, juridiques, sociaux, économiques et autres.
Comme je l’avais déjà dit, la souveraineté et l’intégrité territoriale sont des valeurs fondamentales. On fait référence au maintien de l’indépendance et de l’unité de notre Etat, à une protection fiable de notre territoire et de notre système constitutionnel, ainsi qu’à une neutralisation rapide des menaces internes et externes, dont il y en a suffisamment dans le monde d’aujourd’hui. Néanmoins, je devrais mettre les choses au clair dès le début: il n’y a bien sûr pas de menace militaire directe à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de ce pays. En principe, l’équilibre stratégique des forces mondiales en est une garantie.
Quant à nous, nous observons strictement les normes des lois internationales, ainsi que nos engagements envers nos partenaires. En retour, nous demandons à ce que les autres pays, unions d’Etats ou alliances militaires et politiques fassent de même. La Russie ne fait heureusement part d’aucune alliance, ce qui contribue à garantir notre souveraineté.
Toute nation qui rejoint une alliance renonce en partie à sa souveraineté. Bien qu’il s’agisse d’une décision souveraine de l’Etat en question, elle ne sert pas toujours ses intérêts. Nous exigeons que nos intérêts juridiques nationaux soient respectés et à ce que toute controverse existante soit résolue uniquement par des efforts diplomatiques et des négociations. Personne ne devrait intervenir dans nos affaires internes.
Et pourtant, on entend parler de plus en plus fréquemment d’ultimatums et de sanctions, qui effacent la notion même de souveraineté étatique. Tout régime indésirable, tout pays qui mène une politique indépendante ou qui simplement entrave les intérêts de quelqu’un est déstabilisé. Les «révolutions de couleur», ou autrement dit des coups d’Etat incités et financés de l’extérieur, servent d’outil pour faire précisément cela.
L’attention se dirige, bien sûr, vers les problèmes internes. Tous les pays ont toujours beaucoup de problèmes, en particulier les pays plutôt instables ou ayant un régime compliqué. Les problèmes sont là, mais il n’est pas clair pourquoi ils devraient être utilisés pour affaiblir et décomposer un pays – un phénomène que l’on observe fréquemment dans diverses régions du monde.
Souvent, les forces employées à ce but sont radicales, nationalistes ou même néo-fascistes, comme c’était malheureusement le cas dans de nombreux pays postsoviétiques et comme c’est actuellement le cas en Ukraine. Nous y observons pratiquement la même chose.
Certaines personnes ont pris le pouvoir à l’aide des armes et par des moyens anticonstitutionnels. Il est vrai qu’après le coup d’Etat, ces personnes ont organisé des élections, mais pour quelques raisons obscures, le pouvoir a fini encore une fois dans les mains de celles qui ont financé ou mené cette prise de pouvoir. En même temps, sans aucune volonté de négocier, elles cherchent à réprimer, en recourant à la force, cette partie de la population qui n’est pas d’accord avec un tel changement.
Simultanément, ces gens-là lancent un ultimatum à la Russie: soit vous nous laissez détruire la partie de la nation qui est proche à la Russie d’un point de vue ethnique, culturel et historique, soit nous prendrons des sanctions contre vous. Evidemment, c’est une logique absurde et absolument inacceptable.
En ce qui concerne la tragédie épouvantable qui s’est produite dans les cieux au dessus de Donetsk, nous aimerions encore une fois exprimer nos condoléances aux familles des victimes. C’est une tragédie terrible. La Russie fera tout ce qui est dans son pouvoir pour assurer que l’on procède à une enquête systématique, soigneuse et transparente. On nous demande d’influer sur les milices dans le sud-est [de l’Ukraine]. Comme je l’ai dit, nous ferons tous ce qui est en notre pouvoir, mais ce ne sera absolument pas suffisant.
Hier, alors que les milices remettaient les «boîtes noires», les forces armées ukrainiennes ont lancé une attaque en chars d’assaut contre la ville de Donetsk. Les chars ont avancé jusqu’à la station ferroviaire et ont ouvert le feu sur celle-ci. Les experts internationaux qui étaient arrivés pour enquêter sur le site du désastre n’ont pas pu sortir de leur abri. Il est évident que ce n’étaient pas des troupes de la milice tirant sur elles-mêmes.
Nous devrions enfin faire appel aux autorités de Kiev pour qu’elles respectent les normes morales fondamentales et ordonnent un cessez-le-feu, au moins à court terme, afin de permettre de démarrer l’enquête. Nous ferons naturellement tout ce que nous pouvons pour assurer que l’enquête soit exhaustive.
Cela est précisément la raison pour laquelle la Russie a corroboré la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies proposée par l’Australie. Nous continuerons à coopérer avec tous nos partenaires afin de garantir une enquête complète et approfondie. Toutefois, si l’on considère ces événements en général, comme je l’ai dit, ils sont absolument inacceptables et contreproductifs, car ils ébranlent l’ordre mondial existant.
Sans doute, de telles méthodes ne peuvent pas réussir en Russie. Les moyens employés dans les Etats plutôt faibles et faisant face à des conflits internes n’auront pas d’effet chez nous. Notre peuple, les citoyens russes ne le permettront pas et ne l’accepteront jamais.
Pourtant, on constate la présence de tentatives de déstabiliser la situation sociale et économique, d’affaiblir la Russie d’une manière ou d’une autre ou d’attaquer nos points faibles. Et cela se poursuivra avec pour but surtout de nous pousser à être plus favorables à la résolution de problèmes internationaux.
Les soi-disant mécanismes de compétition internationale sont également mis en place (dans la sphère politique et économique): on a recours aux services spéciaux, aux technologies de l’information et de la communication modernes et aux organisations non-gouvernementales fantoches dépendantes. On appelle cela les procédés de force modérée; et c’est apparemment ainsi que certains pays envisagent la démocratie.
Nous devons répondre de manière adéquate à de tels défis et, surtout, de continuer à travailler de manière systématique afin de résoudre les problèmes qui sont susceptibles de mettre en danger l’unité de notre pays et société.
Au cours des quelques dernières années, nous avons renforcé nos institutions étatiques et publiques – la base du fédéralisme russe – et nous avons stimulé le développement régional en trouvant des solutions aux questions économiques et sociales. Nos organismes d’application de la loi et nos services spéciaux ont amélioré leur efficacité à combattre le terrorisme et l’extrémisme. Nous sommes en train de formuler les bases modernes de notre politique ethnique, d’adapter notre approche à l’éducation et nous luttons constamment contre la corruption. Tout cela garantit notre sécurité et souveraineté.
Toutefois, nous ne devons pas oublier ces thèmes, car si nécessaire, nous devrons être capables de développer et mettre en place des mesures supplémentaires. Dans ces domaines, il nous faut un plan d’action à long terme, des documents stratégiques et des délibérations. Dans ce sens, j’aimerais attirer l’attention sur plusieurs défis prioritaires.
En premier lieu, il s’agit de travailler de manière consistante à renforcer l’harmonie interethnique, de mettre en place une politique d’immigration compétente et de réagir avec rigidité à la passivité des fonctionnaires, ainsi qu’aux conflits interethniques susceptibles d’engendrer des crimes.
Ces défis se présentent à tous les niveaux du gouvernement – du niveau fédéral au niveau communal. Bien sûr, il est d’une importance extrême pour notre société civile d’adopter une position active et de réagir aux violations des droits et libertés de l’homme, contribuant ainsi à prévenir le radicalisme et l’extrémisme.
En particulier, nous comptons sur la société civile pour une aide efficace dans l’amélioration du système de gouvernance de l’Etat, en prenant en compte la politique ethnique, l’éducation de la jeunesse au patriotisme et à la responsabilité pour l’avenir de leur patrie, ce qui est extrêmement important. Récemment, nous en avons discuté à la rencontre du Conseil pour les relations interethniques.
En passant, j’aimerais dire clairement que – avec le soutien de la société civile – nous ne voulons en aucun cas faire avancer notre engagement dans ces secteurs uniquement par des actions dures. Nous ne le ferons dans aucune circonstance, nous comptons tout d’abord et avant tout sur la société civile.
Notre deuxième défi crucial est celui de protéger l’ordre constitutionnel. Il faut garantir la suprématie constitutionnelle et économique, ainsi que l’unité juridique partout en Russie. Les normes fédérales, définies dans la Constitution, sont intouchables et personne ne peut se permettre de violer la loi et les droits des citoyens.
Il est important que tous les Russes, sans égard au lieu de leur domicile, aient les mêmes droits et les mêmes chances: ce sont les fondements d’un système démocratique. Il nous faut respecter avec rigueur ces principes constitutionnels et pour le faire, nous devons édifier un système clair d’autorité étatique, œuvrer à ce que toutes ces composantes fonctionnent en tant qu’un tout uni, de manière précise et systématique. Ce projet devrait inclure davantage les autorités locales dans le mécanisme gouvernemental russe, tout comme le renforcement de l’efficacité de l’apparat juridique. Les procureurs et les autorités de régulation et de contrôle devraient renforcer l’indépendance de l’Etat russe.
Le troisième défi-clé est un développement économique et social durable et équilibré. Mais il est également très important de considérer les facteurs territoriaux et régionaux. Je veux dire par là qu’en priorité, nous devons assurer le développement des régions ayant une importance stratégique, dont notamment l’Extrême-Orient. En même temps, nous devons réduire les gros écarts entre les régions en termes de situation économique et de conditions de vie des habitants. Il faut prendre en compte tout cela lorsqu’on développe des programmes fédéraux dans les différents secteurs, améliore les relations inter-budgétaires, crée des projets de développement de l’infrastructure, sélectionne l’emplacement de nouvelles usines et crée des postes de travail modernes.
Je pense par ailleurs qu’il nous faut réfléchir à des étapes supplémentaires pour réduire la dépendance de l’économie nationale et du système financier aux facteurs externes négatifs. Et je ne fais pas référence uniquement à l’instabilité des marchés mondiaux, mais également à de possibles risques politiques.
En quatrième lieu, nos forces armées continuent à être le meilleur garant de notre souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Russie. Nous réagirons de manière adéquate et proportionnelle à l’approchement des infrastructures militaires de l’OTAN vers nos frontières. Nous ne manquerons pas à prendre en compte l’expansion des systèmes anti-missiles globaux et l’augmentation des réserves d’armes de précision stratégiques non-nucléaires.
On dit souvent que le système anti-missile balistique (ABM) est un système de défense, mais ce n’est pas le cas. C’est un système offensif faisant partie du système de défense offensif des Etats-Unis à la périphérie. Peu importe ce que disent nos collègues étrangers, nous voyons très bien ce qui se passe réellement: il est évident que certaines troupes de l’OTAN sont renforcées en Europe de l’Est, y compris les régions de la mer Noire et de la mer Baltique. En outre, l’étendue et l’intensité de l’entrainement opérationnel et au combat ne fait qu’augmenter. Il est donc impératif de mettre en œuvre toutes les mesures planifiées afin de renforcer pleinement et dans les délais prévus la capacité de défense de notre nation, incluant bien sûr la Crimée et Sébastopol, où il nous faut entièrement reconstruire l’infrastructure militaire.    •

Source: http://eng.kremlin.ru/news/22714
(Traduction Horizons et débats)