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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°1, 11 janvier 2010  >  Le droit à l’autodétermination [Imprimer]

Le droit à l’autodétermination

Une petite commune montagnarde veut rester autonome

Interview d’Andrea Nold, président de la commune de Conters, dans le Prättigau (Grisons)
rc. Le 11 décembre 2009, la question de la fusion avec d’autres communes a été traitée au Conseil communal de Conters et le résultat a été étonnamment courageux: Les électeurs présents sont tombés d’accord sur le fait qu’une fusion n’était pas nécessaire et qu’ils voulaient rester autonomes le plus longtemps possible. Nous avons interrogé Andrea Nold, président de cette commune, sur les raisons de cette décision. Il est venu, il y a 23 ans, habiter la commune, afin de vivre dans un petit village autonome dont les structures permettent de mieux participer. Depuis quatre ans il est président du Conseil communal et, comme les autres membres, il n’appartient à aucun parti.
Conters, avec ses 235 habitants, est un village de montagne typique qui, comme dans beaucoup de vallées des Grisons, s’est transformé au siècle passé: cette commune paysanne est devenue une commune résiden­tielle qui jouit d’une bonne qualité de vie. Au début du siècle passé, Conters a acheté aux enchères l’alpage de Parsenn. Jusqu’aux années 1970, la commune n’a pas perçu d’impôts, surtout grâce à l’exploitation des forêts. Mais comme elle a raté le moment favorable pour introduire des impôts, elle a eu des difficultés financières et ce n’est qu’au cours des années 1990 que les finances ont été assainies, notamment grâce au soutien des communes jumelées d’Embrach et de Russikon.
Aujourd’hui, Conters, avec une légère augmentation du nombre d’habitants, a une école primaire à journée continue, une crèche privée, un restaurant dans le village et trois sur le domaine skiable; elle est devenue une commune vivante et attractive qui envisage l’avenir avec optimisme. Cela aussi grâce à une bonne situation financière, avec un taux d’imposition de 70% de l’impôt cantonal de base que permettent notamment la rede­vance hydraulique et les revenus des contrats de superficie avantageux conclus avec les téléphériques de Parsenn.

Horizons et débats: Lors de l’assemblée communale de Conters du 11 décembre 2009, la question de la fusion de la commune a été débattue. Quelle en était la raison?

Andrea Nold: Dans le canton des Grisons, comme partout ailleurs, il est beaucoup question d’assainissement structurel politique. Aussi le canton encourage-t-il les fusions de communes par d’importantes aides finan­cières uniques et des conseils. De plus, il y a la pression exercée par un projet d’initiative socialiste «50 communes, c’est assez». (Aux Grisons, il y a presque 200 communes). Je ne comprends pas qu’un parti puisse s’engager en faveur d’une réforme qui vise finalement à démanteler la démocratie. Pour moi, la démocratie, c’est que les citoyens expriment leur volonté et que le pouvoir politique applique les décisions prises. Deux conceptions s’opposent: une structure qui permet aux citoyens le plus de participation possible et une autre où l’on impose les choses d’en haut. On ne pèse pas le pour et le contre à différents niveaux. C’est de cela que nous avons débattu ouvertement au Conseil communal et maintenant nous savons ce que pensent les citoyens. Cela nous permet de prendre clairement position dans les discussions avec les com­munes environnantes et le Canton. C’est d’autant plus important qu’il y ait dans notre vallée plusieurs projets de fusion.

Les partisans des fusions prétendent qu’on ne trouve pas de citoyens pour assumer les fonctions politiques et les charges administratives bénévoles. Qu’en est-il dans votre commune?

Nous n’avons en général aucun problème pour pourvoir les charges politiques de manière satisfaisante. A mon avis, cela tient au fait que les habitants s’identifient avec la commune et qu’ils acceptent et soutiennent les autorités. La politique partisane ne joue pas de rôle dans nos autorités. La motivation réside dans la volonté d’assurer au village une bonne qualité de vie, politiquement, socialement et en ce qui concerne les infra­structures. Dans une petite commune, il y a relativement beaucoup d’habitants qui sont intégrés dans les processus politiques, ce qui a comme avantage que les responsabilités sont largement partagées.

Comment trouvez-vous les gens pour les diverses tâches de la commune?

Cela passe par les contacts personnels. On connaît les gens et leurs qualités. Ainsi, la plupart du temps, on ne manque pas de propositions. Toute personne qui prend en charge une tâche la remplit selon ses capacités.

On prétend aussi que les fusions de com­munes sont moins chères pour les contribu­ables.

Cette affirmation a déjà été mise en doute officiellement. Elle ne vaut guère pour notre commune. Avec une fusion, la bureaucratie augmenterait et, avec des fonctionnaires qui ne connaissent pas la situation dans le village, cela coûterait certainement plus cher.
Par ailleurs, dans une petite commune, beaucoup de travail est effectué bénévolement ou pour des rémunérations modérées. Beaucoup de missions, comme l’éducation, les pompiers, la santé, le ramassage des ordures, etc. sont aujourd’hui déjà effectuées en collaboration avec les communes voisines. Là non plus, on ne peut pas réaliser d’économies.
En ce qui concerne les infrastructures, on ne pourrait faire des économies qu’en diminuant les prestations. Depuis toujours, nous nous efforçons d’entretenir des infrastruc­tures fonctionnelles et durables.
Si l’on voulait vraiment faire des économies, on devrait appliquer ce que préco­nise par exemple le think thank Avenir Suisse, c’est-à-dire la déstructuration et le dépeuplement des vallées reculées des régions de montagne. Cela reviendrait à abandonner la diversité qui caractérise notre canton.
Les conséquences humaines, sociales et culturelles d’une telle idée typique de l’économie de marché seraient imprévisibles et représenteraient en tout cas une perte énorme, pas seulement pour les habitants des régions touchées.

Quels sont les avantages pour votre com­mune si elle préserve son autonomie? Qu’en espérez-vous?

La petite structure permet aux habitants de s’investir et d’organiser eux-mêmes leur patrie politique, leur espace de vie, afin d’en préserver la qualité. Il y a là un échange qui valorise les individus.

Comment la jeunesse s’identifie-t-elle avec la commune?

C’est une question difficile. Dans des discussions, les jeunes se disent attachés à la commune et en sont fiers. Ces dernières années, ils ont pu, grâce à une mobilité plus grande, étendre leurs activités sur un plus grand espace. Il est cependant difficile de savoir ce que l’avenir nous réserve et combien de jeunes resteront dans la commune. Cette communauté forte et authentique va, à mon avis, conserver son attrait.

Que ferez-vous si les communes alentour fusionnent et que le canton augmente la pression?

Je ne sais pas encore comment nous réagirons. Mais ce que je désire, c’est un débat ouvert sur toutes les conséquences des fusions. Tant que le problème sera envisagé uniquement sous l’aspect des avantages administratifs et que l’on occultera tous les inconvénients qu’apporterait une fusion, j’essayerai de faire valoir les vues et les demandes de notre commune. Nous n’abandonnerons pas le champ de bataille sans nous battre. Ce qui sera décisif pour notre stratégie sera de savoir comment d’autres communes du canton réagiront à cette perte d’autonomie.
Au cas où nous ne pourrions empêcher la fusion, nous tirerons le meilleur parti de la situation et nous ferons tout pour que notre commune, qui s’est développée au cours de l’histoire, reste vivante. Mais de toute façon, nous considérerons cela comme une atteinte à l’autonomie et à la liberté des citoyens.    •