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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°22, 28 mai 2012  >  La crise de la dette. La redistribution en est la cause et l’asservissement la conséquence [Imprimer]

La crise de la dette. La redistribution en est la cause et l’asservissement la conséquence

par Eberhard Hamer

Le surendettement des Etats-Unis et de la plupart des Etats européens représente un grand danger non seulement pour le système monétaire mais également pour la cohésion des Etats européens entre eux et la cohésion sociale à l’intérieur des Etats.
La grande crise de la dette menace directement notre monnaie, nos économies, notre prospérité, nos entreprises et nos emplois.
Depuis trois ans, les problèmes de la dette se sont révélés plus ou moins graves selon les pays et ils préoccupent les politiques, les acteurs économiques, les banques centrales et les économistes sans qu’on ait trouvé jusqu’ici une stratégie commune ou une solution.
•    Pourquoi la plupart des démocraties sont-elles surendettées, en tout cas davantage que les dictatures?
•    D’où viennent les incroyables moyens financiers qui ont permis aux pays de s’endetter?
•    Pourquoi, au cours des décennies, n’a-t-on pas freiné à temps l’endettement?
•    Pourquoi le surendettement qui s’est développé au cours des 40 dernières années n’est-il pas devenu plus tôt un problème mondial?
•    Pourquoi les Etats ne résolvent-ils pas leur problème de surendettement de manière classique, c’est-à-dire en se déclarant en faillite afin de repartir de zéro sur des bases plus solides?
•    Pourquoi n’est-ce pas l’endettement le plus important du monde en chiffres absolus, celui des Etats-Unis, mais ceux, moins importants, des Etats européens qui concentrent l’attention des marchés financiers et des agences de notation?
Il doit exister une explication commune pour toutes ces questions car dans le grand jeu de l’industrie financière, rien n’arrive par hasard, sans raison. Le caractère international de la crise financière et les surendettements qui en sont la cause montrent déjà à eux seuls qu’il doit y avoir une situation commune, que la cause et les effets de la crise pourraient être pilotés quelque part, que de puissantes forces financières tirent les ficelles.

Pourquoi presque toutes les démocraties se sont-elles surendettées?

Tandis que les Etats féodaux du XIXe siècle se préoccupaient surtout de sécurité, d’ordre et de justice, les démocraties du XXe siècle se caractérisaient par leurs objectifs de liberté et d’égalité devant la loi. Par conséquent, les individus devaient, grâce au suffrage uni­versel, pouvoir élire – ou ne pas réélire – leurs gouvernants. Les élites politiques devaient donc chercher à obtenir des majorités.
Cependant l’époque des affrontements d’idées politiques opposant les candidats a fait place à des luttes de partis qui rivalisent d’offres faites aux électeurs, de promesses de plus de prestations de l’Etat. C’est celui qui promet le plus de cadeaux qui a le plus de chances d’être élu. Ainsi l’affrontement politique n’enrichit pas le débat d’idées communes mais tourne autour des prestations de plus en plus importantes offertes à des couches d’électeurs de plus en plus vastes.
C’est ainsi qu’au XXe siècle, le socialisme qui prévalait plus ou moins dans toutes les démocraties a tiré du principe d’égalité des droits et des chances devant la loi une revendication d’«égalité sociale» selon laquelle, apparemment, tous les hommes n’étaient pas seulement égaux en droits mais aussi égaux de par leur nature et avaient droit, par conséquent, aux mêmes conditions de vie et aux mêmes prestations sociales. Le but de l’Etat-providence était donc de se mettre au service de la «justice sociale». Or on peut se demander:
•    s’il est socialement juste que chacun puisse jouir surtout lui-même du revenu de ses prestations supplémentaires (libéralisme);
•    ou si l’on peut ponctionner de plus en plus les revenus élevés pour les redistribuer à d’autres, du moins en cas de nécessité (partis de droite);
•    ou encore s’il faut en principe offrir à tous le même revenu et les mêmes conditions de vie grâce à la redistribution (socialisme).

Les démocraties du XXe siècle ont dégénéré en Etats redistributifs

C’est pourquoi dans l’Etat-providence du XXe siècle, la redistribution est non seulement devenue le principal sujet des partis politiques lors des élections mais une mission dominante de l’Etat. Comme, dans le processus de redistribution, ce qu’on donne aux uns doit être pris aux autres et que généralement ces derniers ne donnent pas librement ce qu’ils possèdent, les pouvoirs publics doivent imposer par la force la redistribution voulue par les politiques. Les démocraties du XXe siècle ne sont pas seulement devenues des Etats-providence mais des Etats redistributeurs dont l’objectif nouveau consistait à redistribuer les revenus et les fortunes.
Ils ont développé, en ce qui concerne les revenus, un système sophistiqué d’imposition progressive consistant à saigner de plus en plus les riches pour financer la politique sociale ou de redistribution. C’est pourquoi dans la plupart des Etats-providence, les deux tiers des revenus des riches et des profits des entreprises sont ponctionnés pour être redistribués à la clientèle politique.
Contrairement à ce qu’ils prétendent, les partis démocratiques n’exercent pas leur pouvoir dans l’intérêt des citoyens mais dans leur propre intérêt et celui de leurs partisans. L’avantage politique de toute redistribution signifie avant tout pour les partis qu’en tant que détenteurs du pouvoir gouvernemental ils peuvent lever des impôts et des charges sociales et les distribuer sous forme de prestations sociales.
C’est ainsi que les partis gouvernementaux peuvent récompenser leurs partisans pour services rendus, c’est-à-dire pour leurs suffrages ou plus généralement pour leur soutien politique. Il peuvent également affaiblir leurs adversaires politiques en les imposant et asseoir ainsi leur pouvoir politique.
Si l’opposition du moment ne lutte pas contre cette redistribution étatique, c’est qu’elle veut se réserver la possibilité, en cas de changement de gouvernement, de faire à son tour des cadeaux électoraux à elle-même et à ses partisans afin de s’assurer les avantages du pouvoir. En cas de changement de gouvernement, on appauvrit ceux qu’on avait enrichis et on enrichit ceux qu’on avait appauvris. Seule la cible de la redistribution change – et encore – mais le système redistributif n’est pas remis en cause. Toutes les élites politiques y trouvent leur intérêt car elles espèrent arriver un jour au pouvoir à la suite d’élections.
De cette manière, l’Etat démocratique du XXe siècle est devenu un instrument corrupteur (cadeaux électoraux) qui aide les politiques du moment dans leur lutte pour gagner des suffrages et arriver au pouvoir.
Cependant toute redistribution est pour les bienfaiteurs une voie sans retour. Une fois accordées, les prestations sociales ne peuvent guère être reprises par le gouvernement sans que le mécontentement des électeurs ne leur fasse perdre le pouvoir. Aussi les augmente-t-on, surtout avant des élections. Une augmentation supplémentaire des dépenses provient du fait que certaines prestations sociales doivent être accordées non seulement à la clientèle politique des partis gouvernementaux mais à la population tout entière. Et certaines mesures redistributives entraînent un effet boule de neige qui s’étend peu à peu à des couches toujours plus larges de la population (électeurs). Mais ces cadeaux sociaux deviennent si généraux que la plupart des gens n’en sont même plus conscients. Plus de trois quarts de la population allemande bénéficient de telle ou telle mesure de transfert et une petite majorité en vit exclusivement.
Mais ce sont non seulement les revenus qui sont redistribués par des mesures étatiques, mais aussi les fortunes. Le socialisme a décrété que la «répartition injuste» de la fortune était une «injustice sociale» et revendiqué une nouvelle répartition des revenus et des fortunes fondée sur les besoins et non pas sur les prestations des individus. C’est pourquoi l’imposition de la fortune, qui vise à distribuer la fortune des gens travailleurs à ceux qui «gagnent moins», est une revendication fondamentale de tous les partis socialistes.

La haute finance peut faire ce qu’elle veut et les principales victimes sont les PME

Les principales victimes de cette redistribution des revenus et des fortunes sont les PME travailleuses. Selon les statistiques allemandes officielles, sur 82 millions d’habitants, seuls 34,3 millions (42%) sont considérés comme «vivant d’une activité rémunérée». Donc une minorité de 42% d’actifs doit entretenir une majorité de 58%, laquelle comprend certes les familles de ces personnes.
La population active est constituée de deux groupes bien distincts:
1.    ceux qui vivent d’un «revenu du marché», comme les entrepreneurs et les salariés de l’économie privée,
2.    ceux qui travaillent, certes, mais vivent, en tant que fonctionnaires ou bénéficiaires de revenus de transferts, des impôts et des charges sociales des premiers.
Ainsi, 66,1% de la population vivent grâce à la redistribution par l’Etat de l’argent provenant des impôts et des charges sociales des 33,9% qui vivent d’un revenu du marché. Cela au grand dam du FDP [Parti libéral] qui s’est rendu compte, lorsqu’il luttait pour des baisses d’impôts, que maintenant deux tiers de la population – les bénéficiaires des transferts de revenus – sont depuis longtemps intéressés par une augmentation des impôts de ceux qui vivent d’un revenu du marché parce que c’est le seul moyen pour eux de bénéficier de revenus de transfert (salaires de la fonction publique, pensions de retraite, prestations sociales).
La redistribution au sens de «réalisation de la justice sociale» par l’Etat-providence n’est pas seulement pratiquée par les partis politiques pour corrompre les électeurs et approuvée par une majorité de la population bénéficiaire de ces cadeaux; elle est également pratiquée dans l’intérêt d’une armée toujours plus importante de fonctionnaires sociaux pour qui la redistribution a créé une «domination par la prise en charge». Ludwig Erhard déjà ne cessait de nous mettre en garde contre ce phénomène et condamnait le «féodalisme social», c’est-à-dire le parasitisme de ceux qui distribuent l’argent public que d’autres doivent gagner par leur travail.

La féodalité sociale est une domination sur autrui

Où que l’on dirige son regard en Allemagne, on observe cette féodalité sociale, et pas seule­ment dans les administrations publiques et le système social:
•    Les télévisions et radios publiques versent plus de hauts salaires que les Länder qui les financent n’ont de secrétaires d’Etat.
•    Dans les Chambres publiques, les organismes de traitement et de distribution de l’eau, les sociétés de construction de logements, les dépôts de matériaux de construction etc., les fonctionnaires ont aligné leur traitement sur les salaires du privé mais ont conservé le droit de la fonction publique, la sécurité de l’emploi et les retraites de la fonction publique.
•    Soir après soir, le gratin culturel joue dans des théâtres subventionnés des pièces que seuls leurs metteurs en scène apprécient et que fuit le public.
•    La protection de l’environnement con­stitue un vaste domaine du féodalisme social. Quiconque a quelque chose à protéger dans l’environnement peut s’assurer une situation féodale officielle dotée d’un pouvoir sur autrui.
•    N’importe quel groupe qui estime qu’il doit être protégé a maintenant ses délégués officiels: des milliers de délégués représentant les bénéficiaires de dérogations, les femmes, les pédés, les lesbiennes, les immigrés, les handicapés ou se consacrent à la protection de l’environnement, etc. Ils occupent des fonctions féodales grasse­ment rétribuées sans avoir de véritable mission.
Comme dans toute féodalité, les fonctionnaires ont rendu inattaquable leur statut officiel grâce au mot fétiche «social». Quiconque n’est pas «social» se voit discriminé par la société. Ainsi non seulement les prestations sociales augmentent sans retenue mais égale­ment le nombre et les traitements des fonctionnaires sociaux. Ce sont les prêtres, la noblesse, les exploiteurs et les principaux bénéficiaires de notre Etat redistributeur hypertrophié.

Coût de la redistribution

L’inconvénient de ce féodalisme social croissant et de la redistribution de plus en plus déchaînée réside dans son coût. Tous les bienfaits distribués par l’Etat doivent bien être financés par quelqu’un.
Traditionnellement, en Allemagne, tous les bienfaits sociaux sont financés par les impôts et les charges sociales des actifs. Plus la redistribution est importante et plus les coûts de l’armée des fonctionnaires sociaux augmentent, plus les charges salariales doivent être augmentées. C’est pourquoi l’Allemagne a les charges sociales les plus élevées du monde et qu’il devient de plus en plus difficile de concurrencer les autres pays, comme la Chine, qui, pour une même productivité et sans charges sociales, est beaucoup moins chère, donc plus concurrentielle.
En Allemagne, le salaire brut moyen est d’environ 3500 euros. Un célibataire n’en touche que 55,9% nets. A cause des charges supplémentaires des employeurs comme les salaires payés en cas de maladie, les congés payés, les charges sociales, etc., le coût total de ce salarié se monte à quelque 6000 euros bruts. Son revenu net représente donc un tiers de son coût brut total. Autrement dit, deux tiers de ce que ce salarié doit gagner par son travail est absorbé par de nombreux tentacules étatiques et redistribué (cf. E. Hamer, «Mittelstand unter lauter Räubern» («Les PME parmi une multitude de voleurs», 2011, p. 66 sqq.)
Mais la redistribution ne s’opère pas seulement horizontalement, dans la mesure où l’on saigne à blanc les forces vives du pays afin d’avantager les bénéficiaires de prestations, elle s’opère aussi verticalement:
•    Traditionnellement, il existe en Allemagne des Länder socialistes qui s’offrent depuis des décennies les plus lourdes administrations et les plus importantes redistributions et font valoir leurs droits à la péréquation auprès des Länder sérieux.
•    Au niveau national également, on prépare maintenant, au nom de la «solidarité européenne», le plus gros transfert financier des pays à l’économie saine, en particulier l’Alle­magne, vers les Etats de l’UE corrompus qui sont en faillite: le Mécanisme européen de stabilité (MES).
•    Même les organisations internationales ont désigné l’Allemagne comme principal contributeur, p. ex. l’ONU (530 millions d’euros), la Banque mondiale (370 millions) l’ASE (557 millions), etc. (cf. E. Hamer «Mittelstand unter lauter Räubern»)
A vrai dire, il existait une limite naturelle que ne dépassaient pas les politiques et les fonctionnaires sociaux dans la répartition de leurs nouveaux bienfaits et dans leurs nouvelles missions aux frais de l’Etat: le montant des revenus de l’Etat. Mais depuis qu’on peut imprimer librement de la monnaie de papier et que les banques et les organismes collecteurs d’épargne peuvent accorder aux Etats des crédits sûrs, la limite des recettes publiques a cessé d’être celle des dépenses publiques. Grâce aux crédits, une soupape supplémentaire de dépenses a été ouverte qui a offert aux politiques une source commode pour leurs cadeaux sociaux: l’endettement public.
Tant que l’on peut contracter des dettes supplémentaires à tous les niveaux, l’enthousiasme de la redistribution ne connaît plus de frein: on peut distribuer toujours plus qu’on ne peut créer de valeur et que les citoyens ne peuvent payer. Donc à l’heure actuelle, on peut vivre au-dessus de ses moyens dans l’espoir qu’on sera à même, un jour ou l’autre, de rétablir l’équilibre.
Cela a conduit, à tous les niveaux de l’Etat, au plus important endettement de l’histoire. Certes, certains gouvernements n’ont cessé de prétendre faire des économies, cependant ils n’ont fait que réduire la dette nette mais pas les nouvelles dettes. Aussi la dette totale a-t-elle constamment augmenté, tantôt plus, tantôt moins, mais continuellement. L’endette­ment public considérable est donc le résultat de l’importante redistribution publique, du besoin maladif de redistribuer toujours davantage et également ce qu’on espère générer comme valeur plus tard.

Le surendettement entraîne l’asservissement par la dette

Tout surendettement présuppose un créancier. Dans le secteur privé, un créancier n’octroierait pas de crédits dépassant ce que le débiteur peut payer en intérêts et amortissements. En d’autres termes, le débiteur doit être solvable.
En ce qui concerne les pays comme les Etats-Unis, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, etc., on n’a manifestement pas accordé les crédits en fonction de leur solvabilité. On est allé au-delà. La Grèce, par exemple, n’aurait pu ni payer les intérêts ni rembourser sa dette de 380 milliards au cours des 50 prochaines années. Et beaucoup d’autres pays européens sont déjà endettés bien au-delà de leur solvabilité (cf. notations des agences). Par conséquent, si la haute finance internationale a accordé aux pays des crédits trop importants et impossibles à supporter, il doit y avoir des raisons à cela.
L’endettement public galopant a commencé en 1971, après que le Président des Etats-Unis eut libéré la Réserve fédérale (FED) de la couverture-or, c’est-à-dire de l’obligation de ne pas dépenser plus de dollars que ne le permettait la réserve d’or. Dès lors elle put imprimer autant de monnaie qu’elle voulait et la quantité de monnaie en circulation dans le monde a été multipliée par 40 en 30 ans et encore par 3 au cours des 5 dernières années. Ainsi, l’augmentation de la masse monétaire par les maîtres du dollar est devenue de plus en plus effrénée. Cela a permis aux propriétaires de l’institution privée qu’est la FED, la bande de Goldman-Sachs, en octroyant toujours plus de crédits à plus de 200 pays, d’établir la domination du dollar sur le monde, domination qu’elle a cimentée grâce aux bases ou aux troupes d’occupation américaines. Maintenant, plus de 200 pays sont tributaires de la haute finance américaine, maîtresse de l’empire du dollar. Ce que les générations précédentes avait dû obtenir par les conquêtes militaires, c’est-à-dire asservir les pays, la bande de Goldman-Sachs y est arrivée en créant de la monnaie, en accordant des crédits, c’est-à-dire grâce à l’asservissement par la dette. Elle a édifié le plus grand empire financier de l’histoire.
La distribution de nouveaux cadeaux aux citoyens par les débiteurs grâce à la dette permettait aux créanciers d’asservir financièrement les Etats et leurs citoyens, à en faire des vassaux.
John Perkins fut un des premiers agents de premier plan de la haute finance américaine qui voulaient pousser les pays dans l’asservissement par la dette. Lui et ses collègues créèrent les conditions permettant de le faire: «Ils utilisent les organisations financières internationales pour créer les conditions permettant d’assujettir d’autres nations à la corporatocratie formée par nos plus grandes compagnies, notre gouvernement et nos banques.
Comme leurs homologues de la Mafia, les assassins financiers accordent des faveurs. Lesquelles? Des prêts pour développer les infrastructures: centrales électriques, autoroutes, ports, aéroports ou zones industrielles. Ces prêts sont octroyés à la condition suivante: ce sont des compagnies d’ingénierie et de construction américaines qui doivent réaliser tous ces projets. On peut donc dire qu’en réalité l’argent ne quitte jamais les Etats-Unis, mais qu’il est simplement transféré des banques de Washington aux compagnies d’ingénierie de New York, Houston ou San Francisco.
Bien que l’argent retourne presque immédiatement aux compagnies membres de la corporatocratie (le créancier), le pays récipiendaire doit tout rembourser, capital et intérêts. Si l’assassin financier a bien travaillé, les prêts sont si élevés que le débiteur faillit à ses engagements au bout de quelques années. Alors, tout comme la Mafia, nous réclamons notre dû, sous l’une ou l’autre des formes suivantes: le contrôle des votes aux Nations Unies, l’installation de bases militaires ou l’accès à de précieuses ressources comme le pétrole ou le canal de Panama. Evidemment, le débiteur nous doit encore l’argent … et voilà donc un autre pays qui s’ajoute à notre empire global.» (John Perkins, «Les confessions d’un assassin financier», prologue p. 20).

L’exemple de la Grèce

On observe la même procédure dans la crise de la dette. Ainsi, la Grèce n’a pu adhérer à l’Union européenne que grâce à une fraude de Goldman Sachs qui lui a octroyé pour 380 milliards d’euros de crédits. Mais lors du prétendu «sauvetage», on n’a pas recherché la «participation de créanciers privés», on s’est contenté de se demander comment d’autres pays pas encore surendettés pourrait se porter garant du surendettement de la Grèce, apparemment par «solidarité européenne», afin de venir en aide à la population. Mais la situation de la Grèce ne s’est pas améliorée. Au contraire, elle a empiré. Et l’aide n’est pas restée en Grèce, elle a été versée par les pays asservis aux banques créancières de la haute finance. Pratiquement, toute cette opération de sauvetage n’a pas été réalisée au profit des pays débiteurs mais à celui des requins américains de la finance qui ont poussé le monde dans l’asservissement par la dette et qui ont le pouvoir d’inciter d’autres gouvernements pas encore surendettés à violer leur constitution et à se porter garants des dettes en faveur de la finance américaine. Les dettes ne devaient pas disparaître. Il fallait qu’elles subsistent afin que soit maintenu l’asservissement par la domination du dollar. Les prétendus plans de sauvetage portent sur des sommes toujours plus élevées si bien que la Banque centrale européenne (BCE) doit, en violation de ses statuts, racheter de plus en plus de créances des pays surendettés (plus de 700 milliards d’euros). C’est pourquoi les intérêts sont artificiellement bas afin que les dettes croissantes puissent être maintenues dans une masse monétaire (argent nouvellement créé) en augmentation constante. Au travers des plans de sauvetage, l’Allemagne, en se portant solidairement garante de tous les pays européens insolvables, se trouve asservie à la haute finance américaine. Les dettes individuelles de ces pays deviennent des dettes collectives dont l’Allemagne doit se porter garante. Cela signifie que les décisions du Bundestag sur le Pacte budgétaire et le MES équivaudraient à une seconde loi des pleins pouvoirs par laquelle l’Allemagne abandonnerait sa souveraineté financière à une dictature européenne. De même que la première loi allemande des pleins pouvoirs de 1933 a créé une dictature nationale, la seconde crée une dictature financière européenne. Et en coulisses, la haute finance américaine tire les fils d’un plus complet asservissement de l’Europe par la dette.

Toute solution de la crise financière doit maintenir l’asservissement

En Europe, la crise de la dette s’est déve­loppée au cours des dernières décennies et maintenant les agences de notation américaines la surévaluent chaque fois que le dollar chute, chaque fois que le surendettement des Etats-Unis entraîne dans le monde une perte de confiance dans le dollar car à ce moment-là, les Etats-Unis ne voient plus affluer de l’étranger les 400 milliards annuels dont ils ont besoin pour demeurer solvables (ils sont surendettés depuis longtemps). Quand la confiance dans le dollar diminue, il faut que la confiance dans l’euro diminue davantage afin d’empêcher les spéculateurs de se réfugier dans l’euro. La haute finance américaine a donc besoin de la crise de l’euro pour sauvegarder l’empire du dollar.
En même temps, l’empire financier mondial a besoin de maintenir l’asservissement par la dette, c’est-à-dire par les dettes nationales des Etats, afin qu’aucun d’entre eux ne puisse échapper à l’obligation de payer son tribut. Aussi aucun Etat ne doit-il se dé­clarer en faillite pour se libérer de ses dettes à l’égard de la haute finance américaine.
Alors seules deux solutions provisoires entrent en ligne de compte:
1.    Les pays débiteurs devraient assainir leurs finances à longue échéance grâce à des plans de rigueur. C’est pourquoi on force la Grèce à faire des économies. Cependant aucun gouvernement démocratique ne peut faire de sérieuses économies sans être renversé. La population ne tolère que des économies limitées. Par conséquent le surendettement actuel ne peut pas être résolu par les mesures de rigueur. Elles devront bientôt être abandonnées.
2.    Sur ordre des Etats-Unis, l’UE doit résoudre la crise au plan européen. Cette solution est dictée par la volonté de maintenir, dans un premier temps, la solvabilité des pays pas encore surendettés au moyen d’aides financières et de garanties. Mais là-derrière se cache l’objectif de l’empire de la finance mondiale qui est de transformer, au moyen de garanties, les dettes individuelles des pays surendettés en dettes communes de l’ensemble des pays européens afin d’asservir les pays qui ne sont pas encore surendettés. C’est à cela que servent les prétendus plans de sauvetage et le MES. Il s’agit de mutualiser les dettes et d’amener en particulier l’Alle­magne à se surendetter et tous les pays à répondre des crédits de la haute finance américaine.
3.    Aux Etats-Unis, la solution consiste à créer de la monnaie et plus les dettes augmentent, plus on crée d’argent afin de «noyer les dettes dans la masse monétaire». La BCE essaie de procéder de la même manière en Europe. Le MES n’est rien d’autre qu’une machine à créer de la monnaie.

Allons-nous vers le fonctionnement à plein régime des planches à billets?

La création de monnaie en Europe est nécessaire pour que les cours du dollar ne baissent pas trop à la suite de cette augmentation effrénée de la masse monétaire. Mais la croissance monétaire implique aussi l’inflation. On programme maintenant une inflation progressive qui sera bientôt galopante et toute inflation galopante conduit un jour ou l’autre à une réforme monétaire, à une perte de valeur de l’argent. Et ce qui est fascinant ici pour la haute finance, c’est que son asservissement relatif par la dette, son pouvoir sur les pays demeure aussi bien en cas d’inflation qu’en cas de réforme monétaire. La solution qui passe par l’augmentation de la masse monétaire, l’inflation et la réforme monétaire appauvrit les citoyens mais maintient la domination de l’empire financier par la dette.
De quelle manière cette solution nous toucherait-elle?
1.    Les perdants de toute inflation et de toute réforme monétaire sont tous ceux qui possèdent des valeurs monétaires.
2.    Tous ceux qui bénéficient de transferts sociaux, de pensions alimentaires sont égale­ment touchés.
3.    De nombreuses personnes s’appauvrissent tandis que les possesseurs de biens réels n’enregistrent des pertes que si l’Etat les assujettit à un impôt sur les plus-values en capital.
4.    Seule une réforme monétaire mettra fin à la fausse prospérité et aux cadeaux de l’Etat et appauvrira de nouveau de nombreux peuples.
5.    Ensuite, les peuples devront nécessairement soit revenir d’une société de transferts sociaux à une société de rendement soit perdre leur compétitivité interna­tionale et tomber dans la pauvreté.

La guerre va-t-elle être la prochaine erreur?

Mais on pourrait prochainement adopter une autre solution qu’ont souvent utilisée en dernier recours les dictateurs quand ils étaient pour ainsi dire le dos au mur. Ce n’est un secret pour personne qu’Israël veut déclencher une guerre cette année encore. Selon le ministre américain de la Défense Panetta, l’Etat hébreux attaquera l’Iran «entre avril et juin de cette année». A vrai dire, il pense que cela dépendra du temps qu’il faudra au Mossad et aux insurgés de Syrie pour que ce pays soit ou bien «pacifié» ou du moins tellement déstabilisé qu’il ne représentera plus aucun danger à la frontière nord d’Israël. C’est à ce moment-là seulement qu’Israël pourra lancer son attaque.
Si cette alternative devenait réalité cette année encore, ce serait le début de la troisième guerre mondiale. Les Etats-Unis sont tenus par des traités de venir en aide à Israël et l’OTAN n’est plus depuis longtemps une alliance de défense mais une troupe d’appoint de la puissance américaine et elle participerait donc à cette guerre avec sa technique et ses soldats. Cette guerre masquerait la crise financière actuelle. Dans les guerres, les questions financières n’ont jamais joué de rôle car les agresseurs misaient sur la
victoire et le butin. En outre, deux fois déjà les Etats-Unis sont sortis de très grandes crises financières grâce à des guerres et à leur butin et sont devenus une puissance économique de premier plan. Pourquoi ne se lanceraient-ils pas une troisième fois dans l’aventure?
A vrai dire, une guerre mettrait en danger l’approvisionnement en pétrole du Golfe et doublerait voire triplerait sans doute aussitôt le prix de l’or noir dans le monde, sans parler des effets sur les prix en général et le niveau de vie.
On peut se demander si, en cas d’attaque de l’Iran, les Russes, les Chinois et le Pa­kistan, qui sont ses alliés, resteraient inactifs, d’autant qu’ils ont besoin du pétrole iranien.
Cette solution militaire de la crise financière serait la pire de toutes les solutions (troisième guerre mondiale) et l’inflation et la réforme monétaire, solutions pacifiques, seraient le «moindre mal».    •
(Traduction Horizons et débats)

Le vote du Parlement autrichien concernant la ratification du MES est reporté
hep. En un premier lieu, la ratification du pacte budgétaire de l’UE par le Parlement autrichien était prévue pour mi-mai. Différentes initiatives citoyennes et des prises de position critiques de la part de différentes personnes, de même que la création d’un comité citoyen «Pour un référendum sur le pacte budgétaire de l’UE» ont contribué au retrait de l’ordre du jour du Conseil national de cette ratification qui devait passer à l’insu de la population.
A l’occasion d’une conférence de presse, Boris Lechtaler a résumé le souhait du comité citoyen: «Il s’agit d’une question démocratique fondamentale: le Parlement a le droit et l’obligation de décider des recettes et des dépenses de l’Etat. Il ne peut tout simplement pas déléguer ce droit à des institutions non légitimées démocratiquement, telles la Commission européenne ou la Cour de justice. Le Parlement n’en a pas le droit. C’est pourquoi le comité citoyen exige un référendum concernant le pacte fiscal.»
«Ce pacte a son origine dans l’école néolibérale de Chicago et suit un modèle déjà expérimenté aux Etats-Unis sous Reagan, mais abandonné par la suite du fait qu’il était inapplicable. La conception fondamentale en est que la liberté d’action de la politique doit être limitée afin d’en laisser davantage au capital» selon l’économiste autrichien bien connu Stephan Schulmeister qui soutient l’initiative, dans une interview à l’hebdomadaire «Die Furche» du 10 mai. Selon lui, ce pacte budgétaire «étranglerait à la longue l’économie et l’Etat social».
De son côté, Gerhard Kohlmeier, AHS, – enseignant et membre fondateur d’une initiative fiscale interpartis au sein du syndicat autrichien ÖGB – déclarait déjà en avril dans une lettre ouverte aux députés du Parlement:
«De nombreux esprits critiques à l’égard du pacte budgétaire estiment qu’il contient des dispositions qui, mis à part l’aspect constitutionnel, influent à tel point sur l’avenir de la population de notre pays qu’on ne peut confier sa ratification à une seule majorité du Parlement, mais que ce doit être le peuple autrichien qui en décide.
Dans ce contexte, je rappelle que le chancelier Faymann avait promis en 2008 de soumettre à l’avenir au vote populaire toutes modifications aux accords avec l’UE. […]
J‘aimerais que vous nous disiez si vous allez vous prononcer au Parlement – où vous êtes aussi mon représentant – en faveur d’un référendum à propos du pacte budgétaire, et si ce n’était pas le cas, que vous expliquiez pourquoi. […] Les divers syndicats ouvriers dans tous les pays européens, donc aussi en Autriche, s’inquiètent de nouvelles avancées dans la suppression de la démocratie. La Confédération syndicale allemande refuse catégoriquement le pacte budgétaire pour des raisons de démocratie et de politique économique, la Confédération syndicale autrichienne en fait de même.» (Extraits de la lettre ouverte du 10 avril de G. Kohlmeier adressée à tous les parlementaires fédéraux, aux ministres et au président de la République, www.steuerini.at).
Erwin Meyer, le porte-parole de «mehr demokratie» souligne qu’un vote populaire ne relève pas de la bienveillance du Parlement, mais qu’il est un droit de la population. L’exigence d’un référendum sur le pacte budgétaire est donc «une mise à l’épreuve de la volonté affichée» d’étendre la démocratie directe.
(Traduction Horizons et débats)