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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°11, 17 mars 2008  >  Evolution d’un «narco-Etat» [Imprimer]

Evolution d’un «narco-Etat»

L’Afghanistan entre la criminalité organisée, le terrorisme et la politique hégémonique des Etats-Unis

par Albert A. Stahel et Claudine Nick, Institut d’études stratégiques de l’Université de Zurich

En Afghanistan, la culture du pavot et le ­trafic de drogue ainsi que l’occupation ne sont que des éléments de la politique hégémonique des Etats-Unis en quête du contrôle de l’Eurasie, de ses habitants, de ses matières premières et de ses biens. Avec la prise de Kaboul, il s’agissait également d’étendre la culture du pavot à la totalité de l’Afghanistan pour intensifier la production d’opium et d’héroïne, et cela dans le but de continuer à droguer et à faire payer les toxicomanes d’Europe et de Russie. Le présent article fait la lumière sur les tenants et aboutissants de la question.

Le dernier président communiste, Mohammad Najibullah, a démissionné en 1992 après que le général Dostum lui eut retiré son soutien et qu’il se fut emparé de la ville de Mazar-e Sharif dans le nord du pays1. Après une tentative de fuite manquée, Najibullah trouva refuge dans le bâtiment de l’ONU à Kaboul et c’est là qu’il fut sauvagement assassiné, le 4 octobre 1996, par des combattants talibans. En 1992 commença la destruction de la capitale. Sous diverses alliances, les chefs moudjahidine Gulbuddin Hekmatyar, Abdoul Sayaf, Rachid Dostum et Ahmad Shah Massoud s’efforcèrent de réduire la ville en cendres avec l’artillerie lourde et les chars.
Ce sont surtout ceux qui manipulaient Hekmatyar, les officiers des renseignements pakistanais, l’Interservice Intelligence (ISI) et les agents de la CIA qui tenaient absolument à s’emparer de Kaboul et à sou­mettre l’Afghanistan. Outre le prétendu objectif consistant à créer un arrière-pays stratégique, il s’agissait d’étendre à la totalité de l’Afghanistan la culture du pavot et d’intensifier la production d’opium et d’héroïne pour approvisionner les toxicomanes de Russie et ­d’Europe.
Hekmatyar était certes un scélérat mais il a échoué en 1993 dans sa conquête de Kaboul à cause de la résistance de Massoud. Dès lors, il s’est agi pour les tireurs de ficelles d’Islamabad et de Washington de partir à l’assaut de Kaboul avec une troupe de choc. Comme par miracle, en 1994, la troupe aguerrie des talibans (étudiants en religion), s’était constituée autour du Mollah Omar. Les talibans étaient conseillés par le général Nasrullah Babar, ministre de l’Intérieur de Benazir Bhutto, ainsi que par des officiers pakistanais de l’ISI et commandés par d’anciens officiers de l’armée communiste qui, en tant que communistes nationalistes de l’aile Khalqi avaient cherché à renverser Najibullah en 1990 et, après l’échec du putsch, avaient fui auprès de Hekmatyar, leur allié au Pakistan. En 1994, les talibans et les officiers Khalqi, se mirent en marche et, en mars 1995, ils tentèrent de s’emparer une première fois de Kaboul. Ils furent repoussés par les troupes de Massoud qui ne put malheureusement pas les poursuivre jusqu’à Kandahar à cause des troupes hazaras qui, à la demande des talibans, menaçaient ses lignes arrière.
Après leur repli sur Kandahar, les talibans poursuivirent, en 1995, leur campagne de conquête contre Herat. La ville tomba à la suite d’une trahison. Après sa fuite, le gouverneur de Herat, Ismael Khan, fut trahi par Dostum et fait prisonnier par les talibans. En 1996, les talibans attaquèrent à nouveau Kaboul. Après avoir réussi à conquérir la province de Nangarhar, bastion de Hekmatyar, la capitale risquait d’être encerclée. Pour éviter une bataille d’encerclement, Massoud se replia avec ses combattants dans sa forteresse, la vallée du Panjshir. Jusqu’à son assassinat le 9 septembre 2001, il put repousser toutes les attaques des talibans. Il réussit temporairement à avancer dans la plaine de Shomali presque jusqu’à Kaboul et à s’emparer du tunnel de Salang.
En 1996, le Saoudien Oussama ben Laden pénétra en Afghanistan après avoir été chassé du Soudan. Il était accompagné, en plus de sa famille, des chefs de son organisation Al-Qaïda et en particulier du médecin égyptien al-Zawahiri. Les combattants aguerris d’Al-Qaïda devinrent désormais la colonne vertébrale militaire des talibans. Afin d’appro­fondir leur collaboration, la famille d’Oussama ben Laden s’allia avec le Pachtoune Omar, ce qui assura l’hospitalité au Saoudien. Cependant malgré ce renforcement militaire, les talibans ne réussirent pas à venir à bout de la résistance de Massoud et de ses fidèles. La vallée du Panjshir resta une forteresse. Les talibans essayèrent de faire reconnaître leur régime par la communauté internationale, ce qui faillit leur réussir grâce au projet de pipeline de la multinationale américaine Unlocal.
Lorsqu’en 1997 eurent lieu les attentats contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar es-Salaam (Tanzanie), le gouvernement Clinton détruisit les camps d’entraînement d’Al-Qaïda à Khowst avec des missiles de croisière. Officiellement, les tentatives en vue de la reconnaissance du régime taliban par la communauté internationale avaient échoué. Une dernière tentative visant à l’imposer fut la destruction des deux statues de Bouddha au printemps 2001.
La collaboration entre les talibans et Al-Qaïda fut cependant étendue à d’autres domaines. Dès la guerre contre les Soviétiques, on avait intensifié la culture du pavot dans les régions tribales pachtounes situées à la frontière, du côté pakistanais. La vente d’opium et d’héroïne issue de cette production servait à financer le djihad. Après la chute du gouvernement Najibullah, le financement américain des seigneurs de la guerre et des commandants fut stoppé par la CIA. Pour financer leurs forces armées, les seigneurs de la guerre n’eurent plus d’autre choix que d’étendre la culture du pavot en Afghanistan et d’imposer les trafiquants d’opium. Cette politique entraîna une extension considérable de la culture du pavot. L’argent récolté servit à l’achat d’armes pour leurs combats et la destruction de Kaboul.
Après leur accès au pouvoir, les talibans poursuivirent la politique de la drogue de leurs prédécesseurs. Eux aussi imposèrent les producteurs et les trafiquants pour financer leur politique. Oussama ben Laden mit ses relations commerciales à disposition pour faciliter l’écoulement de la drogue. Les graphiques tirés d’un rapport de l’ONU de 2007 sur la production mondiale de drogue montrent le développement de la culture du pavot et de la production d’opium en Afghanistan de 1990 à 2006.2
En 2001, le Mollah Omar interdit la culture du pavot mais pas le trafic d’opium et d’héroïne. Les trafiquants qui disposaient d’importants stocks d’opium devinrent extrêmement riches. Après la chute des talibans en 2001, les seigneurs de la guerre reprirent le contrôle de la production et du trafic. Les trafiquants disposaient d’énormes moyens financiers pour soutenir les cultures et financer la protection de la production et du trafic. Comme on le voit sur les graphiques, la production augmenta considérablement à partir de 2002. Actuellement, la part de l’Afghanistan à la production mondiale d’opium est de 95% et celle de l’héroïn de plus de 85%. Mais malgré son importance, le prix du kilo d’opium brut pour les acheteurs des pro­vinces de Nangarhar et de Kandahar s’est stabilisé depuis juillet (cf. graphique).3
Une des raisons de cette stabilité est certainement que la production mondiale d’opium et d’héroïne est restée stable ces dernières années en raison de la baisse de production dans les Etats d’Asie du Sud-Est (Myanmar, Laos, Thaïlande, Vietnam).4 Le rapport5 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ne dit rien des causes de cette baisse.

La criminalité organisée (CO) en Afghanistan

A la suite de la demande des Etats industrialisées occidentaux lors de la conférence de Petersberg, des structures démocratiques ont été introduites en Afghanistan et le processus politique a été modifié. Toutefois tous les connaisseurs du pays savent qu’il n’est dirigé démocratiquement qu’en apparence. Les anciennes structures tribales et celles des moudjahidine ont fondamentalement subsisté. Malgré cela, les pressions internationales ont amené certains changements surtout en ce qui concerne le contrôle de la culture du pavot et du trafic de drogue. Aussi bien les seigneurs de la guerre que les dirigeants de Kaboul installés par la communauté internationale ont dû prendre officiellement leurs distances par rapport au trafic de drogue et céder le contrôle de cette économie souterraine à d’autres. Ce sont des hommes d’affaires ayant des relations avec les Etats occidentaux qui se sont chargés de ce contrôle et ils ont été soutenus par le ministère de l’Intérieur et la Police.
Selon le rapport commun de l’UNODC et de la Banque mondiale intitulé «Afghanistan’s Drug Industry», depuis 2003, des personnes clés ont procédé à une restructuration progressive et à une consolidation du contrôle de la culture du pavot et du trafic de drogue. La plupart de ces personnes agissent à partir du Sud du pays. Ce milieu criminel s’est acquis par la corruption la complicité de membres importants du gouvernement qui leur accordent en retour la protection dont ils ont besoin pour leurs affaires. Contrairement à l’époque des moudjahidine et des talibans, il existe maintenant en Afghanistan une CO structurée hiérarchiquement qui est patronnée par les politiques et protégée par la Police. Le graphique montre cette pyramide.6
Au sommet, on trouve 20 à 30 individus avec leurs organisations de trafiquants. 15 d’entre elles opèrent à partir des pro­vinces du Sud. Ces criminels ne viennent pas du milieu des anciens seigneurs de la guerre. Ce sont soit d’anciens politiciens d’avant ou d’après l’époque des talibans soit des religieux, voire d’anciens membres d’ONG. Depuis le Sud – provinces de Zabul, de Kandahar, d’Uruzgan, de Helmand, de Nimruz – certains d’entre eux commercent également avec les producteurs et les trafiquants des provinces du Nord: Balkh, Sari Pul et Samagan.
Juste en dessous, on trouve 200 à 250 grands trafiquants de l’ensemble du territoire qui s’appuient sur 500 à 600 trafiquants qui, à leur tour, se fournissent auprès de 10 000 à 15000 trafiquants locaux. Selon le rapport, l’ensemble de la production d’opium est exploitée par 350 000 familles.7
Cette pyramide est protégée par une organisation qui relève du ministère de l’Intérieur. En font partie la police locale, les chefs de police des districts, les chefs de police des provinces, y compris le chef de la lutte ­contre la drogue. Grâce à la corruption, les chefs de la CO sont bien protégés. La drogue est exportée à travers l’Iran, la Turquie, l’Asie centrale, la Russie, le Pakistan et la péninsule Arabique. Pour les paiements et les pots-de-vin, la CO afghane s’appuie sur le système hawala.8 En arabe, «hawala» signifie «transfert». Ce système permet le transfert d’argent et de valeurs d’un endroit à l’autre sans qu’il y ait forcément de circulation d’argent ou de biens. Ces prestations sont assurées par des courtiers, les hawaladars. Sans ce système, la CO afghane ne fonctionnerait pas. Les représentants du système sont étroitement liés aux centres financiers de Karachi, Dubaï, Bombay, Londres, New York et Shanghai. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la CO afghane ait recours au système hawala pour ses transactions financières. En 2004 et 2005, les flux financiers du système hawala ont été de 5,6 à 6,1 milliards de dollars. Il existe une étroite symbiose entre ce système et le trafic de ­drogue afghan.
Autrefois, les passeurs de fonds des hawaladars se faisaient constamment attaquer. Grâce à la FIAS, leur sécurité s’est améliorée. Le système n’est pas seulement responsable des transferts d’argent du trafic de ­drogue mais également de l’achat de biens au moyen de cet argent et par conséquent du blanchiment d’argent. Tandis que l’argent destiné à l’achat de la drogue vient du Pakistan et même en partie de Londres et de New York, les biens pour le blanchiment viennent de Dubaï (Emirats arabes unis) de Chine, du Japon et d’Allemagne.
Selon le rapport de l’ONU et de la ­Banque mondiale, les Afghans contrôlent des segments du système hawala au Pakistan, aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite. Les hawaladars de la drogue de Kandahar et de Helmand sont même en contact étroit avec le marché financier londonien. Le marché hawala afghan s’appuie, en plus de Dubaï, sur le réseau pakistanais qui est lié avec ­Londres. L’argent de la drogue est investi, donc ­blanchi aux Emirats arabes unis (Dubaï) et au Pakistan.

Terrorisme d’Al-Qaïda

Le Saoudien Oussama ben Laden a tissé petit à petit son réseau terroriste Al-Qaïda à partir des années 1980 grâce au soutien des ­Services secrets pakistanais, des USA et de l’Arabie saoudite. A Peshawar, son centre d’affaires au Pakistan, il était responsable de l’enregistrement des combattants recrutés dans les différents pays islamiques pour la guerre en Afghanistan. La guerre faisant de nom­breuses victimes parmi les moudjahidine afghans, il fallait les remplacer.
Alors que les armes venaient de Chine, d’Egypte, d’Israël et du marché noir, ben Laden réussit, en instrumentalisant la guerre, à recruter pour ce djihad de jeunes fanatiques et des chômeurs dans tout le monde isla­mique. Ils furent équipés dans les régions tribales du Pakistan et envoyés au combat. Nombreux sont ceux qui y laissèrent leur vie et il s’agit alors d’informer leurs familles sur le sort de leurs martyrs. Les survivants eurent la possibilité de retourner dans leurs familles. C’est de ces missions que s’occupait ben Laden. Grâce à ce contrôle, il put établir une banque de données sur tous ces combattants étrangers. A son retour du Pakistan, il emporta ces documents. Ce fut la première étape de la constitution d’Al-Qaïda.
Quand il fut chassé d’Arabie saoudite, il s’établit au Soudan. Grâce à sa collaboration avec al-Zawahiri, il consolida le réseau et envoya des combattants en Somalie pour s’attaquer aux Américains. Ses agissements eurent pour conséquence que les dirigeants soudanais subirent des pressions des Etats-Unis et d’Arabie saoudite. En 1996, il dut quitter le pays. Grâce à ses excellentes relations avec l’ISI et à son intervention auprès du Mollah Omar, il obtint l’hospitalité de l’Afghanistan, hospitalité dont il abusa notamment pour préparer les deux attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salaam.
Malgré les attaques américaines aux mis­siles de croisière et la destruction des camps de Khowst, il put rester en Afghanistan, et cela pour plusieurs raisons. D’une part, il avait des liens familiaux avec le Mollah Omar, d’autre part les règles d’hospitalité pachtounes l’exigeaient. En outre, grâce à ses relations commerciales, il aidait les talibans à écouler l’opium et l’héroïne et les soutenait avec ses combattants d’élite dans leur lutte contre les troupes de Massoud. Il fut uniquement un peu limité dans sa liberté de mouvement.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l’Afghanistan fut bombardé du 7 octobre au 6 décembre par l’aviation américaine. A la chute du régime du Mollah Omar, non seulement les talibans furent chassés mais également ben Laden et ses hommes. Grâce au soutien tacite de mercenaires afghans des Américains, ils trouvèrent refuge dans les zones tribales pakistanaises du Waziristan. C’est dans cette région inaccessible qu’il est censé se trouver depuis lors, mais on doute qu’il soit encore en vie.
Ce qui est sûr, c’est que son adjoint et mentor al-Zawahiri est encore en activité. Grâce à l’argent de la culture du pavot et de la vente de l’opium et de l’héroïne, Al-Qaïda put, par le biais des medressas - écoles religieuses - du Pakistan, continuer à recruter ses combattants et à les envoyer commettre des attentats. D’Angleterre, des volontaires dont les familles viennent du sous-continent indiens ne cessent de venir dans les camps où on les forme, les endoctrine et les prépare pour des attentats en Grande-Bretagne.
Ces activités s’exercent sous la protection de l’ISI, qui constitue le véritable gouvernement pakistanais et contrôle le pays. Mais derrière l’ISI se trouve la CIA qui, à l’origine, a encouragé et soutenu la formation d’Al-Qaïda pour le djihad afghan. Ces deux services de renseignements, l’ISI et la CIA, connaissent bien les activités d’Al-Qaïda dans les zones tribales pakistanaises.
Il existe un accord tacite de collaboration entre le gouvernement Bush et les chefs d’Al-Qaïda. Al-Qaïda peut dans une certaine mesure et sous le contrôle de l’ISI recruter, former et envoyer au combat ses militants et en retour le gouvernement américain utilise la menace d’attentats pour faire pression sur les Américains et pour discipliner ses alliés européens. En raison du danger que représente Al-Qaïda, sur lequel on ne cesse d’insister, ces Etats sont prêts à soutenir avec des soldats et de l’argent la guerre en Irak et en Afghanistan qui sert la politique hégé­monique des Etats-Unis. Obéissant aux souhaits des Américains, les forces armées des alliés sont transformées en polices auxiliaires. Tout ce qui est censé être utile à la sécurité de l’Amérique sert également à contrôler les alliés. Depuis 2001, une communauté d’intérêts efficace s’est établie entre les Etats-Unis et Al-Qaïda.

Politique hégémonique des Etats-Unis

Conformément au projet esquissé par l’ancien conseiller à la sécurité Zbigniew Brzezinski dans «le Grand Echiquier»,9 les Etats-Unis, depuis l’effondrement de l’URSS, mettent la main sur les régions riches en matières premières sans rencontrer d’obstacles. Sous la menace de leur puissante armée, ils imposent leur volonté aux petits Etats et lorsque ceux-ci ne veulent pas céder, comme l’Irak, ils les attaquent et les occupent. Leur objectif consiste dans la sécurisation et le contrôle exclusifs des gisements de pétrole et de gaz naturel. Il s’agit non seulement d’assurer à long terme, grâce à ces matières premières, le moteur de l’économie, mais, en contrôlant ces régions, de dominer les économies en plein essor de la Chine et de l’Inde.
L’objectif à long terme de cette géopoli­tique est, comme l’écrit Brzezinski, la domination de l’Eurasie. C’est à cela que servent également la collaboration avec Al-Qaïda, qui doit répandre la terreur, et la diabolisation de l’Islam. La Russie doit être démantelée en tant qu’Etat. A la périphérie de cet Etat, le plus grand d’Eurasie, c’est-à-dire au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale, on installe des bases militaires. Le maillon manquant de cette chaîne de bases est l’Iran dont le sort, c’est-à-dire un changement de régime, a probablement déjà été décidé par le gouvernement Bush. Outre l’installation de bases, les guerres, le chantage à Al-Qaïda, on projette et construit, avec le soutien des multinationales pétrolières américaines, des oléoducs à partir du Caucase et de l’Asie centrale. Ainsi, les Américains contournent la Russie et renforcent leur influence dans cette région d’importance mondiale. Mentionnons à ce sujet l’oléoduc qui va de l’Azerbaïdjan à la Méditerranée en passant par la Géorgie et la Turquie et celui qui va du Turkménistan au Pakistan en passant par l’Afghanistan. Ce n’est pas un hasard si le président afghan Karzai et l’ancien ambassadeur américain à Kaboul Khalizad sont l’un un ancien et l’autre un actuel collaborateur d’Unlocal. D’ailleurs, les Chinois avaient l’intention, en raison de leurs droits de forage, d’acheter cette compagnie, achat que le gouvernement Bush s’est empressé d’empêcher.

Conclusion

La culture du pavot et le trafic de drogue afghans ainsi que l’occupation du pays ne sont que des éléments de la politique hégémonique des Etats-Unis qui cherchent à dominer et à contrôler l’Eurasie, ses habitants, ses matières premières et ses biens. Malgré ses succès, cette politique a aussi ses revers. En font partie la guerre en Irak qui ne pourra pas être gagnée, l’expulsion des Américains hors de l’Ouzbékistan par son président Karimov et la stratégie du président russe Poutine. Le fait que depuis la fin de la guerre froide, l’indépendance des Etats d’Eurasie repose précisément sur la politique de Poutine constitue un camouflet infligé à tous ceux qui sont attachés à la liberté. Lui seul est en mesure d’empêcher la réalisation du projet de Brzezinski et donc de la suprématie mondiale des Etats-Unis. Certes, il existe en Europe des politiciens favorables à une pax americana au niveau mondial, mais l’abandon de la liberté au profit du silence des cimetières obtenu par l’oppression représente un prix élevé.    •

1    Brechna, H., Die Geschichte Afghanistans. Das historische Umfeld Afghanistans über 1500 Jahre, vdf Hochschulverlag AG an der ETH Zürich, 2005, p. 383
2    World Drug Report 2007, United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), New York, 2007, pp. 196-197
3    ibid., p. 198
4    ibid, p. 38 sqq.
5    Afghanistan’s Drug Industry, Structure, Functioning, Dynamics and Implications for Counter-Narcotics Policy, edited by Doris Buddenberg and William A. Byrd, United Nations Office on Drugs and Crime and the World Bank, New York, 2007, pp. 16 sqq., 198 sqq.
6    ibid., pp 200, 203 et 204
7    ibid. p. 204
8    ibid. pp. 164 sqq.
9    Brzezinski, Z., le Grand Echiquier. L’Amérique et le reste du monde, Hachette Littératures, 1997
    (Traduction Horizons et débats)

Albert A. Stahel. Né en 1943, professeur de sciences politiques à l’Université de Zurich, il s’est spécialisé dans les études stratégiques. Il dirige l’Institut d’études stratégiques – axé principalement sur les théories stratégiques, le terrorisme, la criminalité organisée et l’analyse des conflits – et est un spécialiste de l’Afghanistan.
Claudine Nick-Miller. Née en 1955, infirmière diplômée, elle a étudié les sciences politiques à l’Université de Zurich et a fait des recherches portant essentiellement sur l’Afghanistan et le terrorisme.

Une semaine de guerre de la FIAS en Afghanistan

ef. Les instances de la Bundeswehr rapportent chaque semaine sur les faits de guerre en Afghanistan. Les derniers chiffres montrent clairement que le nombre d’interventions augmente constamment. Ainsi, pour la semaine du 18 au 24 février 2008 il y eut 93 événements, déclarés de sécurité, (la semaine précédente il y en avait 74 – les chiffres de la semaine précédente sont entre parenthèses).
Les chiffres suivants sont un relevé de ces événements:
•    59 (47) tirs et combats
•    17 (14) attaques à l’explosif,
dont 5 (3) attentats suicides
•    16 (13) tirs au mortier ou par missiles
•    1 (2) soldat de la FIAS tué
•    7 (8) blessés (les victimes afghanes ne sont pas décomptées)
Les lieux suivants en Afghanistan ont été touchés:
•    1 (1) dans le nord
•    1 (0) dans l’ouest
•    89 (72) dans le sud et dans l’est

«Amicale Afghanistan Suisse»

L’association «Amicale Afghanistan Suisse» soutient le travail de son membre fondateur Khazan Gul qui vit dans la région de Khost en Afghanistan. C’est une personnalité respectée de la tribu des Tani. Il garantit que les dons sont utilisés selon leur destination. L’association qui siège à Eschlikon, au canton de Thurgovie, a pour but de favoriser l’éducation ainsi que l’agriculture dans la région de Khost. Cela inclut la construction d’écoles et d’une école agricole, l’enseignement des élèves et la formation d’enseignants et d’agriculteurs.
Si vous voulez soutenir ce travail, vous êtes cordialement invités à devenir membre de l’association «Amicale Afghanistan Suisse».

Freundeskreis Afghanistan Schweiz
(Amicale Afghanistan Suisse)
Gartensiedlung 17 • 8360 Eschlikon
Téléphone +41 71 971 47 58
Courriel:
kontakt@freundeskreis-afghanistan.ch
www.freundeskreis-afghanistan.ch
Raiffeisenbank • 9500 Wil
CCP 90-2163-8
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