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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  Davantage d’estime de soi et de raisonnement stratégique [Imprimer]

Davantage d’estime de soi et de raisonnement stratégique

Deux vœux pour la Suisse

par Gotthard Frick, Bottmingen

Avec la moitié des habitants de Pékin, sans matières premières et sans accès direct à la mer, la Suisse fait partie des leaders mondiaux en matière de puissance économique. Avec les transversales alpines, nous sommes aussi détenteur d’un élément d’importance stratégique pour toute l’Europe, et les Alpes sont une forteresse militairement relativement facile à tenir. Et enfin nous avons un système démocratique formidable.
Nous aurions donc toutes les raisons de nous percevoir comme un pays conscient de soi et fort et de nous présenter face à nos voisins et au monde de façon correspondante (sans pour autant tomber dans l’arrogance et la prétention).
Mais nous avons un double problème qui explique nos difficultés actuelles dans le monde, entre autre avec l’Allemagne en ce qui concerne l’aéroport de Kloten, ou avec les Etats-Unis et différents autres pays à cause de l’éternel sujet de la place financière. Nous avons un complexe d’infériorité collectif, et nous sommes apparemment incapables de raisonner stratégiquement, c’est-à-dire à long terme et dans des contextes plus larges.
(Cependant l’auteur n’a jamais jugé comme éthiquement défendable ou durable le «modèle» d’affaire de la place financière aidant les citoyens étrangers activement dans la fraude. J’ai également toujours rejeté la démesure qui émane de cette branche et qui ne concorde pas avec l’image de la Suisse, et la mutation partielle vers un casino qui est pour l’économie sans aucune utilité. Mais cela n’a rien à voir avec le fait que la Suisse s’incline toujours aussi vite, par exemple en renonçant à exiger que les Etats-Unis eux aussi ferment leurs refuges fiscaux.)
Le complexe d’infériorité se montre quelquefois clairement. Qui ne se souvient pas de l’image pénible du conseiller fédéral Merz qui portait aux nues le crâneur en chef de la cavalerie Peer Steinbrück? Moins visible, parce que montrée seulement dans une courte séquence à la télé, mais pas moins évocatrice et inacceptable, fut la révérence de la présidente de la Confédération Leuthard devant le président Sarkozy lors de sa visite à Paris. Les chefs d’Etats sont au même niveau et ne s’inclinent pas. Si quelqu’un devait s’incliner, cela aurait dû être l’homme Sarkozy devant la femme. Ce faisant, il n’aurait pas signalé une servilité, mais exprimé des manières galantes.
Il semble en outre que l’ensemble des politiciens, du Conseil fédéral jusqu’aux Chambres fédérales, soient incapables ou n’aient pas le temps de raisonner dans des contextes plus larges. Est-ce que le Conseil fédéral prend quelquefois le temps de discuter le développement à long terme du monde, d’envisager les scénarios probables et possibles avec leurs conséquences pour notre pays, et de fonder là-dessus une stratégie entière? A en croire les témoignages de parlementaires éminents, nos représentants du peuple n’ont déjà depuis longtemps plus de vue d’ensemble. Chacun se consacre à ses thèmes spéciaux et restreints, sans aucun rapport avec une vision globale, et il travaille au-delà en premier lieu à sa prochaine réélection. De plus, la plupart des politiciens suisses allemands se trouvent dans une position de faiblesse face à des interlocuteurs étrangers, parce qu’ils ne savent pas s’exprimer bien oralement (heureusement nous avons encore les Romands qui maîtrisent leur langue).
Pourquoi nous laissons-nous imposer par un voisin la discussion d’un thème ponctuel, comme le trafic aérien de l’aéroport de Kloten, et ne l’associons-nous pas avec le grand thème du trafic en général (trafic maritime, circulation routière, trafic aérien, circulation ferroviaire, y compris l’extension du tronçon du côté allemand pour l’absorption du trafic supplémentaire du nouveau tunnel du Gothard)? Pourquoi n’incorporons-nous pas les questions à ce sujet dans un accord de trafic général, ou du moins dans des négociations complètes avec l’objectif d’une stratégie générale? Dans le cadre de négociations, l’exposition aux bruits et la pollution atmosphérique auxquelles sont confrontés les habitants, par exemple dans les cantons d’Uri et du Tessin, par des camions et automobiles allemands, pourraient être compensées avec le bruit de la circulation aérienne que doivent subir les habitants en Allemagne du Sud. On ne peut pas seulement limiter unilatéralement le trafic aérien.
Il est temps de se livrer à une discussion fondamentale sur le complexe d’infériorité suisse et l’incapacité de raisonner stratégiquement, autrement le futur de notre pays pourrait devenir encore plus difficile que ce qu’il sera probablement de toute façon.     •
(Traduction Horizons et débats)