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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°28, 20 juillet 2009  >  Réflexions sur la violence juvénile [Imprimer]

Réflexions sur la violence juvénile

par Dieter Sprock

Une nouvelle fois, des brutalités commises par des adolescents ont fait la une. Cette fois, il s’agit de jeunes de 15 à 17 ans du canton de Zurich qui participaient à un voyage scolaire et qui ont attaqué brutalement dans le centre ville de Munich plusieurs passants qui n’y étaient pour rien et tabassé presque mortellement un homme d’affaires âgé de 46 ans qui rentrait à son hôtel. Les trois coupables principaux sont en détention provisoire et peuvent s’attendre à une longue peine pour tentative de meurtre. L’un d’eux a déclaré: Nous voulions nous amuser en tabassant des gens.
Cet événement est particulièrement alarmant! La brutalité et la sournoiserie du procédé effraient. L’homme d’affaires a été attaqué par derrière et battu jusqu’à ce qu’il tombe à terre. Ensuite, avec leurs chaussures, ils ont frappé à la tête cet homme qui gisait sans défense sur le sol jusqu’à ce qu’il ne bouge plus. Le manque de compassion pour la victime et le «plaisir» donné comme motif trahissent une épouvantable insensibilité.
Cette fois, les responsables sociaux et politiques ne peuvent pas se contenter d’exprimer leur «profonde consternation» ou essayer de tirer un profit politique de cet horrible événement. Ils doivent faire quelque chose. Des déclarations telles qu’«on ne peut jamais empêcher complètement de tels actes» paralysent la volonté d’agir avec détermination. Il doit être clair pour tous ceux qui sont concernés – autorités, enseignants, parents, éducateurs, adolescents et enfants – que de tels excès de violence n’ont pas leur place dans une société civilisée. Et plus encore: Il faut lutter avec détermination contre toute forme de violence: violence verbale, moqueries, harcèlement, si nécessaire au moyen de mesures policières.
Une rupture avec le passé est nécessaire. Comme mesure immédiate, les autorités scolaires des différents cantons pourraient interdire pour une année tous les voyages scolaires. Ils enverraient ainsi un signal et donneraient à tout le monde le temps de la réflexion.
Il faut réfléchir honnêtement aux questions fondamentales relatives à notre vie en société, à l’éducation, à notre gouvernance, à la guerre et à la paix, à notre conception des valeurs morales, aux questions de justice et de moralité et cela non pas afin d’en déduire des excuses pour les criminels – ils doivent répondre de leurs actes – mais pour empêcher à l’avenir la reproduction de tels faits et sortir de l’emprise de la violence les enfants et les adolescents qui y sont déjà impliqués.
Dans l’éducation, on doit prendre ses distances à l’égard des théories qui se sont révélées erronées. L’idée que «l’autorité paternelle» et la détresse matérielle produisent des adolescents violents en font partie. La pauvreté et l’autorité – c’est-à-dire l’autorité et non l’éducation autoritaire – ne con­duisent pas à la déchéance morale et à la violence. De plus en plus de jeunes gens enclins à la violence sont issus de familles aisées dans lesquelles chaque désir de l’enfant est lu dans ses yeux et exaucé. Il existe suffisamment d’exemples de peuples qui vivent dans une grande pauvreté et ne connaissent pas de tels excès de violence. L’hypothèse selon laquelle une disposition à la violence serait inscrite dans les gènes est tout aussi erronée. Cette hypothèse a conduit à ce qu’on colle à de plus en plus d’enfants toujours plus jeunes des diagnostics psychiatriques et qu’on les calme ensuite par des médicaments. Le fait de considérer les enfants difficiles, insolents et violents comme des malades a empêché l’action pédagogique et a fait des citoyens des spectateurs posant des diagnostics.
Les adolescents violents sont le résultat d’une socialisation ratée, dont l’origine se trouve en premier lieu dans le domaine des relations humaines, en particulier dans l’absence de véritable humanité, de havre psychologique et de sens de la vie. Il leur manque des relations humaines sur les­quelles ils peuvent compter, une direction donnée par des adultes responsables, des perspec­tives, des valeurs et le respect des êtres et des choses. Il faut leur donner des principes et les guider.
Cette réflexion sur l’éducation nous amène à nous demander dans quel état se trouve notre société. On planifie froidement des guerres pour dérober les matières premières de pays étrangers sans égards pour les personnes qui y vivent. Les souffrances dues aux destructions, aux tortures, aux humiliations ont pris une ampleur qui dépasse l’imagination. Les photos de soldates et de soldats se laissant photographier fièrement avec leurs victimes ont fait le tour du monde et nos enfants apprennent, devant l’écran de leurs ordinateurs, à tuer «avec un enthousiasme ludique». Une armée de spécialistes grassement payés travaillent à étouffer ce qui reste de sentiment naturel contre de tels crimes et à préparer les hommes à mener d’autres guerres. Peut-on vraiment croire que cela n’a aucune influence sur la jeunesse en danger!
Nous ne pourrons pas résoudre la question de la violence juvénile sans réfléchir à l’insensibilité de notre société et à notre attitude devant la violence. Des mesures policières rapides, l’application stricte des lois ainsi qu’une interdiction absolue de tous les jeux exaltant la violence ne sont qu’un premier pas évident mais pas une véritable solution. A long terme, notre société doit devenir plus humaine. La cohésion entre les hommes doit être renforcée à tous les niveaux. Il s’agit notamment de faire en sorte que le domaine du travail redevienne une partie intégrante de la vie communautaire qui donne du sens à la vie, dans lequel la jeunesse trouve une perspective et auquel elle puisse participer activement. Un travail qui n’apporte aucune satisfaction n’est pas porteur de sens. L’éthique doit à nouveau primer sur l’économie, comme le professeur d’éthique de l’économie Peter Ulrich l’a souligné dans son interview publiée dans Horizons et débats (N° 25 du 29 juin).
L’économie et la science doivent être de nouveau au service du bien-être des individus, de la sécurité alimentaire, des soins médicaux, de l’école et de la promotion de la coexistence pacifique. Il est inadmissible qu’une grande partie de l’intelligence humaine soit utilisée à développer des armes encore plus meurtrières et à affiner les méthodes servant à manipuler les hommes afin qu’ils mènent de nouvelles guerres alors que plus d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim. Nous ne pouvons pas nous contenter de responsabiliser la jeunesse; nous devons aussi changer de mentalité et pour cela, nous avons besoin des meilleurs esprits de la société, de tous les citoyens et de la jeunesse elle-même. Les tâches sont considérables.
On peut parler avec les jeunes gens. Ils participent volontiers si les adultes les conseillent sur la manière dont ils peuvent se rendre utiles. Les projets d’aide comme ceux lancés par la Direction du développement et de la coopération (DDC), la Croix Rouge internationale ou par l’Eglise sont très appréciés. Partout où les enseignants développent et réalisent avec leurs classes des projets dans lesquels les élèves peuvent apporter une aide constructive à la société, les échos sont positifs. La jeunesse veut être impliquée dans les tâches à effectuer. Offrons-lui la possiblité de construire l’avenir.    •