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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°43, 8 novembre 2010  >  «La faim n’est jamais fatidique: une politique intelligente peut combattre la faim et la pauvreté» [Imprimer]

«La faim n’est jamais fatidique: une politique intelligente peut combattre la faim et la pauvreté»

Discours de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département fédéral des Affaires étrangères, à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le 16 octobre

hd. Le 16 octobre 1945 fut fondée l’Organi­sation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans le but d’assurer l’alimentation de tous les hommes sur cette planète. Depuis 1979, cette journée est célébrée en tant que Journée mondiale de l’alimentation, afin de rendre attentif au sort des hommes qui ont faim. De nos jours, 1,2 milliards de personnes souffrent de la faim, bien qu’on dispose de suffisamment de produits alimentaires.
Le 16 octobre, la Suisse a également célébré la Journée mondiale de l’alimentation par une manifestation officielle sur la Place fédérale à Berne. Comme la Direction du développement et de la coopération (DDC) s’occupe plus intensément de cette problématique mondiale et essaye, par beaucoup de projets, de réduire la misère et les souffrances des hommes, la Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey dont le Département coiffe la DDC, a prononcé un discours concernant la situation alimentaire mondiale que nous publions ci-dessous.

Chers jeunes gens,

Mesdames et Messieurs,

Celui qui a faim, souffre. Celui qui a faim, désespère. Celui qui a faim, crie en silence.
Aujourd’hui, environ 1,2 milliards d’êtres humains ont faim. Un record mondial scandaleux. Un homme sur six n’a pas assez à manger. Malgré une année record des moissons de blé il y a deux ans. Malgré les leçons tirées de la crise alimentaire de 2008. Dans le monde entier, le droit à l’alimentation est de loin le droit de l’homme le plus violé.
La crise alimentaire s’est à nouveau renforcée. La responsabilité incombe à la crise financière et économique. Des séche­resses, mauvaises récoltes, inondations catastro­phiques dans les pays en développement: les effets du changement climatique se font sentir.
Vingt-quatre coups frappés au clocher. 24 000 êtres humains meurent de faim. Jour après jour. Pourquoi ce scandale? Immobilité et silence, ici, sur la Place fédérale. Pour qu’on écoute la question?

Chers jeunes gens,

Mesdames et Messieurs,

•    au Nigeria, des hommes ont faim parce qu'ils ne peuvent pas se payer à manger;
•    en Haïti, des hommes ont faim par suite des catastrophes naturelles et à cause d’un environnement gravement abîmé;
•    en Afghanistan des hommes ont faim parce que des guerres influencent depuis des années la production et la commercialisation des produits alimentaires.
La faim n’est jamais fatidique. Une politique intelligente peut combattre la faim et la pauvreté.
Pour cela
•    les gouvernements des pays en voie de développement doivent placer la sécurité alimentaire comme but politique primordial;
•    il faut un droit de regard des citoyennes et des citoyens. Celui-ci peut le mieux garantir que les gouvernements traduisent dans les faits le droit à l’alimentation. Le prix Nobel indien Amartya Sen a trouvé la formule: «Dans les pays où il n’y a ni élections, ni opposition, les gouvernements n’ont pas besoin de s’occuper des questions politiques résultant de leur échec à combattre la pauvreté.»
•    Il faut une politique qui renforce les pe­tites exploitations agricoles. Une agriculture basée sur des structures locales et un savoir local. Il faut une politique qui, pas à pas, crée les conditions d’une économie durable. Comment peut-on s’attendre à ce qu’une famille de petits paysans investisse ses économies dans un domaine et des équipements tant que le droit de jouissance n’est pas assuré? Comment peut-elle se procurer des semences et des outils sans avoir accès au crédit? Comment peut-elle acheter et vendre des produits si les routes sont impraticables après les pluies?
Il y a deux ans, les prix des produits alimentaires ont explosé. La responsabilité incombait entre autres à:
•    l'investissement inexistant durant de longues années dans l’agriculture des pays en voie de développement;
•    les subventions à l’exportation des pays industrialisés;
•    un commerce de matières premières et de produits alimentaires pas suffisamment réglementé.

Chers jeunes gens,

Mesdames et Messieurs,

Une crise alimentaire est catastrophique et entraîne des dommages à la santé de longue durée pour des familles pauvres. Que fait la Suisse?
A la différence d’autres pays industrialisés, la Suisse n’a pas réduit les moyens attribués à l’agriculture des pays en développement durant ces dernières années. L’année dernière, notre travail de coopération au développement a engagé environ 200 millions de francs pour une sécurité alimentaire améliorée et fourni une contribution à un développement globalement durable.
Quelques exemples:
•    en Afrique australe, la Suisse soutient – de concert avec des agences de développement d’autres pays – la recherche et la culture d’espèces de haricots résistants au climat. Dans douze pays, environ 10 millions de personnes en profitent;
•    la Suisse soutient la recherche internationale sur le riz. Cela permet – par exemple au Laos – à des petits paysans d’accéder à des sortes de riz fertiles. En environ quinze ans, la production de riz a pu être augmentée des deux tiers.
•    Au Pérou, la Suisse soutient la promotion d’espèces de pommes de terre indigènes. De nouveaux produits à base de patates ont été présentés sur les marchés. Les producteurs ont pu accroître leurs revenus.
•    Dans bien des pays en voie de développement, la Suisse soutient les conseils agricoles fournis aux petits paysans et permet leur mise en réseau mutuelle.
La mondialisation rend des pays, des espaces économiques et des sociétés beaucoup plus dépendants les uns des autres. La Suisse est un pays qui est particulièrement dépendante de réseaux internationaux. Par conséquent, nous avons un intérêt et une responsabilité particuliers à maîtriser les problèmes mondiaux de la faim et de la pauvreté.
Il y a un mois, le Conseil fédéral a décidé de présenter un projet d’augmentation de l’aide publique, jusqu’en 2015, à 0,5% du produit intérieur brut. Il est prévu d’attribuer ces moyens supplémentaires pour des tâches relatives à l’eau et au climat. Cet engagement améliore en même temps, directement ou indirectement, la sécurité alimentaire. Le Parlement discutera ce projet de loi dans les mois qui viennent.

Créer dans les pays en voie de développement les conditions qui permettent aux gens d’améliorer leur vie

Dans le monde entier, bien des gens ont sans doute profité des règles du commerce global. Aujourd’hui, toute une série d’anciens pays en voie de développement jouent un rôle important sur le marché mondial. Mais beaucoup de pays du sud ne savent pas profiter des chances de la globalisation. Dans un monde en réseau, l’orientation de notre politique commerciale influence également les perspectives de pays pauvres.

Chers jeunes gens,

Mesdames et Messieurs,

Le changement climatique crée de nou­velles injustices. Les pays riches sont responsables des émissions de gaz à effet de serre. Mais ce sont les pays en développement qui sont le plus durement frappés par les répercutions.
Si la température globale continue de s’élever sans frein, les sécheresses et les inondations augmenteront. En Afrique, il y aura des ruptures de production dans l’agriculture. Par la suite, la pauvreté et la faim augmenteront. Il faut des innovations techniques, écono­miques et politiques pour que les familles de petits paysans puissent s’adapter rapidement à un environnement modifié.
Prévoir vaut mieux que guérir
Cette devise vaut également pour la politique du climat. Accélérer les innovations techniques, poursuivre des buts de politique climatique ambitieux, construire une économie qui ne nuit pas au climat: tout ceci exige de nous tous un effort énorme. Autant national qu’international. Il faut exiger avant tout des pays riches de trouver les moyens d’une croissance durable et de réduire massivement l’empreinte écologique de nos pas sur notre planète. Il n’y a pas moyen d’échapper à cette voie.
Nous ne pouvons atteindre un développement propre, sûr et global qu’en collaboration avec les pays pauvres. Cette action commune est possible si nous respectons les règles du fair-play:
•    fair-play envers les pays pauvres,
•    fair-play envers la nature,
•    fair-play envers les générations mon­tantes.
Un engagement persévérant est indispensable pour que les règles du fair-play soient valables, ici et ailleurs.
La faim est avant tout le résultat d’omissions politiques. Pour combattre la faim, il faut une politique sur laquelle on peut compter et une collaboration au développement qui s’appuie sur des partenariats larges et qui soutient efficacement les propres efforts dans les pays.
Il faut une politique solide pour développer l’espace paysager. Il faut des règles du commerce fair-play. Il faut des efforts renforcés de politique climatique.
Mani Matter a défini notre tâche de façon pertinente:
Ceux qui vont bien
iraient mieux
si ceux qui vont plus mal
allaient mieux.
Je vous remercie cordialement de votre engagement.    •

Source: www.deza.admin.ch