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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°22, 7 juin 2010  >  La souveraineté alimentaire exige la sortie de l’OMC [Imprimer]

La souveraineté alimentaire exige la sortie de l’OMC

thk. Le Rapport sur l’agriculture mondiale publié il y a deux ans, après une étude approfondie menée pendant six ans par 500 scientifiques de 86 pays, offrit alors de solides arguments pour la révision des conceptions de l’agriculture attendue depuis longtemps.
«Le Rapport sur l’agriculture ­mondiale en finit définitivement et sur la base d’arguments honnêtes avec le mythe de la supériorité de l’agriculture industrielle du point de vue économique, social et écologique. Il propose en lieu et place comme modèle pour le XXIe siècle des structures paysannes réduites, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine, qui offrent une sécurité et un espoir pour un approvisionnement alimentaire durable, tant du point de vue social qu’économique et écologique pour 9 milliards d’êtres humains attendus dans le futur. Elles sont en même temps la meilleure des bases solides tant en ce qui concerne la culture que la distribution.» («Wege aus der Hungerkrise», p. 12)
L’agriculture suisse respecte toujours ces critères, alors même qu’elle n’a pu résister qu’avec peine au cours des deux dernières décennies aux assauts du néolibéralisme.
Il est à souligner combien est important le fait que des partis et des organisations aient engagé une réflexion. Le livre de l’écono­miste Joseph Stiglitz «Le triomphe de la cupidité» est un apport précieux pour mieux comprendre les mécanismes des trois der­nières décennies ainsi que les origines de la crise financière qui n’en finit pas. Les responsabilités sont à chercher essentiellement dans les marchés mondialisés, échappant à tout contrôle. Les dérégulations ont achevé le travail. Ce qui fut mené à fond aux Etats-Unis a eu un écho dans le monde entier du fait de l’enchevêtrement des marchés. «Les économies ont besoin d’équilibrer le rôle du marché et celui de l’Etat – tout en recevant d’importantes contributions d’institutions qui ne relèvent ni du marché ni de l’Etat. Depuis vingt-cinq ans, l’Amérique a perdu cet équilibre, et elle a imposé sa vision déséquilibrée au monde entier.» (p. 10)
Peter Ulrich, ancien professeur d’éthique en économie à Saint-Gall, définit dans son ouvrage intitulé «Integrative Wirtschafts­ethik» [«Ethique économique intégrative»] (2008, ISBN 978-3-258-058-10-8) comme pensée fondamentale que «l’économie doit être au service de la vie». Ce ne sont pas les humains qui doivent servir la bourse, et lui être sacrifiés, mais toute la vie économique doit être au service de la vie. Une pensée bornée ne permet pas de trouver des solutions. Le fossé creusé entre les populations et les pouvoirs de l’économie et de la politique ne fera que s’agrandir, en l’absence de réflexions sérieuses. Cela est vrai surtout pour l’agriculture destinée à ravitailler les populations.
Ce débat de fond a une dimension supplémentaire en Suisse, car il en va, de plus, de la souveraineté du pays. Une bonne partie des arguments qui interpellent les ­meilleures ­forces du pays, en tentant d’y semer le doute, nous viennent d’Allemagne, comme le démontre une étude plus approfondie. A tel point que des collègues allemands en sont abasourdis et nous demandent: «Comment se fait-il que vous Suisses vous vous préoccupiez de problèmes internes aux Allemands?» Par exemple qu’il y a en Europe de l’Est de vastes espaces agraires … Les adeptes de la culture biologique sont toujours plus ­écœurés de constater l’utilisation éhontée de leurs intérêts pour tenter d’aligner les Suisses sur l’UE … Faut-il à tout prix provoquer un appauvrissement de la population des campagnes pour ensuite, comme il y a un siècle, les envoyer en Prusse orientale ou dans les montagnes roumaines? Est-ce la raison des achats massifs de biens fonciers par des agents immobiliers? Le canton des Grisons a rappelé quelques événements de cette époque dans son livre «Bündner im Russischen Reich» [«Des Grisons dans l’Empire russe»].
Nous en arrivons au point où au début de toute manifestation et de toute discussion il faut exiger de chaque orateur une al­légeance civique. La vie est trop courte pour perdre son temps dans des argumentations erronées, voire trompeuses. Notre modèle politique, comprenant la démocratie directe, la subsidiarité et le fédéralisme nous est trop précieux pour qu’on le cède à des impératifs économiques, dont l’échec est patent aux yeux du monde entier. Dès lors qu’on ne peut se ranger à cette conception fondamentale – y compris les spécialistes de droit public – on doit alors se présenter franchement et exprimer son opinion. Ainsi le débat concernant la Révolution française pourra se poursuivre honnêtement.
Ces derniers temps des politiques, issus de différents partis, ont exprimé des inquiétudes concernant la voie suivie en politique agricole et l’ont manifesté par diverses interpellations au Conseil national. On ne peut que s’étonner que le parti socialiste se cramponne à la conception mondialiste, sacrifiant ainsi non seulement notre paysannerie, mais aussi celle du tiers-monde sur l’autel de l’économie agro-industrielle et de la bourse.
La semaine dernière, le Parti démocrate chrétien (PDC) a publié un programme en dix points concernant la politique agricole; il y redonne à l’agriculture la position qui est la sienne dans notre pays. Il exige qu’on re­nonce aux accords de libre-échange avec l’Union européenne dans la mesure où on n’arriverait pas à se mettre d’accord avec l’OMC au sujet de l’agriculture. C’est un signal qu’on ne pourra plus ignorer.    •

«Politique agricole 2020» – Programme en 10 points du PDC

«Politique agricole 2020» – Programme en 10 points du PDC
Le PDC soutient sur le principe la politique agricole du Conseil fédéral. Il salue notamment
•    l’orientation fondamentale de la politique agricole suisse qui répond aux exigences du développement durable conformément à l’art. 104 de la Constitution fédérale;
•    l’indemnisation des prestations d’intérêt général fournies par les paysannes et paysans (sécurité de l’approvisionnement, préservation du cadre naturel de vie, entretien du paysage rural, occupation décentralisée du territoire) au moyen de paiements directs;
•    l’initiative en faveur d’une stratégie qualité pour l’agriculture suisse sur fond d’ouverture des marchés internationaux (les produits suisses n’auront une chance que si l’on continue de miser sur une qualité de haut niveau);
•    la volonté – dans le sens d’un changement structurel durable et socialement acceptable – de constituer une importante réserve au bilan pour financer en cas de besoin des mesures d’accompagnement en faveur de l’agriculture. (09.022 Loi sur l’agriculture. Réserve au bilan destinée au financement de mesures d’accompagnement);
•    les mesures de stabilisation et d’allégement du marché du lait (par exemple le régime des quantités préparé par la branche et ayant force contraignante, crédit supplémentaire en 2009).
En revanche, le PDC comprend difficilement que le Conseil fédéral
•    ait donné la priorité aux négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’UE indépendamment d’une possible conclusion de l’accord OMC,
•    ne se soit pas suffisamment opposé dans le cadre de l’OMC aux propositions dévas-tatrices dans le domaine de l’agriculture (une réduction massive de la protection douanière a de graves conséquences sur les revenus agricoles).

Programme en 10 points

La Suisse doit pouvoir compter, à l’avenir aussi, sur une agriculture productrice et durable. C’est la raison pour laquelle le PDC a élaboré le programme en 10 points ci-après qui va dans le sens d’une «Politique agri­cole 2020»:
1.    Les prestations d’intérêt général fournies par l’agriculture sont de la plus haute impor-tance pour la vie et la cohabitation dans notre pays. C’est pourquoi l’enveloppe financière de quelque 3,4 milliards de francs par an doit être garantie à long terme. Aussi, le PDC rejette fermement les propositions d’économies dans le domaine agricole qui ont été présentées par le Conseil fédéral.
2.    En Suisse, la pérennité de la surface agricole existante doit être garantie en tant que base de production. Le PDC s’op­pose à ce que la surface utile soit encore réduite par des constructions, par l’abandon de terrains agricoles à la friche ou par des échanges contre des terres cultivables de moindre qualité. Des dispositions légales en ce sens doivent être ancrées dans le droit de l’aménagement du territoire et dans les planifications de zones cantonales.
3.    Le PDC demande une meilleure utilisation, plus diversifiée, des immeubles existants et souvent inutilisés qui sont situés hors des zones à bâtir (par exemple pour un usage d’habitation, du petit élevage privé ou l’agrotourisme).
4.    La politique agricole doit se baser sur le taux actuel d’approvisionnement de minimum 60%. C’est pourquoi le PDC soutient l’introduction de subventions spécifiques pour la sécurité de l’approvisionnement dans le cadre du développement du système des paiements directs. De plus, les parts de marché en Suisse comme à l’étranger doivent être augmentées de façon générale et les moyens affectés à la promotion des ventes doivent être investis de manière plus efficace.
5.    De l’avis du PDC, il convient de continuer à encourager la compétitivité de la branche notamment en mettant en oeuvre une stratégie qualité et en collaborant plus étroitement avec le tou­risme, l’hôtellerie ainsi que les grands distributeurs. Mais, il y a également lieu de renforcer la protection des déclarations de provenance aux niveaux national, eu-ropéen et international (par exemple «Swissness» efficace, AOC, montagne, alpage, accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce).
6.    Le PDC demande au Conseil fédéral d’examiner l’efficacité et l’impor­tance des différentes prescriptions générant des coûts pour l’agriculture (par exemple dans le domaine de la protection des animaux et de l’environnement, de la protection de la nature et du patrimoine, de l’aménagement du territoire) tout en veillant de ne pas mettre en péril la stratégie qualité pour les produits agricoles suisses.
7.    Le PDC demande que la recherche et le développement mettent à nouveau davantage l’accent sur les produits alimentaires. Cela est notamment valable pour les domaines des aliments sains, de la productivité ainsi que de la biodiversité, c.-à-d. de la diversité biologique dans notre pays.
8.    La volatilité des prix des produits agri­coles est préoccupante. Le PDC de­mande par conséquent au Conseil fédéral d’examiner l’opportunité de prendre des contre-mesures appropriées, de faire cesser la spéculation et de s’engager pour des marges et des prix aux producteurs raisonnables.
9.    Des produits alimentaires frais et variés constituent la base d’une vie saine de la population dans notre pays. Le PDC demande donc de distribuer du lait et des pommes pendant les récréations au lieu de mener des campagnes de prévention onéreuses et souvent inefficaces.
10.    L’aboutissement d’un accord OMC ou d’un accord de libre-échange agricole aurait de graves répercussions sur les revenus des paysannes et paysans de notre pays. Si un accord OMC ne devait pas être en vue au 1er septembre 2010, le PDC demandera alors au Conseil fédéral de suspendre les négociations en cours avec l’UE. Sans un accord OMC, il n’est pas nécessaire de conclure un accord de libre-échange agricole avec l’UE.