Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°1/2, 14 janvier 2013  >  La Croix-Rouge suisse au Kirghizistan: la promotion de la santé en région rurale est une réussite [Imprimer]

La Croix-Rouge suisse au Kirghizistan: la promotion de la santé en région rurale est une réussite

Auparavant, il faut un entrainement spécifique en comportement non-dominant

par Gabriela Neuhaus

hd. Ecouter et à accepter son vis-à-vis d’égal à égal doit être appris. Puisque même l’équipe de la Croix-Rouge suisse de Tobias Schüth a grandement profité de telles réflexions avant de s’attaquer à la promotion de la santé en région rurale au Kirghizistan, il faudrait qu’également les coopérants originaires d’autres pays prennent cela en considération. Reste que les Suisses sont habitués à un comportement d’égal à égal de la vie au sein de leur propre commune. Le Kirghizes assimile cela avec plaisir.

Qu’ils soient menuisiers, institutrices ou femmes au foyer, des milliers de Kirghizes s’activent bénévolement dans les villages pour améliorer la santé et le bien-être de leurs concitoyens. Œuvrant en partenariat avec du personnel soignant professionnel, les membres des comités de santé locaux jouent un rôle crucial dans les régions rurales: ils cernent les besoins des gens, font des visites à domicile, organisent des séances d’information, lancent des projets de cultures potagères ou mènent des campagnes contre l’alcoolisme.
Dix ans après la création du premier comité dans le cadre du projet Action communautaire pour la santé (CAH), ces organismes bénévoles ont déjà largement contribué à promouvoir la santé des populations rurales. Ils proposent par exemple des contrôles réguliers de la pression sanguine ou veillent à ce que des conduites d’eau délabrées soient remises en état. La distribution de tests destinés à contrôler la qualité du sel leur a valu un franc succès et suscité un vif intérêt au niveau international. Depuis que les commerçants et même leurs clients disposent d’un moyen simple pour vérifier si le sel contient effectivement les ingrédients mentionnés sur l’emballage, on ne trouve pratiquement plus de sel non iodé dans les magasins kirghizes. Conséquence: la prévalence du goitre, encore élevée dans les années 90, a fortement reculé. De l’avis de Tobias Schüth, qui a conçu et mis sur pied le projet CAH sur mandat de la Croix-Rouge suisse (CRS), la principale réussite enregistrée jusqu’ici réside dans le changement d’attitude de la population: «Les gens ont compris que ce n’est pas le ministère de la santé qui est responsable de leur bien-être, mais eux-mêmes.»

Investir dans l’infrastructure

Le programme destiné à réformer le système de santé kirghize prévoyait de mettre en place des soins de santé primaires. Dans la phase initiale, le gouvernement a toutefois accordé la priorité à l’indispensable rénovation des hôpitaux. Au cours de la première année de son intervention, la DDC, qui a contribué depuis 1999 à la réforme de la santé dans l’oblast (région) de Narin, s’est donc concentrée sur la réhabilitation et la restructuration des hôpitaux. Cette mesure avait pour but de réduire leurs coûts de fonctionnement.?
Chargée de la mise en œuvre du projet, la CRS a rapidement manifesté sa volonté de promouvoir aussi la santé dans les villages. Au ministère kirghize de la santé, cette exigence a d’abord éveillé le scepticisme. Ce n’est que lorsque la DDC a garanti que la réhabilitation des structures hospitalières progresserait selon le plan convenu que Tobias Schüth et son équipe ont été autorisés à travailler également dans les villages. «En respectant la volonté gouvernementale de poursuivre la rénovation des hôpitaux, la DDC a gagné la confiance des partenaires kirghizes et ouvert de nombreuses portes au nouveau projet», affirme M. Schüth.

Activités axées sur les besoins

Le projet visant les campagnes a misé sur une approche innovante: persuadés qu’il n’est possible d’améliorer la santé de la population qu’avec le concours des personnes directement concernées, les responsables ont invité les villageois à faire part de leurs préoccupations aux médecins locaux et au personnel soignant. «Les médecins et les infirmières vivent certes dans les villages, mais c’est la première fois qu’ils allaient sur le terrain pour demander aux gens leur avis, au lieu de simplement leur prodiguer des conseils», explique Tobias Schüth. Ce dialogue à un niveau tout à fait différent fut essentiel pour la suite. Au terme des discussions, les habitants ont remercié les médecins de les avoir écoutés. Les professionnels de la santé se sont dits impressionnés par l’étendue des connaissances de la population sur ce thème.
D’après Tobias Schüth, la réussite du projet a reposé sur le respect que médecins, personnel soignant et collaborateurs du projet ont témoigné aux villageois: «Nous les avions préparés à ces rencontres en organisant des cours intensifs sur le comportement non dominateur. Il arrive souvent en effet qu’un partenariat ne fonctionne pas, parce que l’on n’investit pas dans ce genre de réflexions. C’est pourtant tout aussi nécessaire que d’acquérir des connaissances sur l’anémie ou la pression sanguine.»

Ouverture et souplesse

D’une part, les rencontres dans les villages ont suscité la formation de comités de santé. D’autre part, elles ont permis de réunir des informations de première main sur les problèmes médicaux les plus pressants dans les zones rurales. A partir de là, les responsables du projet ont prévu une vaste palette d’activités en collaboration avec les intervenants. Ils ont pu le faire parce que la DDC a renoncé à fixer un cadre budgétaire strict et leur a laissé une grande autonomie: «Nous voulions mettre au point un modèle de promotion de la santé en région rurale. A cet effet, nous avions besoin d’argent pour les rencontres et les cours. Nous ne savions rien de plus», se souvient Tobias Schüth. Selon lui, c’est la souplesse du donateur qui a permis d’élaborer un modèle bien adapté au contexte kirghize.
Les activités conçues dans le cadre du projet CAH se fondent sur une interprétation large de la promotion de la santé. Comme cela avait déjà été le cas pour les hôpitaux, on a beaucoup investi dans l’infrastructure des villages: nombre de dispensaires et de bains publics de l’ère soviétique ont été rénovés; des conduites d’eau ont été remises en état. «On ne peut pas faire la leçon aux gens et leur recommander de boire de l’eau potable lorsque les canalisations sont délabrées. Il faut commencer par réhabiliter le réseau d’eau», souligne M. Schüth.

Du projet pilote au programme

Les rencontres organisées avec les villageois ont révélé que l’anémie constituait le principal problème de santé. Dans le cadre d’une étude, le projet CAH a donc testé l’efficacité d’un mélange de micronutriments appelé Sprinkles. Il s’agit d’une poudre contenant du fer, des vitamines, du zinc et de l’acide folique, que l’on ajoute aux aliments pour enfants. Grâce à cette nouvelle méthode, le recul de l’anémie a atteint jusqu’à 40% dans les régions pilotes. Encouragé par ce succès, le Kirghizistan a été le premier pays du monde à lancer en 2011 un programme national de distribution de sachets de Sprinkles.
Mais c’est tout le projet CAH qui est une réussite: le scepticisme initial du ministère de la santé s’est vite envolé. D’autres villages sont venus s’ajouter aux quinze premiers. Depuis 2005, les comités de santé font partie intégrante du programme officiel de réforme, qui veut développer l’infrastructure sanitaire dans les campagnes. Aux côtés de la DDC, d’autres donateurs se sont engagés entre-temps à cofinancer l’extension du programme à l’ensemble du pays.
Le ministère kirghize de la santé met pour sa part des moyens financiers et du personnel à la disposition des provinces, afin de soutenir les comités de santé. Ceux-ci ne se contentent plus de participer aux projets du CAH. Nombre d’entre eux ont lancé leurs propres initiatives et coopèrent désormais avec différents partenaires, dont les autorités locales. «Les gens ont appris à se faire entendre, à traiter avec les autorités et à trouver des ressources», constate Tobias Schüth. «La démocratie s’instaure ainsi à partir de la base. Notre projet de promotion de la santé y a contribué presque involontairement.»    •

Source: Un seul monde No 4 / Décembre 2012
Liens:
www.cah.kg, www.ddc.admin.ch

Difficile transition au Kirghizistan?

Jusqu’au début des années 90, la couverture médicale au Kirghizistan était efficace, gratuite et accessible à tous. Après la chute de l’Union soviétique, les ressources ont fait défaut pour préserver ce système. Dans le même temps, la pauvreté croissante ainsi que le délabrement des infrastructures d’adduction d’eau et de gestion des déchets ont détérioré la santé de la population. Malgré ses moyens limités, le gouvernement s’est engagé résolument dans la mise en place d’un nouveau système de santé: avec l’appui de l’OMS, de la Banque mondiale et de l’Agence de développement américaine USAID, il a lancé en 1996 un réseau de médecins de famille, qui fonctionne aujourd’hui très bien. De plus, la réforme du système de santé semble en bonne voie. Le manque aigu de médecins se fait toutefois durement sentir, surtout dans les régions rurales. Beaucoup émigrent à l’étranger où ils gagnent bien mieux leur vie.