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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°38, 22 septembre 2008  >  La centralisation est une étape vers la marchandisation de notre système scolaire [Imprimer]

La centralisation est une étape vers la marchandisation de notre système scolaire

par Alfred Burger et Armin Hofmann

La première votation sur l’adhésion au concordat HarmoS a lieu le 28 septembre dans le canton de Lucerne. Sous le slogan «HarmoS ist nicht harmlos»,* les adversaires d’HarmoS se sont rassemblés dans un comité apolitique. Ils voient dans le projet une réduction dangereuse des droits démocratiques et fédéraux qui ont permis jusqu’ici d’adapter l’école au bien-être de l’enfant, aux besoins des parents ainsi qu’aux réalités locales et cantonales. Un centralisme étranger à l’esprit suisse doit imprégner le système scolaire.

HarmoS signifie «Accord intercantonal sur l’harmonisation de l’école obligatoire». Le terme lui-même montre que l’on cherche à enjoliver la réalité. A vrai dire, il ne s’agit pas d’une harmonisation mais d’une synchronisation centraliste des écoles de tous les cantons. HarmoS uniformise pour la première fois la durée et les objectifs principaux des différents niveaux scolaires ainsi que les transitions entre eux. En même temps, l’âge de la scolarisation est le même pour tous les cantons qui ont adhéré au concordat.
Aucun parlement cantonal ne peut déli­bérer et voter sur les différents articles d’HarmoS. Ils ne peuvent qu’approuver ou refuser le tout. Les citoyens n’ont rien à dire non plus. En approuvant HarmoS, on prive son canton de tout pouvoir en matière d’école primaire. Un retrait du concordat n’est possible qu’au moyen d’une initiative populaire et la procédure prend en général cinq à sept ans. Le concordat une fois approuvé, les cantons membres doivent accepter toutes ses décisions et les appliquer. La population n’a plus rien à dire sur l’évolution de l’école primaire.
On justifie l’uniformisation notamment par la mobilité croissante de la population. C’est une astuce de propagande qui doit convaincre la population de la prétendue nécessité d’HarmoS. En réalité, la plupart des familles restent fidèles à leur canton. Nous ne devons donc pas sacrifier, contre l’intérêt de la majorité, notre système scolaire fédéraliste, qui a fait ses preuves, au profit d’une uniformisation centraliste.
HarmoS entrera en vigueur si dix cantons adhèrent au concordat. On espère que ceux qui ne participeront pas parce que le Parlement du canton ou la population mettent leur veto, cèderont à la pression du groupe des dix. C’est un procédé antidémocratique délibéré qui ne convient pas à la tradition politique de la Suisse.

Restructuration de l’école primaire

HarmoS prévoit entre autres la scolaristion des enfants dès quatre ans. Ainsi, les parents doivent abandonner plus tôt que jusqu’à présent la garde de leurs enfants. Le droit des parents d’éduquer leurs enfants est transféré de plus en plus à l’école. Ceux-ci sont scolarisés prématurément et l’école maternelle, qui a fait ses preuves, est abolie au profit d’un cycle élémentaire de trois à quatre ans. Le primaire dure donc huit ans et le secondaire trois ans.
En outre, depuis des années, la Conférence des directeurs de l’instruction pu­blique (CDIP) veut réaliser l’«enseignement intégratif». Les classes spécialisées destinées aux élèves peu doués ou difficiles sont supprimées. On doit enseigner tous les élèves dans des classes régulières. Cependant, une intégration indifférenciée et générale défavorise aussi bien les élèves forts que les faibles. Cela va conduire inévitablement à un nivellement par le bas. L’enseignement ne sera alors possible que grâce à l’«individualisation». Cela veut dire que chaque élève travaillera pour lui-même – l’enseignement destiné à l’ensemble de la classe, qui a fait ses preuves, sera donc aboli. De nombreuses études scientifiques montrent pourtant que ce sont avant tout les élèves faibles qui en souffrent.
Avec le concordat, l’intégration peut être introduite à tout moment de manière générale sans que personne ne puisse dire quoi que ce soit. Presque personne ne sait que notre pays a signé en 1994 la «Déclaration de Sala­manque» sans en informer la population. Elle prévoit que les enfants qui ont besoin d’une aide particulière ne seront plus enseignés dans des classes spéciales. Cela signifie qu’en Suisse et dans l’ensemble de l’Union européenne, les écoles spécialisées doivent être peu à peu supprimées.
Le procédé selon lequel on essaie en Suisse de restructurer le paysage scolaire est inadmissible. On ne dit pas aux citoyens ce qui se cache derrière cette politique. Au lieu de cela, on leur présente des éléments fragmentaires sur lesquels ils peuvent voter. On les em­pêche ainsi de se faire une opinion sur l’ensemble. On appelle cela le saucissonnage.

L’arrière-plan des accords internationaux

Sans consulter le peuple, le secrétaire d’Etat Charles Kleiber a ratifié, en 1995, l’AGCS (Accord général sur le commerce et les services) établi par l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il engage les Etats membres à ouvrir à l’économie privée des services qui étaient publics jusqu’ici. Le système de santé, l’approvisionnement en électricité et en eau, etc. en font partie avec l’éducation, la poste et les transports publics. Selon Pascal Couchepin, «la Suisse fait déjà partie des Etats qui ont pris le plus d’engagements quant aux services concernant le domaine de l’école».
Pour que l’AGCS puisse être appliqué en Suisse, on doit d’abord éliminer le fédéralisme dans le domaine scolaire, car il gêne. C’est pourquoi, en 2005, l’article cadre sur l’école a été intégré à la Constitution. Il habilite la Confédération à réaliser l’uniformisation exigée par le GATS au cas où un canton ou un autre ne voudrait pas l’appliquer. HarmoS est l’instrument servant à imposer pas à pas la centralisation dans le domaine de l’école de manière à ce que les citoyens ne se rendent compte de rien.

Le centralisme au lieu du fédéralisme dans le domaine de l’école

HarmoS conduit à une uniformisation et à une standardisation centraliste et générale de l’école maternelle (cycle élémentaire), de l’école primaire et au-delà. Dès l’école maternelle, les enfants doivent parler, en Suisse alémanique, uniquement l’allemand standard (hochdeutsch). La standardisation des contenus d’enseignement n’est pas seulement imposée en Suisse mais dans tous les Etats membres de l’OMC. Elle n’a plus rien à voir avec l’enseignement tel qu’on le concevait en Suisse jusqu’ici. Il s’agit de pures capacités que les élèves doivent manifester à un moment déterminé. Pourtant, la tradition de l’école primaire suisse veut que l’on prépare les enfants à la vie en société organisée selon la démocratie directe et le fédéralisme. Chaque pays d’Europe a sa tradition qui ne peut pas être nivelée par des programmes standardisés.

Privatisation des écoles

HarmoS ouvre la voie à la privatisation du système éducatif telle que la prévoit l’AGCS. L’offre standardisée dans le domaine scolaire peut alors être assumée par des entreprises privées. C’est ce que veut l’AGCS. HarmoS est un pas de plus dans cette direction. Les bonnes écoles seront uniquement à la disposition des enfants de ceux qui peuvent les payer et les moins bonnes seront pour les enfants dont les parents ont des revenus plus mo­destes. Les Etats-Unis connaissent déjà cela.
C’est pourquoi HarmoS n’est pas inoffensif. C’est un attrape-nigaud qui détruira peu à peu notre école primaire démocratique. Dans ce domaine sensible, HarmoS prive les parents et les citoyens de leur droit à participer aux réflexions et aux décisions. Au lieu de cela, l’école est dominée par un appareil centraliste.•

Pour de plus amples informations:
Conférence des directeurs de l’instruction publique (CDIP) HarmoS. www.cdip.ch/dyn/11737.php
Comité hors partis: HarmoS ist nicht harmlos.
www.harmos-ist-nicht-harmlos.ch
Kantonales Bürgerkomitee St Gallen:
www.nein-zu-harmos.ch
*jeu de mots: «HarmoS n’est pas inoffensif.»