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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°38, 26 septembre 2011  >  Autriche: Réserves quant au Mécanisme européen de stabilité (MES) [Imprimer]

Autriche: Réserves quant au Mécanisme européen de stabilité (MES)

Lettre ouverte

Lettre ouverte de Heinrich Wohlmeyer et Günther Robol adressée aux personnalités suivantes:
Président fédéral Heinz Fischer; Présidente du Conseil national Barbara Prammer; Chancelier fédéral et président de parti Werner Faymann; Vice-chancelier et président de parti Michael Spindelegger; Ministre des Finances Maria Fekter; Ministre de l’Economie, de la Famille et de la Jeunesse, Reinhold Mitterlehner; Porte-parole des Verts Eva Glawischnig; Président du FPÖ, Heinz-Christian Strache; Président du Bündnis Zukunft Österreich Josef Bucher

et aux chefs de délégations au Parlement européen
Hannes Swoboda, Othmar Karas,
Ulrike Lunacek et Andreas Mölzer

15 septembre 2011

Objet: Réserve quant à l’acceptation (à la ratification) de l’accord sur la mise en place d’un Mécanisme européen de stabilité (MES).

Citoyens responsables, nous avons étudié de façon approfondie le présent projet d’accord et en avons conclu qu’il n’est pas possible de l’accepter. S’il devait se conclure, les responsables devraient, dès que ses effets apparaîtraient, être jugés pour dolus eventualis (dol éventuel).
Cet accord contrevient non seulement aux traités de l’UE, sur la foi desquels l’Autriche a adhéré et a maintenu son adhésion, mais aussi à la Constitution autrichienne du fait qu’il entraîne la renonciation au droit inaliénable de toute démocratie: la souveraineté financière.
Dans la mesure où l’accord serait accepté, les Etats européens seraient soumis à une industrie financière sans légitimité démocratique. Pour dire les choses brutalement, il s’agirait d’un asservissement à un monde financier anonyme au moyen de pleins pouvoirs accordés sous prétexte de solidarité.
En particulier, des engagements seront pris au profit du secteur financier auxquels les capacités économiques de nos sociétés et la volonté d’entraide de nos citoyens et citoyennes ne pourront répondre. Le fait de devoir s’engager «sans conditions et de façon irrévocable» à fournir non seulement les sommes exigées, mais aussi les suppléments (art. 8 et 9), sont une preuve de la mise sous tutelle au profit des détenteurs de capitaux. L’accord à conclure avec le FMI est la démonstration de l’influence indirecte des Etats-Unis, responsables de la crise financière.
Les privilèges et immunités exigés auraient pour conséquence que ceux qui feraient payer les populations représenteraient un Etat tout puissant hors d’atteinte de toute poursuite judiciaire.
L’«immunité judiciaire complète» du MES, selon l’article 27, et l’immunité judiciaire des organes selon l’article 30, est un véritable blanc-seing juridique.
L’article 17 permet au MES de procéder à des emprunts. Comme le MES a la mainmise sur les Etats membres, on peut s’attendre à de véritables orgies d’endettement sans aucun contrôle parlementaire et les acteurs des marchés de capitaux pourront s’enrichir grâce aux crédits sans risques. S’il faut augmenter la masse monétaire, il serait bon de confier cette création monétaire directement à la Banque centrale européenne et non pas en utilisant le secteur financier comme «intermédiaire», ce qui augmente les coûts.
Le fait d’ignorer les soucis et les difficultés de la population et les mesures d’austérité prévisibles constitue le terreau de situations proches de la guerre civile. Dès que les citoyens prendront conscience du fait que les puissants de la finance, qui exigent sans cesse des sacrifices de ces populations alors qu’eux-mêmes refusent la moindre participation au financement des besoins de la société, ils se révolteront. Ajoutons que nous avons averti à temps tous les politiciens, mais on nous a traités de prophètes de malheur.
Lors de l’introduction de l’euro, nous avions attiré l’attention sur le fait qu’on ne peut pas imposer une politique économique et financière commune par le biais d’une monnaie commune. La monnaie commune doit plutôt reposer sur la politique économique et financière.
Nous avons également mis en garde à temps contre le fait que l’expiration des emprunts grecs, espagnols et portugais servirait de prétexte à une augmentation des taux d’intérêt.
Nous avons aussi fait savoir qu’on ne peut se défaire des dettes que par la faillite, un arrangement ou leur annulation d’un commun accord, et non pas en les reportant sur des tiers. Comme les puissants de la finance ont pris consciemment des risques et ont encaissé d’importants intérêts (qui incluaient une prime de risque), il va de soi qu’ils doivent assumer ces risques.
Comme les politiciens de l’Union européenne se sont laissé si facilement manipuler, la stratégie a été renforcée: on a mis les risques sur le dos des Etats européens (des citoyens) au travers de «plans de sauvetage» et une offensive a été lancée contre l’euro en concurrence avec le dollar qui perdait constamment de sa valeur. Le Conseil économique transatlantique (CET) a apporté son aide.
Cette attaque contre l’euro apporte une bouffée d’air au dollar, mais ne le sauvera pas. Il est donc nécessaire d’exiger une réforme du système monétaire mondial, au lieu d’assumer des garanties supplémentaires pratiquement illimitées. Il faut exiger une dévaluation. Il faut faire éclater la bulle financière créée artificiellement (fiat money) afin que les Etats endettés et les citoyens puissent reprendre leur souffle.
La citation suivante, tirée de l’encyclique Quadragesimo Anno Par. 106, montre bien à quel point le monde politique a été peureux ou aveugle et combien il faut de courage pour modifier les contraintes systémiques: «Ce qui, à notre époque, frappe tout d’abord le regard, ce n’est pas seulement la concentration des richesses, mais encore l’accumulation d’une énorme puissance, d’un pouvoir économique discrétionnaire, aux mains d’un petit nombre d’hommes qui d’ordinaire ne sont pas les propriétaires, mais les simples dépositaires et gérants du capital qu’ils administrent à leur gré. Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang de l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que sans leur consentement nul ne peut plus respirer.»
Veuillez prendre acte que continuer à agir comme jusqu’à présent représente un dolus eventualis. Une révolte douce pour imposer un nouvel ordre est inévitable.

Heinrich Wohlmeyer, docteur en droit et ingénieur agronome

Günther Robol,expert-comptable et conseiller fiscal

(Traduction Horizons et débats)