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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°47, 24 novembre 2008  >  Des tableaux d’actualité sociopolitique [Imprimer]

Des tableaux d’actualité sociopolitique

L’art moderne italien de Segantini à Balla au «Kunsthaus Zürich»

par Urs Knoblauch, Fruthwilen TG

Jusqu’au 11 janvier 2009, on peut admirer de très beaux tableaux de peintres italiens traitant de sujets campagnards, urbains et sociaux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. L’exposition et le catalogue prouvent que de nombreux artistes de maints pays ont créé de magnifiques «tableaux symbolistes» avec une grande humanité et un désir sociopolitique, tout en jouant avec les différentes formes du réalisme. On poursuit à présent cette tradition. Beaucoup d’images nous rappellent les sujets d’actualité de notre monde. L’exposition a été réalisée en collaboration avec la «National Gallery» de Londres.
Au centre de l’exposition figure un groupe d’œuvres de Giovanni Segantini, montrant les beautés naturelles des régions alpines et les gens qui y travaillent, et ceci de manière intuitive. Sur le tableau connu «Midi dans les Alpes», on voit une jeune bergère digne qui regarde les glaciers et les montagnes enneigées en protégeant de ses mains ses yeux du soleil de midi dans le ciel bleu. Ce «tableau symboliste» exprime une éthique et l’harmonie de l’homme dans la nature, ce qui correspond à la démarche de beaucoup de peintres dans l’exposition. C’est entre autres le cas de Giuseppe Pellizza da Volpedo avec son magnifique tableau «Miroir de la Vie. Et ce qu’a fait le premier, les autres le font aussi» (1895–98). Ce tableau montre en coulisse un troupeau de moutons et dans une ambiance de lumière impressionnante. Ceci vaut aussi pour Gaetano Prevati ou Vittore Grubic de Dragon, le grand mécène de Segantini. On y montre une révolution dans la technique de la peinture, dite «divisionnisme», une création italienne qui correspond à l’impressionnisme français et au «pointillisme». Ces peintres étudiaient les travaux scientifiques de l’époque et mettaient de la couleur pure par petits coups de pinceau sur la toile. Ainsi ils produisaient une impression de couleur particulièrement intense à l’œil. On présente également le «symbolisme» de l’époque. On montre les idées symbolistes, sur la base desquelles les artistes de l’époque enrichissaient leur vue rationnelle du monde avec des éléments intuitifs, symbolistes, chrétiens et émotionnels.

Des tableaux impressionnants avec un engagement sociopolitique

Les tableaux magnifiques et impressionnants qui montrent les tensions sociales provoquées par la pauvreté, le chômage et les crises politiques d’autrefois sont la grande découverte de l’exposition. Contrairement au postimpressionnisme français «la peinture italienne entre 1891 et 1910 se comprend comme expression politique et progressive. A côté des sujets pris de la nature comme ‹Paysage lombard› (1908) d’Umberto Boccioni, ou des sujets symbolistes comme ‘Le son du ruisseau’ (1902) d’Emilio Longoni, il y a maints tableaux parmi les 60 exposés qui expriment l’engagement sociopolitique des artistes.»
Ainsi Angelo Morbelli montre dans son œuvre touchante et extraordinaire «Le Noël des Oubliés» (1903) l’intérieur misérable d’un asile de sans-abri et l’homme solitaire «qui y manque de chaleur, de nourriture et de secours.» Les tableaux «Dans la rizière» et «Pour 80 centimes!» de Morbelli montrent la récolte du riz dans la plaine du Po avec des femmes travaillant dur et dignement. Le tableau «Les pensées d’un affamé» (1894) d’Emilio Longoni montre de manière émouvante les injustices sociales criantes qui – à l’époque comme aujourd’hui – révèlent la misère globale incroyable. La tradition chré­tienne avec son engagement social est elle aussi exprimée par certains peintres. Le fait que ces peintres s’engageaient dans la résistance se découvre dans le tableau «L’orateur de grève» (1890/91) d’Emilio Longoni. Pendant que l’orateur de grève du haut du réverbère parle à ses camarades, les soldats armés de baïonnettes sont prêts en arrière-plan. L’année précédente déjà, lors d’une réunion du 1er mai, on avait surveillé Longoni comme «le peintre des anarchistes». On peut également voir le tableau «Le fleuve des hommes» de Giu­seppe Pellizza da Volpedo, qui montre des ouvriers et des ci­toyens en train de manifester. Plus tard, il en créait l’œuvre mondialement connue «Le quatrième état» (1901). L’artiste écrivait: «Je suis en train de faire un tableau sociocritique […], une foule de gens, des ouvriers agricoles intelligents, capables, forts, réunis dans le désir de justice, se frayent leur chemin comme un fleuve, démolissant chaque obstacle qui bouche sa route.»
Le pays, orienté vers l’agri­culture à l’origine, souffrait de grandes tensions sociales. Les causes en étaient une politique ratée, le démontage de l’agriculture, l’industrialisation émergente, la concentration dans les villes et le non-respect des promesses officielles de prospérité. En regardant ces tableaux impressionnants, on ne peut s’empêcher d’évoquer les guerres actuelles et la misère économique qu’elles entraînent!    •

Informations concernant l’exposition:
www.kunsthaus.ch