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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°45, 22 novembre 2010  >  «Parcs naturels» – une grande perte de démocratie directe! [Imprimer]

«Parcs naturels» – une grande perte de démocratie directe!

Interview de Hans Uhlmann, ancien conseiller aux Etats, Thurgovie

Horizons et débats: Il y a en Suisse différents projets de soi-disant parcs naturels, qui s’étendraient sur des surfaces énormes de notre pays et qui entraîneraient entre autres d’importantes restrictions dans les régions respectives. Avons-nous vraiment besoin de cela en Suisse?

Hans Uhlmann, ancien conseiller aux Etats: Je n’y vois aucune nécessité. Les promoteurs argumentent qu’il serait bien de s’intercon­necter en faveur du tourisme etc. Quand on émet des doutes en discutant avec les gens, comme par exemple le fait qu’il y aurait de nou­velles obligations, on reçoit comme réponse que rien ne changera, qu’il ne faut pas s’inquiéter. Alors je me demande vraiment pourquoi il nous faudrait de tels parcs naturels.

Quelles seraient les conséquences pour les gens habitant dans un tel parc?

A mon avis, cela entraînerait une nouvelle restriction de la liberté, et en particulier de la garantie de la propriété. Après avoir soumis toutes les régions suisses aux lois sur la protection de la nature et du paysage, sur l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement, je ne comprends pas pourquoi il faudrait encore instaurer une instance supérieure. Un immense effort administratif en serait la conséquence, créant davantage d’emplois pour les ingénieurs en environnement et les ingénieurs agronomes, et pour toutes sortes de planificateurs ayant besoin d’une nouvelle occupation. Il est évident à mon avis que ceci n’est pas du tout nécessaire.

Voyez-vous un arrière-plan politique qui expliquerait le fait qu’on veuille recouvrir la Suisse avec de tels parcs?

Bien sûr, il y a dans notre pays diverses forces, qui revendiquent la restriction de la propriété; ce sont avant tout des cercles de gauche et d’écologie qui, fidèles à leur idéologie et leurs idées politiques, critiquent l’agriculture en prétendant qu’elle exploite trop le sol, tout en exigeant en même temps qu’elle développe de nouvelles idées et produise de manière plus rationnelle et efficace. Cela est bien sûr très contradictoire. La motivation politique vient pour moi de la gauche écologiste, qui fait tout pour atteindre ses buts – qu’ils soient bons ou mauvais, la question reste posée. Pour moi le cas est clair: Nous avons une agriculture intacte. Personne ne soigne et cultive mieux la campagne que ceux qui doivent en vivre. Ce sont en première ligne les paysans. Personne n’a intérêt à détruire sa base de vie, cela serait d’une stupidité achevée!

Pour quoi donc ces parcs naturels? En France, en Italie, etc. dans tous les pays de l’UE existent déjà depuis pas mal de temps des parcs, financés en partie par l’UE. Pourrait-ce être un motif chez certains partisans des parcs naturels?

Naturellement c’est une tendance dans certains cercles, d’occuper de plus en plus de positions-clé et de promouvoir de telles initiatives. Dans les régions de montagnes, je considère la situation comme un peu moins dramatique, bien qu’un réveil douloureux puisse arriver encore. Ma longue expérience dans le domaine de l’amélioration foncière et du remaniement parcellaire me permet de dire qu’aucune amélioration structurelle n’est plus possible.
Si jamais une base légale ou tout au moins réglementaire existe, on ne peut qu’aller vers l’empêchement. Et les gens prêts à participer – c’est peut-être méchant de le dire – recevraient leur salaire de l’Etat, sans avoir à vivre du labeur pénible de l’agriculture.
Dans l’UE, de tels parcs peuvent être décrétés. Une discussion et décision démocratique n’est pas ou guère possible. En outre le tourisme ne pourrait qu’à peine être attiré par de tels parcs, qui selon les partisans ne changent rien. Voilà des affirmations vides de signification.

Quel est le rôle de l’Office fédéral de l’environnement?

Un rôle déjà très important, mais il est intéressant de voir qu’ils font preuve d’une certaine retenue du point de vue argent, et l’on peut en déduire qu’à la fin, il ne resterait rien pour le propriétaire du terrain ou l’agriculteur. L’argent aurait déjà été dépensé dans la phase de planification. Ce seront finalement surtout les communes qui auraient à payer sans cesse.

Comment évaluez-vous la structure d’organisation?

Il y a les référendums municipaux, et, malheureusement, les documents ne sont souvent pas très bien étudiés. «La nature est belle, nous voulons la sauvegarder», c’est un argument souvent entendu de la part des promoteurs. Le réveil et le moment du déclic viennent plus tard, généralement quand il s’agit de payer. C’est alors que la question de la contre-valeur se pose. Mais il est généralement trop tard. A ce stade, les quelques centaines de mille francs sont dépensés pour le projet, et pour ne pas dire, en pure perte.
Dans les associations de parc, il est prévu un conseil d’administration et un règlement qui ne serviraient que de recommandation au début, mais – et mes expériences avec les associations de protection de l’environnement en disent long – ces recommandations seraient reprises par les autorités responsables de l’application des lois sur l’aménagement du territoire et sur la protection de la nature et du paysage, qui s’y entraideraient. En fin de compte, les recommandations seraient mises en œuvre, avec toutes les conséquences possibles, pour la population locale. Je ne peux que répéter: «Faites obstacle aux mauvais départs!»

La population, aura-t-elle encore un mot à dire?

Non, certainement pas, c’est à nouveau une grande perte de démocratie directe au niveau municipal. En outre, avec chaque législation dans ce domaine il y aurait une restriction de la garantie de la propriété. Sur cette lancée, finalement vous ne pourrez plus rien faire ni définir vous-même en ce qui concerne votre propriété, tout sera réglementé et prescrit.

Qu’est-ce que cela signifie pour ceux qui sont concernés?

Si la culture des terres est à la base du gagne-pain, on sera assailli et limité de tous côtés et les mesures à prendre seront finalement très onéreuses. Si un agriculteur donne son assentiment, il aura un réveil douloureux. Et l’espoir qu’il y ait encore un peu d’argent sera anéanti par cette imposture.
Un, ou même plusieurs labels, rendront le pêle-mêle des labels encore plus compliqué, et le consommateur ou la consommatrice, ainsi que la branche du tourisme, ne s’y retrouveront plus dans la jungle des labels, qui sont aujourd’hui déjà très nombreux.

Merci bien de cet entretien.    •