Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°47, 24 novembre 2008  >  La participation à l’«Opération liberté immuable» est contraire au droit international et à la Constitution allemande [Imprimer]

La participation à l’«Opération liberté immuable» est contraire au droit international et à la Constitution allemande

Discours du député Gert Winkelmeier prononcé le 4 novembre 2008 devant le Bundestag

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
A vrai dire, je pourrais répéter mon discours de l’année dernière sur le même sujet. En effet, rien n’a changé si ce n’est que l’on va officiellement renoncer à l’engagement de l’Unité des forces spéciales KSK en Afghanistan. Mais à part cela? Depuis 7 ans, les juristes nous serinent à tort que les Résolutions 1368 et 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisent le gouvernement allemand et l’OTAN à utiliser la force dans la lutte contre le terrorisme. Or, la répétition inlassable de cette justification ne la rend pas plus vraie pour autant. En affirmant cela, ils subiraient un cuisant échec à n’importe quel examen universitaire.
Ils évoquent toujours le fait que le préambule des deux Résolutions affirme le droit à la légitime défense. Or, à cet endroit des Résolutions, c’est aussi peu pertinent pour la conduite à suivre par les pays membres de l’ONU que si l’on affirmait qu’il faut se réjouir du beau temps. La seule chose déterminante est ce que le Conseil de sécurité ordonne dans la partie consacrée aux décisions, et c’est absolument limpide. En transformant une citation de Joschka Fischer de 1994, je dirai ceci: Ce n’est pas la première fois que je m’étonne de voir à quel point, depuis des années, la majorité de ce Parlement se laisse entraîner dans la guerre globale contre le terrorisme sous le prétexte du droit à la légitime défense.
Absolument rien dans le texte ne permet de l’interpréter comme une justification de l’engagement militaire. Il invite plutôt à collaborer pour livrer à la justice les respon­sables des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et de mettre fin au terrorisme par des moyens politiques, policiers, juridiques et économiques.
Le gouvernement fédéral se réfère également à la clause de défense collective (article 5 du Traité de l’Atlantique Nord) invoquée pour la première fois par l’OTAN le 4 octobre 2001 comme base juridique de l’engagement dans le cadre de l’Opération Liberté immuable. L’Alliance s’arrogeait ainsi ni plus ni moins le droit de faire la guerre. Or à ce moment-là, le Conseil de sécurité avait déjà décidé des mesures civiles de lutte contre le terrorisme et il ne pouvait définitivement plus être question du droit à la légitime défense au sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies car il n’est valable que «jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales». C’est ce qui avait été fait avec les Résolutions 1368 et 1373. Je constate donc que le gouvernement fédéral et la majorité du Parlement ne veulent pas respecter la loi, la Constitution et le droit international. Les choses étaient différentes dans notre pays avant la «normalisation» et quand les engagements militaires étaient encore tabous. Dans le dernier numéro de «Die Zeit», Helmut Schmidt écrit que les Allemands, «au vu de leur histoire au XXe siècle, ont de bonnes raisons d’être réticents en matière d’interventions militaires.»
Avant d’en remontrer aux autres, il faut balayer devant sa porte. Au nom de quelle autorité morale le ministre des finances assi-
mile-t-il la Suisse aux Etats voyous en voulant inscrire ce pays sur la liste noire de l’OCDE? Ce n’est pas une blague. Il a bien exprimé ce vœu. Serait-ce au nom de l’autorité morale du gouvernement fédéral qui reçoit le chef des Services de renseignements ouzbeks Ino­yatov – «notre salaud de service» – qui a inventé l’Union djihadiste islamique afin que le gouvernement fédéral ne soit pas privé de ses raisons de faire la guerre aux terroristes et M. Schäuble de ses raisons de durcir les lois sur la sécurité et d’accentuer l’amalgame entre sécurité intérieure et extérieure?
Je vous donne le conseil suivant: Cessez de cacher vos ambitions de politique hégémonique derrière la justification bidon selon laquelle l’Opération Liberté immuable est destinée à lutter contre le terrorisme, car cela vous contraint à transgresser le droit. Il est certain que cela se retournera un jour contre vous.
L’engagement de la marine dans la Corne de l’Afrique prouve bien qu’il y va de bien autre chose que de la lutte contre le terrorisme. Depuis des années, vous n’avez pas réussi une seule prise. Mais c’est compréhensible quand on chasse des fantômes. Avouez qu’il s’agit pour vous de sécuriser l’une des plus importantes voies maritimes du monde et de rien d’autre. Nous pourrions alors enfin avoir ici au Bundestag un débat nécessaire depuis des années et auquel notre population a droit: Quel rôle doit et peut jouer la Bundeswehr, armée parlementaire, dans le cadre d’une politique étrangère et de sécurité fondée sur le droit et la Constitution?    •

«La paix n’est acquise qu’à condition que soient respectées les exigences de l’éthique universelle. Les traités et les institutions internationales sont impuissants à garantir la paix si les mentalités n’y sont pas accordées. La paix est le bien de tous les hommes sans exception. […] Développer une culture de la paix suppose que soient respectées les exigences universelles de la personne humaine, que la faim et la pauvreté soient vaincues, que la solidarité soit mise en pratique et que les situations d’injustice structurelle soient dénoncées et surmontées, que les droits des peuples soient aussi reconnus.»

Roland Minnerath, archevêque de Dijon,

«Pour une éthique sociale universelle: la proposition catholique», Editions du Cerf, 2004.

«Le respect du bien commun suppose un certain niveau moral chez les acteurs. […] ‹L’homme est appelé, avec sa liberté, à accepter la vérité sur le Bien et à la mettre en œuvre. En optant pour une valeur authentique dans sa vie personnelle et dans sa famille, dans les domaines économique et politique aux plans national et international et en la mettant en pratique, il réalise sa liberté dans la vérité› (Jean-Paul II)».

Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising: «Das Kapital, Ein Plädoyer für den Menschen», Munich, 2008