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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°41, 13 octobre 2008  >  Le Parlement allemand à la veille d’une nouvelle décision concernant l’Afghanistan [Imprimer]

Le Parlement allemand à la veille d’une nouvelle décision concernant l’Afghanistan

Les parlementaires qui refusent le dialogue s’en prennent à la démocratie

par Karl Müller

Le 7 octobre, les députés au Bundestag allemand ont délibéré en première lecture sur une motion du gouvernement demandant de reconduire et élargir l’engagement de la Bundeswehr dans le cadre de FIAS (Force internationale d’assistance à la sécurité). La décision devrait tomber dans la semaine du 13 au 17 octobre.

Le gouvernement ne se montre pas prêt à s’interroger sur cet engagement

Même après 7 années, le gouvernement alle­mand ne se montre pas prêt à remettre en question cet engagement. Bien au contraire: depuis cet été l’armée met en place une «troupe d’intervention rapide» et maintenant il s’agit d’augmenter les effectifs (de 3500 à 4500 hommes) et le rayon d’activité doit s’étendre sur tout l’Afghanistan (pour les soldats des télécommunications, des transports aériens et des «Op-Info» [opérations de renseignements] et c’est surtout la guerre de propagande qui doit être renforcée par ces derniers.
Un des résultats de cette guerre de propagande est que la population n’apprend plus rien de la situation réelle en Afghanistan. Dès le début de l’année, le journaliste de télévision et écrivain, Ulrich Tilgner a cessé son activité pour la chaîne semi public ZDF (Zweites Deutsches Fernsehen), en expliquant que son travail était de plus en plus soumis à des limites, notamment «en ce qui concerne les reportages d’Afghanistan, alors que des soldats allemands y trouvent la mort».

On met l’accent sur la guerre de propagande

Ces derniers temps, cette guerre de propagande est renforcée et atteint des sommets avec l’affirmation du ministre allemand de la Défense, Franz Josef Jung (CDU), que «les adversaires de l’engagement de la Bundeswehr se mettent au service de ceux qui, finalement, menacent nos soldats» (cité d’après www.welt.de du 22 septembre). Jung prétend qu’il n’y a pas de guerre en Afghanistan, car en utilisant ce terme on porte atteinte à nos soldats et soldates qui ne bénéficient plus de l’entière solidarité de la population (Deutsch­landfunk du 21 septembre).
La «International Crisis Group», qui est sous l’obédience des gouvernements occidentaux, avait déjà exigé en juillet de ces gouvernements un renforcement des efforts pour convaincre leurs propres populations de la nécessité d’occuper l’Afghanistan, en lui faisant comprendre que cet engagement de guerre devait durer longtemps (cf. «Taliban Propaganda: Winning the War of Words?», Asia Report n° 158 de l’International Crisis Group du 24 juillet).

La poste allemande publie des affiches de soldats

Actuellement, la «Deutsche Post AG», dont l’Etat allemand est actionnaire majoritaire, fait de la publicité pour l’engagement de guerre de la Bundeswehr avec des affiches de soldats. Les Allemands (peu doués pour la propagande, en revanche soumis à l’obéissance aveugle) ont reçu pour mission de mettre, par l’intermédiaire de leurs soldats de propagande, la population du pays du côté des occupants. Ce qui est absurde vu la situation des habitants du pays et semble plutôt être orienté vers la population du pays d’origine.

Surtout ne pas parler de guerre

Le site Internet du Bundestag (www.bundestag.de) est, lui aussi, entraîné dans la propagande de guerre. On évite d’y parler de guerre, surtout face aux débats sur l’Afghanistan. On y lit: «Les 3500 soldats allemands doivent continuer, pendant encore un an, à soutenir la reconstruction du pays.»
On peut en douter, en observant comment les tâches sont réparties. Alors que 100 millions d’euros étaient destinés en 2007 à la «reconstruction», venus du ministère de la Coopération économique et du Développement, il y a eu 500 millions versés par le ministère de la Défense, soit cinq fois plus. Et ce ne sont que des chiffres officiels, maintenus au minimum, de l’engagement de la Bundeswehr (notamment la solde des soldats n’y est pas comprise); de plus, une bonne partie des 100 millions atterrissent dans les poches de collaborateurs d’ONG non-afghanes et non pas dans l’aide directe.

«Telle une soldatesque dans un espace de non-droit»

Le professeur Albert Stahel de l’Institut suisse pour les études stratégiques a résumé les moyens et les résultats de la guerre: «Ce grand nombre de victimes est la conséquence de frappes aériennes exécutées par des avions de combats américains, britanniques et français soi-disant avec une grande précision. En réalité, des bombes de grande puissance explosive sont lancées à partir d’une grande altitude sur des villages, des maisons et des fêtes de noces. L’intensité de cette guerre aérienne a été renforcée ces derniers mois. Avec plus de 70 frappes par jour, la guerre aérienne en Afghanistan est plus intense qu’en Irak. Mais c’est aussi au sol que – de plus en plus souvent – les troupes terrestres de l’OTAN et des USA tirent sur des civils qui se trouvent dans leurs voitures devant des barrages routiers. […] En plus, ce sont avant tout les soldats américains qui, lors de fouilles dans des villages afghans, pratiquent leur tactique douteuse. On enfonce les portes d’une maison, on crie après la famille présente pour la terroriser et on fouille toute la maison pour trouver les armes supposées. De temps à autre, des voitures civiles sont écrasées dans la rue par des voitures blindées Humwees américaines. Les troupes de l’OTAN et des USA se comportent en Afghanistan comme une soldatesque agissant dans un espace de non-droit. Il semble que ces troupes et leurs donneurs d’ordre, considèrent l’Afghanistan comme la terre promise où l’on peut tuer à sa guise.» (cf. «Afghanistan 2008 – la guerre comme au temps des Indiens» sur: www.strategische-studien.com du 28 août.)

«Gratitude et respect» pour le fait de tuer des êtres humains?

Albert Stahel met encore au pilori les assassinats de civils commis par les soldats allemands, ce qu’on n’aime guère entendre en Allemagne. Le conseiller militaire du Bundestag, Reinhold Robbe (SPD), a protesté contre le fait que le soldat allemand, qui avait tué en Afghanistan une femme et deux enfants et se trouvait accusé d’homicide, devait payer lui-même son avocat: «Les soldats concernés ne peuvent accepter que, lors des engagements militaires à l’étranger, on leur applique les mêmes conditions qu’à Munich, à Hambourg ou à Francfort. […] Celui ou celle qui – comme nos soldats et nos soldates – remplit cette mission difficile et dangereuse, doit avoir les mains libres et s’attendre à gratitude et respect de la part de notre société (cité d’après AFP du 29 septembre). Gratitude et respect pour le fait de tuer des êtres humains? En sommes-nous revenus à nier, en temps de guerre, les valeurs humaines?

Peter Struck (SPD) veut qu’on parle d’engagement de combat

Peter Struck, chef du groupe parlementaire socialiste, exige de la chancelière qu’elle reconnaisse qu’il y a la guerre en Afghanistan: «Il faut reconnaître que nos soldats sont pris dans des engagements de combats, qu’ils peuvent mourir, qu’ils en arrivent à tuer et que cela risque de durer longtemps.» (cité d’après Reuters, le 30 septembre). Ces propos ne correspondent guère à la propagande officielle, mais font néanmoins partie du double-langage en vigueur: d’une part on affirme s’occuper de reconstruction et d’aide (ce qui plaît au contribuable allemand), d’autre part il faut justifier le fait que ce sont des soldats qui mènent cette tâche. En effet, personne ne peut plus croire que la besogne de soldats armés jusqu’aux dents correspond à de l’aide au développement.

Les intérêts géostratégiques n’apparaissent qu’entre les lignes

Il faut savoir lire entre les lignes pour comprendre de quoi il s’agit en réalité. Y compris dans les nouvelles diffusées par Reuters, où on trouve cité l’ancien ambassadeur allemand en Afghanistan, Hans-Ulrich Seidt. Lui aussi exige un engagement de guerre pour les 12 à 15 années à venir et s’exprime sur l’importance stratégique du pays: «L’importance stratégique de ce pays au pied de l’Hindou Kuch a toujours été beaucoup plus grande que celle de l’Irak. Les développements en Afghanistan ont toujours eu des consé­quences directes pour les pays dominants, qu’il se soit agi de la Grande-Bretagne ou de l’Union soviétique».
Cela n’a rien à voir avec la «lutte contre le terrorisme», mais beaucoup avec la
géopolitique et la géostratégie. Il s’agit de l’accaparement des riches ressources de l’Asie centrale et du glacis russe et chinois. Est-ce une raison pour étendre la guerre au Pakistan? Et avec, ici aussi, une participation allemande? Est-ce la raison de la brutalité accrue avec laquelle cette guerre est menée?

La guerre et les victimes prennent de l’ampleur en Afghanistan

Même les Nations Unies reconnaissent dans leur dernier rapport sur l’Afghanistan que la sécurité du pays a pris un mauvais tour. Rien qu’en août, on a relevé un millier de cas d’insécurité. Depuis janvier 2008, ce sont, selon l’ONU, 1450 civils qui ont été tués lors de combats (cf. «Frankfurter Rundschau» du 2 octobre). On parle de l’année la plus meurtrière pour les soldats occidentaux depuis le début de la guerre en 2001 (AFP du 1er octobre). Et l’ancien général allemand, Naumann, ne cesse de réclamer pour cette guerre de plus en plus de soldats, y compris des allemands, et de lever toutes les limites aux engagements, comme cela a été rapporté dans une interview publiée dans la «Neue Osnabrücker Zeitung» du 2 octobre.

Une «recommandation modeste»: qu’on laisse les soldats allemands à la maison

On s’efforce par tous les moyens de mettre une chape de silence sur les conséquences de l’utilisation des munitions à l’uranium, violant les accords internationaux, contre le pays et ses habitants. Le major de l’armée américaine et ancien directeur de l’«US Army Depleted Uranium Projects», Doug Rokke, a mis en garde, lors d’une interview accordée à Horizons et débats (paru dans no 40 du 6 octobre): «Il suffit d’avoir à l’esprit les problèmes de santé bien documentés dont souffrent plus de 500 000 victimes des Forces armées américaines – sans parler des victimes civiles – problèmes non susceptibles d’être traités. Toutes les personnes – mères, pères, épouses, enfants, ecclésiastiques, universitaires et politiciens – qui permettent que des soldats allemands (ou d’autres pays) soient envoyés là-bas doivent être conscients que l’avenir de leur pays, la santé et la sécurité de tous les individus et la capacité de ceux qui reviennent blessés à prendre soin de leur famille sont compromis. Il est très probable que les soldats allemands invalides ne pourront plus travailler et que les coûts sociaux et médicaux seront plus importants que ce que l’économie peut supporter. D’où ma modeste recommandation: que les Allemands gardent leurs soldats chez eux où ils serviront le pays plutôt que de servir de chair à canon.»

Combien de temps encore …?

C’est bien la question qu’on se pose, en tant qu’Allemand, de savoir pendant combien de temps encore les parlementaires allemands vont donner dans la propagande guerrière, comme ce fut le cas de la présidente de la Commission de la défense, Ulrike Merten (SPD), lors d’une interview à l’hebdomadaire public «Das Parlament» du 29 septembre. Combien de temps encore les parlementaires pourront-ils passer par-dessus la volonté affichée de la population? Combien de temps encore la population allemande devra-t-elle attendre que les parlementaires engagent un dialogue réel et honnête? Dans la mesure où les parlementaires s’y refusent, ils mettent la démocratie en danger. Sont-ils prêts à payer aussi ce prix de la guerre?    •

La guerre et ses conséquences

Expériences de nouvelles armes

bha. Quand le visage et les cheveux d’un être humain sont brûlés et que cette personne morte n’a plus d’yeux – de tels cadavres ont été vus en Irak –, alors le ministère de la Défense des USA est obligé de donner des renseignements. On n’a pas davantage trouvé des projectiles dans le corps de ces morts qui pourraient justifier la cause mortelle. Le Department of Defense (DoD) refuse de donner des informations. L’utilisation de «High Power Microwave Directed Energy Weapons» doit apparemment encore être camouflée pour le moment.
Le financement des guerres appauvrit la population. Certains pays pompent des millions de dollars et d’euros dans une «expérience» avec un résultat incertain, dans l’accélérateur de particules radioactives du CERN par exemple. Le tuyau de cette installation est enfoui dans le sol de France et de Suisse, et là sous les jolies banlieues de Genève. Les «Particle beam weapons» sont cataloguées en tant que «Directed Energy Weapons». La recherche sur celles-ci a commencé à la fin des années 60, et la recherche intensive il y a environ 20 ans sous Ronald Reagan. Il semble que leur emploi dans les régions en guerre soit aujourd’hui à l’essai. Qui peut garantir la «nature pacifique» des recherches au CERN? Pauvreté et chômage, villes dépravées, absence de soins adaptés pour les malades pauvres, famine pour des millions de gens, dépérissement … Croirons-nous encore longtemps à la «guerre si nécessaire contre le terrorisme»?

Commandant britannique: l’intervention en Afghanistan a peu de perspectives de succès

L’engagement international en Afghanistan a, selon l’estimation d’un commandant britannique stationné sur les lieux, peu de perspectives de succès. Le général de brigade Carleton-Smith de l’armée de l’air a déclaré au «Sunday Times» que bien que ses troupes aient beaucoup affaibli les Talibans islamiques radicaux pour cette année, il est irréaliste de croire que les unités internationales pourraient libérer le pays des insurgés extrémistes. Les Britan­niques ne devraient pas compter plus longtemps sur une victoire militaire, mais se préparer à un éventuel accord commun avec les Talibans.

Source: Deutschlandfunk du 5/10/08