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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°47, 24 novembre 2008  >  La nature a besoin d’un avocat: Le droit de recours des organisations – un instrument important de protection de l’environnement [Imprimer]

La nature a besoin d’un avocat: Le droit de recours des organisations – un instrument important de protection de l’environnement

thk. Le week-end prochain, les Suisses se prononceront sur l’initiative populaire Droit de recours des organisations: Assez d’obstructionnisme – Plus de croissance pour la Suisse! Si elle était acceptée, nous perdrions un instrument important qui protège notre environnement de nouvelles destructions et empêche par là même la perte d’espaces vitaux. Cela entraînerait la transformation de forêts et de terres agricoles en zones industrielles surdimensionnées et portant atteinte à l’environnement. Si l’initiative est refusée, nos associations de défense de l’environnement auront toujours la possibilité de s’opposer aux atteintes portées à la nature par des constructions surdimensionnées et inutiles ainsi qu’à la disparition de terres agricoles importantes et à la commercialisation des approvisionnements de base.
D’une manière générale, ce serait une bénédiction si ce droit existait également à l’étranger. La recherche avide du profit et la soif de pouvoir ont relégué au second plan le respect de la nature. Bien que l’ONU et d’autres organisations ne cessent de mettre en garde contre la «bombe à retardement biologique», le monde est en piteux état et il est du devoir des hommes de transmettre aux générations futures un environnement qui permette de mener sur cette planète une vie digne d’être vécue.
Lors de la conférence tenue dans le cadre du Forum économique Lilienberg le samedi 15 novembre près d’Ermatingen, au bord du lac de Constance, par l’ex-président de l’Union soviétique et actuel président de la «Croix Verte Internationale» Mikhaïl Gorbatchev a déclaré que «la politique avait totalement négligé les problèmes d’environnement». Selon lui, le système économique capitaliste «pense au profit uniquement et non pas aux questions sociales et environnementales. C’est pourquoi la pauvreté et la détresse règnent dans de nombreuses régions du monde.»
En outre, il a attiré l’attention sur les conséquences de la pénurie croissante d’eau potable. «Les inégalités en matière d’approvisionnement en eau sont tout à fait inacceptables: 1,5 milliard d’hommes n’ont pas accès à l’eau potable et ne disposent pas de sanitaires.» Ce sont des questions qui concernent directement notre pays quand on songe aux forces qui cherchent à privatiser la distribution de l’eau, considérant cela comme une des prochaines étapes d’une globalisation prétendument incontournable.
Le droit de recours des associations est un instrument démocratique utile pour l’environnement et en particulier pour les hommes. Il nous protège d’une économie et d’une manière de penser irresponsables orientées uniquement vers le profit.

Droit de recours des organisations pour la protection du paysage

Le droit de recours accordé depuis 1967 aux organisations de protection de l’environnement et donc à la FP, la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage, par une loi fédérale qui fait de ces der­nières la «voix de la nature» dans les procédures d’octroi d’une autorisation, donne lieu à intervalles réguliers à des désaccords politiques. Cela dure depuis 1990. Les projets portés par d’éminents maîtres d’oeuvre ou des stars de l’architecture, ou concernant les domaines de l’énergie ou du sport, qui suscitent des conflits avec la protection de la nature et de l’environnement, sont faciles à exploiter sur le plan médiatique et soulèvent des vagues d’émotion dans la population. Or, le débat souvent difficile en Suisse entre les intérêts de la protection et les intérêts de l’utilisation exige un instrument qui, comme le disait en 1990 le conseiller fédéral Flavio Cotti, «peut en quelque sorte être considéré comme un dernier et important exutoire compte tenu de la tâche toujours plus urgente qui consiste à protéger notre environnement». Le fait que le droit de recours soit régulièrement remis en cause depuis lors montre cependant que réclamer juridiquement l’application des dispositions de protection est perçu comme une gêne, une entrave. A une époque où prime la brièveté des délais, poser des questions sur l’emplacement, les dimensions et la nécessité d’un projet de construction n’est souvent pas du goût de tout le monde. Par conséquent, les autorités sont également soumises à des pressions accrues et invitées à accorder rapidement les autorisations requises. La situation se complique encore dans les domaines juridiques encore relativement vierges ou peu fréquentés, où il existe une certaine liberté d’appréciation, comme la protection des marais. Dans ces cas-là, il faut en conséquence que les autorités délivrant les autorisations fassent montre de la volonté politique de ne pas se contenter d’user le moins possible de leur marge de liberté, c’est-à-dire de trancher aux frais de la protection du paysage, mais, conscientes du développement effréné de l’urbanisation, tendent vers une véritable pesée des intérêts en présence. Si tel était le cas aujourd’hui, le mandat constitutionnel prévoyant l’utilisation mesurée du sol ne serait pas un voeu pieux, on s’acheminerait au contraire enfin vers une limitation de l’urbanisation rampante, un ralentissement de la disparition de la biodiversité et une amélioration de la situation en ce qui concerne les débits résiduels. Le droit de recours ne peut à lui seul apporter ces correctifs (raison pour laquelle la FP a, avec d’autres associations, lancé l’initiative pour le paysage), mais il peut, dans des cas particuliers, avoir un effet préventif et contribuer ainsi régulièrement à empêcher l’environnement de subir de graves dommages. Depuis des années, les statistiques de la FP démontrent à quel point ce droit de recours est nécessaire. Le fait que les projets de construction doivent être modifiés dans près de 70 pour cent des cas d’opposition et de recours indique clairement que, sans cet instrument, la dégradation de l’environnement risquerait d’augmenter encore fortement dans notre pays. Hypothèse que le professeur de droit émérite Heribert Rausch, de Zurich, a du reste corroborée en 2004 dans son livre «Umweltrecht»: «Tous ceux qui connaissent le sujet s’accordent pour dire que, si le droit de recours des organisations n’existait pas, le manque flagrant de volonté en matière d’exécution dans plusieurs secteurs, en particulier la protection du paysage et la protection qualitative des cours d’eau, serait encore beaucoup plus grand.» De juin 2003 à décembre 2006, les Chambres fédérales ont dû se pencher sur l’initiative parlementaire de Hans Hofmann. Les nouvelles dispositions relatives au droit de recours des organisations et à l’EIE, qui ont été mises en vigueur le 1er juillet 2007, se traduisent par de sensibles restrictions aux yeux de la FP. Tant que les défauts de l’aménagement du territoire ne seront pas éliminés, les restrictions posées au droit de recours au niveau des autorisations de construire risquent de peser plus lourdement sur l’environnement et le paysage. C’est pourquoi je me suis régulièrement prononcée pour un renforcement de l’aménagement du territoire. La volonté d’affaiblir encore davantage le droit de recours est irresponsable et pourrait réduire à néant les acquis de la Suisse en matière de protection de l’environnement. L’initiative populaire du parti radical zurichois et l’initiative pour le paysage lancée à l’instigation de la FP ont laissé des traces dans nos comptes annuels. Nous sommes par conséquent reconnaissants à tous nos membres et donateurs de continuer de nous apporter leur soutien et même de l’augmenter. En 2008, Richard Patthey, notre collaborateur de longue date, prendra une retraite bien méritée. A lui comme à toute notre équipe, j’adresse mes remerciements pour le toujours excellent travail accompli au bénéfice de nos paysages.

Erika Forster-Vannini, Conseillère aux Etats, PRD SG, et présidente du Conseil de fondation de la Fondation suisse pour la pro­tection et l’aménagement du paysage (FP)