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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°38, 26 septembre 2011  >  N’affaiblissons pas les droits populaires [Imprimer]

N’affaiblissons pas les droits populaires

La limitation du droit d’initiative abordée au Conseil des Etats

par Marianne Wüthrich

hd. Tous les historiens sont mal à l’aise face aux forces qui s’attaquent actuellement à la démocratie en Europe. Des ressemblances de triste mémoire avec les années 1920–1930 refont surface. L’ouvrage de Gotthard Frick «Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945. Eine neue umfassende Sicht auf die Selbstbehauptung der Schweiz im Zweiten Weltkrieg und die daraus für die Zukunft zu ziehenden Lehren» («La guerre d’Hitler et l’affirmation de soi de la Suisse entre 1933 et 1945. Nouvelle vision exhaustive de l’affirmation de soi de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale et enseignements à en tirer pour l’avenir») nous éclaire sur le sujet de même que l’ouvrage de Timothy Snyder «Bloodlands. Europe between Hitler and Stalin.» («Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline») Entre ces forces, les Etats nations démocratiques à la structure fragile et dont la population la plus jeune a grandi dans une période de prospérité sont mal préparés aux rudes débats politiques. Leurs aînés savent interpréter plus rapidement les signes.
Aussi bien les démocraties représentatives que la Suisse doivent être très attentives à la capacité de chantage des grandes banques et à un discours rationnel reposant sur la connaissance des mécanismes économiques. Les mécanismes d’influence démocratiques doivent être renforcés et non pas affaiblis. La confiance entre le peuple souverain d’une part et le Parlement et le gouvernement d’autre part a beaucoup trop souffert. Les machinations de nos grandes banques creusent le fossé et nuisent à notre réputation. C’est pourquoi la contre-proposition à la tentative du Vert Daniel Vischer de limiter le droit d’initiative examinée au Conseil des Etats est une question très sensible. La population observe avec une grande attention quels parlementaires restent fidèles au modèle de notre démocratie directe et lesquels favorisent des forces contraires.

Le 20 septembre, le Conseil des Etats s’est prononcé sur deux projets qui visent à limiter le droit d’initiative profondément démocratique des Suisses. Avec raison, la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil des Etats s’oppose à l’initiative parlementaire de Daniel Vischer (Verts). Vischer demande de modifier la Constitution fédérale «de manière qu’une initiative populaire soit déclarée nulle lorsque, sur le fond, elle contrevient aux dispositions du droit international public régissant les droits fondamentaux et les garanties de procédure». La CIP, en revanche, propose, sous le titre «Mesure visant à garantir une meilleure compatibilité des initiatives populaires avec les droits fondamentaux», une solution plus modérée. Toute­fois, même cette variante n’est ni appropriée ni nécessaire.
Un des droits fondamentaux de la démocratie directe suisse est celui de demander, au moyen d’une initiative populaire fédérale, une votation populaire sur la modification d’un article de la Constitution fédérale ou même une révision totale de la Constitution. Depuis 1874, le peuple s’est prononcé sur 174 initiatives populaires et 18 d’entre elles, c’est-à-dire un peu plus de 10%, ont été acceptées par le peuple et les cantons. Récemment, relativement beaucoup d’initiatives ont été acceptées, soit 6 au cours des 10 dernières années. Chacune d’entre elles est examinée par la Chancellerie fédérale en fonction des critères de l’article 139 de la Constitution avant que la collecte des signatures ne commence. Il s’agit de savoir si elles répondent aux exigences formelles (par exemple liste complète de signatures, traduction correcte du droit d’initiative dans les 3 langues administratives), si elles respectent l’unité de la matière, c’est-à-dire que leur contenu se limite au sujet. Il suffit qu’une de ces prescriptions ne soit pas remplie pour que l’Assemblée fédérale invalide totalement ou partiellement l’initiative. Cela s’est produit 4 fois, pour diverses raisons. Tout autre examen matériel du contenu est interdit car le peuple est le pouvoir suprême de la démocratie directe suisse. Toutefois le Parlement a la possibilité de recommander l’acceptation ou le rejet de l’initiative avant la consultation et/ou de proposer un contre-projet.

Des «gardiens des droits humains» autoproclamés veulent émasculer les droits populaires.

Ces derniers temps, des «réformateurs de la démocratie» autoproclamés s’apprêtent à remettre en cause les droits importants de la démocratie directe suisse. Ils invoquent comme prétexte l’acceptation par le peuple et les cantons de différentes initiatives dont le contenu leur déplaît. Ainsi, en mai 2010, un certain nombre de politiques et de politologues se sont rencontrés à Soleure pour «renforcer les piliers de notre démocratie directe, les doits fondamentaux et les droits humains». Ils affirmaient que les «initiatives populaires contraires aux libertés et aux droit international s’accumulent» et ils demandaient une modification de la Constitution visant à augmenter le nombre des raisons d’invalider les initiatives populaires en ajoutant une longue liste de contenus censés violer les droits de l’homme. En réalité, il s’agit d’une liste de sujets qui ne correspondent pas à leurs opinions politiques.
Ces «spécialistes» de la politique manifestent ici une conception étrange de la politique: au lieu d’accepter qu’on puisse ne pas avoir les mêmes opinions qu’eux – on appelle cela pluralisme des opinions, Mesdames et Messieurs les politologues! – ils sont partisans d’une dictature de l’opinion. Ce faisant, ils contreviennent au droit de l’homme fondamental sans lequel il n’y a pas de démocratie, c’est-à-dire la liberté de se forger librement son opinion et de l’exprimer dans le débat politique (art. 16 de la Constitution fédérale). Dans la «Déclaration de Soleure», du 29 mai 2010, on peut lire les phrases surprenantes suivantes. «Nous aspirons à une image de la Suisse qui conçoive l’immigration et la diversité de notre pays comme une force. La «suissitude» et la «refolklorisation» ne contribuent pas au maintien de la cohésion sociale. Le discours sur la patrie doit être recomposé. De l’espace doit être donné aux jeunes pour leur permettre de développer leur image de la Suisse.» A ce sujet précisons ceci: chacun peut souhaiter ce qu’il veut, mais ce serait un comble si n’importe qui voulait inscrire dans la Constitution fédérale sa propre «conception de la Suisse» et interdire les initiatives populaires qui n’y correspondent pas. La majorité du peuple souhaite sans doute plus de «suissitude» que d’immixtions scandaleuses du capital globalisé et de gouvernements étrangers.

La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats est opposée aux forces qui cherchent à affaiblir la démocratie.

Par 8 voix contre 2, la CIP du Conseil des Etats s’est nettement opposée, avec raison, à ces demandes antidémocratiques et a refusé l’initiative parlementaire de Daniel Vischer, qui voudrait inscrire dans la Constitution la proposition présomptueuse des ennemis de la démocratie de Soleure:

L’initiative parlementaire de Daniel Vischer dit ceci:
«La Constitution fédérale est modifiée de manière qu’une initiative populaire est déclarée nulle lorsque, sur le fond, elle contrevient aux dispositions du droit international public régissant les droits fondamentaux et les garanties de procédure.»

Il est évident que cette disposition «élastique» permettrait facilement de retirer toute initiative populaire qui ne correspond pas à l’opinion majoritaire du Parlement. Heureusement, la CIP du Conseil des Etats s’en est rendu compte:

«[La CIP] continue de douter qu’il soit possible de formuler, dans la Constitution, des motifs de nullité supplémentaires suffisamment précis. En effet, le texte de la Constitution doit déterminer le plus clairement possible dans quels cas une initiative populaire est déclarée nulle; or, compléter ce texte par de nouveaux motifs accroîtrait considérablement la marge d’interprétation de l’Assemblée fédérale et rendrait le texte encore plus flou aux yeux des auteurs des initiatives.» (Rapport du 28 juin 2011)

Il n’y a rien à ajouter à cela. Malheureusement, le 11 mars 2009, le Conseil national a accepté par 96 voix contre 72 l’intervention de Vischer et désavoué par là même les citoyens responsables bien que sa CIP se soit prononcée d’extrême justesse (12 voix contre 11 et 1 abstention) en faveur de l’initiative Vischer. Là-dessus, la CIP du Conseil des Etats a demandé un rapport du Conseil fédéral sur les relations entre les initiatives populaires et le droit international.

La motion «Mesures visant à garantir une meilleure compatibilité des initiatives populaires avec les droits fondamentaux» est superflue et contraire à la démocratie.

Le rapport en question est disponible depuis mars 2011 (Rapport additionnel du Conseil fédéral au rapport du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne, Feuille fédérale, 2010, p. 3401 sqq.) et, se fondant sur ce texte, la CIP du Conseil des Etats propose l’inscription dans la Constitution d’un examen matériel préliminaire non contraignant du contenu de toutes les initiatives populaires. Cela dit, la Commission maintient son rejet de l’initiative Vischer.

Texte de la motion 11.3751 de la CIP du Conseil des Etats:
«Le Conseil fédéral est chargé d’élaborer un projet à l’intention de l’Assemblée fédérale en se fondant sur son Rapport additionnel du 30 mars 2011 au rapport sur la relation entre droit international et droit interne. Le gouvernement établira les bases légales permettant la mise en œuvre de la mesure suivante:
Un examen matériel préliminaire – non contraignant – de la validité des initiatives populaires aura désormais lieu avant le début de la récolte des signatures (voir point 1 du texte de la motion 11.3468 de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 19 mai 2011).»

Cependant un tel examen matériel allant au-delà des règles impératives du droit international réduirait considérablement la liberté de décision des citoyens. En outre, il est tout à fait inutile pour les raisons suivantes:

On examine déjà aujourd’hui la compatibilité d’une initiative populaire avec les règles impératives du droit international. D’ailleurs ce dernier n’a jamais été concerné dans une initiative populaire fédérale et il ne faut pas s’attendre à ce qu’il le soit jamais.

Selon la Constitution fédérale, une initiative populaire ne doit pas être contraire aux «règles impératives du droit international» (art. 139-3). C’est une évidence pour tous les Suisses. Dans son Rapport, le Conseil fédéral énumère les normes du droit international (p. 3413 sqq.) Afin d’écarter une fois pour toutes l’affirmation fantaisiste selon laquelle telle ou telle initiative populaire violait le droit international ou pourrait le faire, citons ici le Rapport (cf. encadré «Règles impératives du droit international»).
L’esprit du droit et la démocratie suisse sont loin de vouloir, au moyen d’une initiative populaire, porter atteinte à un des fondements de la communauté internationale. Il est ainsi évident que l’expulsion de criminels étrangers trouve ses limites dans le principe du non-refoulement et que l’interdiction des minarets n’est absolument pas une atteinte de «la sphère la plus intime de l’autodétermination religieuse ou éthique» (p. 3415).

L’extension de l’examen préliminaire à la compatibilité des initiatives populaires avec «les autres dispositions du droit international» limiterait les droits démocratiques des citoyens pour des raisons purement politiques et doit être refusée.

Le Conseil fédéral propose au Parlement d’étendre l’examen préliminaire des initiatives populaires aux «autres dispositions du droit international» (p. 3419). Par cette expression, le Conseil fédéral entend «celles qui violent des traités internationaux non dénonçables ou dont la dénonciation paraît difficilement envisageable politiquement» (p. 3420).
Une clause aussi «élastique» permettrait à certains politiques et fonctionnaires de coller l’étiquette d’«autres dispositions du droit international» à tous les traités internationaux qu’ils considèrent comme «non dénonçables» en fonction de leurs opinions politiques. Les exemples sont faciles à prévoir. Ainsi, certains politiques ont déclaré que la dénonciation des Accords bilatéraux I et II, par exemple celui sur les transports terrestres (qui est d’ailleurs en contradiction avec la Convention des Alpes inscrite dans la Constitution) ou l’Accord de Shengen/Dublin, était «difficilement envisageable politiquement», voire «impossible». C’est faux: la dénonciation ou la renégociation de chaque Accord avec l’UE est naturellement tout à fait possible. La question de savoir si cela plairait ou non à la caste bruxelloise n’entre pas en ligne de compte ici. La Suisse est souveraine et le peuple suisse est souverain dans la Suisse souveraine.
Il est inadmissible que le Parlement, le Conseil fédéral ou une administration essaient d’empêcher les promoteurs d’une initiative de demander une consultation du peuple pour la seule raison de satisfaire telle ou telle puissance.

Une «indication» imprimée sur la feuille de signatures qui préciserait que l’initiative viole les obligations de la Suisse vis-à-vis du droit international porterait un coup grave à la conception suisse de la démocratie et violerait le principe de non-discrimination inscrit dans la Constitution.

La proposition du Conseil fédéral consistant à imprimer sur les listes de signatures une phrase comme la suivante reviendrait à annuler la liberté de formation de l’opinion:

«L’Office fédéral de la justice et la Direction du droit international public estiment que l’initiative populaire viole les engagements internationaux de la Suisse mais qu’elle n’est pas contraire aux règles impératives du droit international; l’Assemblée fédérale n’est pas tenue de la déclarer nulle.» (p. 3423)

Nous n’avons pas à nous demander si dans le modèle de démocratie qu’est la Suisse nous voulons abolir la liberté de formation de l’opinion, qui est un des critères minimaux de toute démocratie. Ce serait trop gênant. Le comble est que, de l’avis du Conseil fédéral, une ou deux administrations seraient les mieux à même de préciser les choses. C’est incroyable! Remarquons que nous sommes d’accord avec le Conseil fédéral dans la mesure où personne d’autre ne serait habilité à commettre un tel déni de démocratie: ni le Parlement, ni le Conseil fédéral, ni le Tribunal fédéral.
En outre, avec une telle précision imprimée sur les feuilles de signatures, nos autorités, conformément à la définition du Conseil fédéral figurant dans le Rapport, enfreindraient le principe de non-discrimination. Citons le Rapport:

«L’art. 8, al. 2,1 Cst. est en ce sens l’expression d’une pluralité de conceptions et offre en principe la reconnaissance d’opinions et de convictions qui diffèrent des vues usuelles en Suisse.» (p. 3435)

Cela se passe de commentaire.

Il n’est pas question de renforcer les limites des initiatives populaires en précisant de manière arbitraire un «noyau dur de chaque droit fondamental» dans la Constitution.

Certes, le Conseil fédéral, dans son Rapport, envisage comme deuxième variante une liste de droits fondamentaux qu’une initiative ne devrait pas enfreindre. La tentative de dresser une telle liste (p. 3230 sqq.) est à vrai dire très contestable car premièrement le Conseil fédéral reconnaît qu’elle ne «saurait être exhaustive» et deuxièmement la question de savoir quelles libertés et quelles garanties de procédure – au-delà des règles impératives du droit international – relèvent du «noyau dur» de la Constitution qui ne devrait pas être modifié par une initiative populaire ne fait pas l’objet d’un consensus dans la jurisprudence. (p. 3431)
Le Conseil fédéral considère qu’on ne peut pas imposer aux citoyens la tentative d’échapper à ce flou en choisissant une formulation vague: déclarer invalides des initiatives populaires sur la base de dispositions du droit international qui «sont d’une importance vitale pour la Suisse» ou en raison de leur «inapplicabilité juridique ou politique» irait trop loin. A ce sujet, le Conseil fédéral écrit très justement:

«Ce serait largement une question d’appréciation politique. Il serait de ce fait difficile d’assurer la prévisibilité du résultat de l’examen à laquelle les comités d’initiative peuvent prétendre à juste titre (sécurité du droit). D’ailleurs, c’est au peuple et aux cantons qu’il revient de prendre la décision politique, en se rendant aux urnes, et non pas à l’Assemblée fédérale lors de l’examen de la validité de l’initiative.» (p. 3427)

Eh oui, le Conseil fédéral a tout à fait raison: Le peuple et les cantons se prononcent sur une initiative populaire en votant, car ils sont souverains. A vrai dire, nous autres citoyens souhaiterions que nos autorités aient un peu plus confiance dans notre discernement car, comme on peut le lire dans le Rapport, nous portons en nous les limites juridiques et humaines aux modifications de la Constitution. C’est pourquoi il n’existe pas de «clauses d’éternité» dans notre Constitution:

«De telles clauses d’éternité, inspirées de l’art. 79, al. 3, de la Loi fondamentale allemande de 1949, sont étrangères au droit constitutionnel suisse. Les opinions doctrinales attribuant une protection absolue à certaines ‹valeurs fondamentales auxquelles on ne peut renoncer› n’ont pas réussi à s’imposer. Cela tient sans doute au développement du droit constitutionnel en Suisse, où des valeurs comme la démocratie, le fédéralisme, la séparation des pouvoirs et l’Etat de droit sont le fruit d’une longue tradition et sont ancrés profondément dans la mémoire collective. Mais on peut aussi se référer au principe démocratique […] qu’il serait difficile de concilier avec une clause d’éternité. Le texte constitutionnel en vigueur prévoit que la Constitution peut être révisée en tout temps, totalement ou partiellement (art. 192, al. 1, Cst.). Des limites matérielles autonomes absolues à la révision, ou des délais d’attente, sont dès lors exclus.» (p. 3416)

Nous sommes tout à fait d’accord. Alors pourquoi ces tentatives laborieuses de restreindre la liberté de décision des citoyens?
A propos, on peut lire tout à fait accessoirement dans le Rapport que le vacarme organisé par certains politiques et politologues à propos d’initiatives populaires prétendument contraires au droit international et aux droits fondamentaux en vue d’affaiblir la démocratie et de donner à la Suisse une forme plus compatible avec l’UE et la globalisation est sans objet. En effet, selon le Conseil fédéral, les quatre initiatives en question dont trois ont été acceptées par le peuple et les cantons, ne contreviennent pas au noyau dur des droits constitutionnels fondamentaux (et surtout pas aux normes impératives du droit international, comme le prétendent certains!):

«Citons à titre d’exemple quelques initiatives populaires récentes qui, au contraire, ne violent pas l’essence des droits fondamentaux selon le Conseil fédéral: l’initiative sur le renvoi (acceptée en 2010), l’initiative sur les minarets (acceptée en 2009), l’initiative ‹pour des naturalisations démocratiques› (rejetée en 2008), l’initiative sur l’imprescriptibilité (acceptée en 2004).» (p. 3439)

Ce débat stérile est donc totalement caduc.

Conclusion

Ce qui fait certainement partie du «noyau dur» inaliénable de la Constitution fédérale, ce sont les droits de la démocratie directe. Nos représentants du peuple ont le devoir prioritaire de renforcer les droits populaires, non de les affaiblir.    •

1    Art. 8, al. 2 de la Constitution fédérale: «Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.»

On suscite artificiellement la peur à propos du problème des banques «too big to fail»

«Il s’agit plutôt de la peur avec laquelle, en ce moment, partout en Europe, au cours de la lutte contre la crise des dettes, les Etats et les banques mènent une politique liberticide. […]
Celui qui n’a pas de scrupules d’abuser des angoisses de ses contemporains et qui réussit en plus à mettre les médias de son coté, celui-là parvient, dans des moments où les hommes s’inquiètent, à imposer ses intérêts particuliers aux frais de la collectivité. Et c’est à cause de cela que la peur de l’effondrement de notre système financier entier représente le plus grand obstacle pour lutter contre la crise des dettes souveraines et bancaires, et la réalisation politique d’un ordre monétaire d’après les règles de l’économie de marché. […]
C’est donc cette peur qui met en danger l’économie de marché et l’Etat de droit en Europe, beaucoup plus qu’un effondrement réel de notre système financier ne pourrait le faire; car celui qui a peur se laisse beaucoup plus facilement impressionner par le chantage. Depuis toujours, la peur et le chantage vont de pair. […]
Ce potentiel de chantage consiste dans la menace que les secteurs des banques et des finances et les opérations financières s’effondreraient entièrement, au cas où une banque importante pour le système devait annoncer sa faillite et déclencherait ainsi un effet domino. Ce potentiel de chantage est tellement puissant que l’Irlande, pour sauver ses banques, s’est retrouvée dans le piège du surendettement.»

Tiré de l’article de Frank Schäffler et Norbert Tofall: «Artificiellement attisée, la grande peur fait triompher des intérêts particuliers» (Vous trouverez le texte entier à la page 3 de ce journal)

 

Art. 139 Initiative populaire
tendant à la révision partielle
de la Constitution
1    100 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote peuvent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative, demander la révision partielle de la Constitution.
2    Les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d’une proposition conçue en termes généraux ou celle d’un projet rédigé.
3    Lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle.
4    […]
5    Toute initiative revêtant la forme d’un projet rédigé est soumise au vote du peuple et des cantons. L’Assemblée fédérale en recommande l’acceptation ou le rejet. Elle peut lui opposer un contre-projet.

 

Droit international impératif (jus cogens)
selon le Rapport du Conseil fédéral (Feuille fédérale 2010, p. 3414)
•    l’égalité souveraine des Etats, l’interdiction du recours à la force figurant dans la Charte des Nations Unies, les interdictions de la torture, du génocide et de l’esclavage, de même que l’interdiction d’expulser un réfugié dans un Etat où sa vie ou sa liberté seraient en danger en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques (principe du non-refoulement);
•    les principes fondamentaux du droit international humanitaire, qui confèrent une protection particulière à certains groupes de personnes en temps de guerre; selon l’art. 3 des quatre Conventions de Genève de 1949, sont prohibées «en tout temps et en tout lieu»: les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices; les prises d’otages; les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants; les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué et assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
•    les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)33 auxquelles on ne peut déroger même en état de nécessité, énumérées à l’art. 15 CEDH: l’interdiction des exécutions arbitraires (art. 2 CEDH), l’interdiction de la torture (art. 3 CEDH), l’interdiction de l’esclavage et de la servitude (art. 4, al. 1, CEDH), le principe «pas de peine sans loi» (art. 7 CEDH) et le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois pour une même infraction (principe ne bis in idem; art. 4 du protocole no 7)
•    en outre que, au niveau européen, l’interdiction de la peine de mort fait partie de ces normes.
•    Dans la pratique, les autorités fédérales ont constaté, de manière ponctuelle, que les garanties du Pacte II de l’ONU auxquelles on ne peut déroger même en état de nécessité devaient être considérées comme des «règles impératives du droit international»:
    le droit à la vie (art. 6 du Pacte II de l’ONU / la peine de mort est en outre prohibée / interdictions de la torture, de l’esclavage, du commerce d’esclaves et de la servitude (art. 7 et 8, al. 1 et 2, du Pacte II de l’ONU) / l’interdiction de la contrainte par corps (art. 11 du Pacte II de l’ONU): nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle / le principe «pas de peine sans loi» (art. 15 du Pacte II de l’ONU) / le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique (art. 16 du Pacte II de l’ONU) / la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 18 du Pacte II de l’ONU); seul l’aspect intérieur (forum internum), autrement dit la sphère la plus intime de l’autodétermination religieuse ou éthique, est protégé de manière absolue, même en état de nécessité (al. 2): nul ne doit subir de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.