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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°47, 24 novembre 2008  >  Obama a trompé ses électeurs en choisissant ses conseillers [Imprimer]

Obama a trompé ses électeurs en choisissant ses conseillers

par Paul Craig Roberts, ancien ministre adjoint des Finances des Etats-Unis*

Si le changement promis par Obama implique l’abandon par l’Amérique de ses guerres d’agression et la fin de l’exploitation des contri­buables au profit de puissants intérêts financiers, comment expliquer le choix par le nouveau président de ses conseillers en politique étrangère et économique? Le choix de Rahm Israel Emanuel comme Secrétaire général de la Maison Blanche indique que le changement a pris fin avec l’élection d’Obama. La seule chose différente, ce sont les visages.

Un faucon au poste de Secrétaire général

Rahm Israel Emanuel a soutenu l’invasion de l’Irak par le président Bush. Il s’est fait un nom au sein du Parti démocrate en levant des fonds pour la campagne présidentielle grâce à ses contacts avec l’AIPAC (American Israeli Affairs Committee). Il est issu d’une famille de terroristes. Son père était membre de l’Irgun, organisation terroriste juive qui usa de la force pour chasser les Britanniques et les Palestiniens de Palestine afin de créer un Etat juif. Durant la première guerre du Golfe, Emanuel s’engagea comme volontaire dans l’Armée israélienne. Il était membre du Conseil d’administration de Freddie Mac et a perçu un salaire de 231 655 dollars en 2001. Selon Wikipedia, «pendant qu’Emanuel siégeait au Conseil, Freddie Mac «était impliqué dans des scandales concernant des irrégularités comptables et ses dons en faveur de campagnes électorales».
Dans son article de Counterpunch intitulé «Hail to the Chief of Staff», Alexander Cock­burn décrit Emanuel comme «un faucon et un super-likudnik» qui, en sa qualité de président du Comité de la campagne du Parti démocrate pour les élections législatives de 2006, «s’est évertué à écarter les candidats démocrates opposés à la guerre».
Mes amis pacifistes israéliens, découragés, demandent: «Que fait cet homme dans le gouvernement d’Obama?»

L’obamania, une tentative de sauver l’image d’un empire en déclin

L’élection d’Obama était nécessaire. C’était le seul moyen que les Américains avaient de demander aux Républicains des comptes sur leurs crimes contre la Constitution et les droits de l’homme, pour leurs violations des lois américaines et internationales, pour leurs mensonges et leurs arnaques financières. Comme l’a écrit la Pravda: «Seul le Diable aurait été pire que le régime Bush. Par consé­quent, on pourrait soutenir que le nouveau gouvernement des Etats-Unis ne pourrait pas être pire que celui qui a séparé les cœurs et les esprits des Américains de ceux de leurs frères de la communauté internationale, qui a consterné le reste du monde avec des tactiques de terreur telles que les camps de concentration, la torture, les assassinats de masse et le mépris total du droit international.»

Les conseillers d’Obama, des criminels de guerre «démocrates»

Les conseillers d’Obama appartiennent à la même bande de gangsters de Washington et de banksters de Wall Street que ceux de Bush. Richard Holbroooke, fils de juifs russes et allemands a été adjoint au Secrétaire d’Etat et ambassadeur dans le gouvernement Clinton. Il a appliqué la politique visant à élargir l’OTAN et à installer l’Alliance aux frontières de la Russie contrairement à la promesse faite par Reagan à Gorbatchev. Holbrooke est également impliqué dans le bombardement illégal de la Serbie sous Clinton, crime de guerre qui a tué des civils et des diplomates chinois. Bien qu’il ne soit pas un néo­conservateur, il est très proche d’eux.
Selon Wikipedia, Madeleine Albright est née Marie Jana Korbelova à Prague de parents juifs convertis au catholicisme afin d’échapper aux persécutions. C’est la Secrétaire d’Etat de l’ère Clinton qui a déclaré à Leslie Stahl lors d’une interview du magazine de CBS Sixty minutes que la politique américaine de sanctions à l’encontre de l’Irak, qui a causé la mort de centaines de milliers d’enfants irakiens, visait des objectifs suffisamment importants pour justifier la mort d’enfants (Ses paroles infâmes étaient: «Je pense que c’est un choix difficile mais c’en est le prix.»). Selon Wikipedia, cette femme immorale faisait partie du conseil d’administration de la Bourse de New York à l’époque du scandale des rémunérations de son patron Dick Grasso (187,5 millions de dollars).
Dennis Ross a été longtemps associé aux «négociations de paix» entre Israël et Palestiniens. Un membre de cette équipe de l’ère Clinton, Aaron David Miller, a écrit qu’en 1990–2000, l’équipe américaine de négociateurs dirigée par Ross se sont faits les avocats d’Israël. «Nous devions présenter toutes nos propositions en premier à Israël.» Cela a vidé de sa substance notre politique d’indépendance et de souplesse nécessaire à des négociations de paix sérieuses. Comment la médiation pouvait-elle fonctionner quand nous ne pouvions pas mettre de propositions sur la table sans les soumettre préalablement aux Israéliens et que nous devions céder quand ils s’y opposaient? Selon Wikipedia, Ross est le «président d’un think tank basé à Jérusalem, le Jewish People Policy Planning Institute, créé et financé par l’Agence juive».
Il est évident qu’il ne s’agit pas là de personnes qui empêcheront des guerres américaines contre les ennemis d’Israël et forceront le gouvernement israélien à accepter les conditions nécessaires à une véritable paix au Moyen-Orient.

Obama «a battu tous les records de servilité et de basse flatterie»

Ralph Nader avait annoncé cela. Dans sa «Lettre ouverte à Barack Obama» du 3 novembre, il écrit au futur président que la transformation qui a fait du «défenseur affirmé des droits des Palestiniens […] un acolyte du pur et dur lobby AIPAC» va le brouiller avec «une majorité de juifs américains et 64% des Israéliens». Nader cite l’écrivain pacifiste Uri Avnery pour qui l’attitude d’Obama à l’égard de l’AIPAC «a battu tous les records de servilité et de basse flatterie». Nader critique Obama pour «avoir manqué totalement de courage politique en cédant aux demandes des partisans d’une ligne dure visant à interdire à l’ex-président Jimmy Carter de parler à la Convention nationale démocrate». Carter, qui fut le seul à parvenir à un accord de paix sérieux entre Israël et les Arabes, a été diabolisé par le puissant lobby AIPAC parce qu’il avait critiqué la politique d’apartheid et d’occupation d’Israël envers les Palestiniens.

Quand le remède est pire que le mal

L’équipe d’économistes d’Obama est tout aussi mauvaise. Sa vedette est Robert Rubin, bankster qui fut le ministre des Finances du gouvernement Clinton. Il porte la responsabilité de l’abrogation de la Loi Glass-Steagall1 et, par conséquent, de la crise financière actuelle. Dans sa lettre à Obama, Ralph Nader indique qu’Obama a reçu des milieux industriels et de Wall Street un soutien financier à sa campagne sans précédent. «Jamais auparavant un candidat démocrate à la présidence n’avait bénéficié d’un soutien financier plus important que son adversaire républicain.»

Qui décide de la composition du gouvernement?

Le discours d’Obama après sa victoire a été magnifique. Les caméras de télévision permettaient de lire sur les visages de ses auditeurs les espoirs qui l’avaient propulsé à la présidence. Mais Obama ne peut pas apporter de changement à Washington. Il n’y a personne dans la clique de Washington qu’il pourrait nommer pour apporter un changement. Et s’il choisissait en dehors de cette clique quelqu’un qui soit susceptible d’apporter un changement, cette personnne ne serait pas acceptée par le Sénat. De puissants groupes de pression – l’AIPAC, le complexe militaro-sécuritaire et Wall Street – utilisent leur influence politique pour s’opposer à toute nomination qu’ils jugent inacceptable.

Le projet de guerre contre l’Iran n’est pas abandonné

Dans sa rubrique, Alexander Cockburn qualifie Obama de «républicain de premier ordre» et écrit: «Jamais le poids du passé n’a autant serré dans son étau un candidat ‹réformateur›». Obama a confirmé ce verdict lors de sa première conférence de presse après son élection. Ne tenant compte ni de l’US National Intelligence Estimate,2 qui parvient à la conclusion que l’Iran a cessé de travailler à la mise au point d’armes nucléaires il y a 5 ans, ni de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour laquelle aucun matériel nucléaire destiné au réacteur civil iranien n’a été détourné à des fins militaires, Obama a embouché les trompettes de la propagande du lobby israélien en accusant l’Iran de «développer l’arme nucléaire» et il a juré de «l’empêcher».3

Endettement et récession

Le changement qui va se produire aux Etats-Unis n’a rien à voir avec Obama. Il viendra de la crise financière provoquée par l’avidité et l’irresponsabilité de Wall Street, de l’érosion du rôle du dollar en tant que monnaie de réserve, des innombrables saisies immobi­lières, de la délocalisation de millions parmi les meilleurs emplois d’Amérique, d’une aggravation de la récession, des piliers de l’industrie – Ford et General Motors – qui tendent la main pour que le gouvernement leur donne de l’argent des contribuables afin de survivre et des déficits budgétaire et commercial qui sont trop importants pour être apurés avec les instruments classiques.
Traditionnellement, le gouvernement compte sur la politique monétaire et fiscale pour sauver l’économie de la récession. Mais la solution de l’argent facile ne marche pas. Les taux d’intérêt sont déjà bas et la croissance monétaire élevée. Pourtant, le chômage augmente. Le déficit budgétaire est déjà énorme – record mondial – et ce n’est pas cela qui stimule l’économie. Des taux d’intérêt encore plus faibles et des déficits budgétaires encore plus élevés peuvent-ils redresser une économie qui s’est délocalisée, laissant derrière elle des consommateurs sans emploi couverts de dettes?

Le monde en a assez des dettes des Etats-Unis …

Les créanciers étrangers de l’Amérique se demandent ce que le gouvernement pourrait emprunter de plus? Un organe officiel du parti gouvernemental chinois a récemment appelé les pays d’Asie et d’Europe à «bannir le dollar de leur relations commerciales directes et de ne faire confiance qu’à leurs propres monnaies». «Pourquoi, s’interroge-t-on dans un autre article chinois, la Chine devrait-elle aider les Etats-Unis à s’endetter indéfiniment dans l’idée que le crédit national américain peut augmenter sans limite?»

… de leur arrogance, de leur mépris du droit, de leur hypocrisie

Le monde en a assez de l’hégémonie et de l’arrogance américaines. La réputation des Etats-Unis est ruinée: débâcle financière, déficits sans fin, Abu Ghraib, Guantanamo, prisons secrètes, torture, guerres illégales fondées sur des mensonges, violations de la souveraineté d’autres pays, du droit international et des Conventions de Genève, atteintes portées à l’habeas corpus et à la séparation des pouvoirs, Etat policier, ingérences constantes dans les affaires intérieures d’autres pays, hypocrisie sans bornes.
Le changement qui s’amorce sonne le glas de l’empire américain. L’Amérique n’a plus ni argent ni influence. Obama, «premier président noir des Etats-Unis», fera naître des espoirs et permettra à la comédie de continuer un certain temps, mais le «Nouveau siècle américain» a vécu.    •
(Traduction Horizons et débats)

1     La loi Glass-Steagall de 1933 établissait une
incompatibilité rigoureuse entre les métiers de
banque de dépôts et de banque d’affaires. Elle
interdisait à toute banque de dépôts de posséder une banque d’affaires ou d’acheter, de vendre ou de souscrire des titres financiers, domaine réservé aux banques d’affaires. A l’inverse, il était interdit aux banques d’affaires d’accepter les dépôts de simples clients, ce qui relève exclusivement des banques de dépôts. (ndt., d’après Richard Freeman)
2     Rapport de la Communauté du Renseignement (ndt.)
3     http://news.antiwar.com/2008/11/07/obama-hits-out-at-iran-closemouthed-on-tactics/

*    Paul Craig Roberts, ancien ministre adjoint des Finances du gouvernement Reagan, est économiste et journaliste (Wall Street Journal, National Review). Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le dernier paru est intitulé The Tyranny of Good Intentions: How Prosecutors and Bureauocrats Are Trampling the Constitution in the Name of Justice (2000). Il publie régulièrement des articles sur les sites
www.antiwar.com et www.counterpunch.org.