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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  «Nous n’avons pas éliminé les causes de la crise et nous ne pouvons pas dire que nous ayons perçu et conjuré le danger» [Imprimer]

«Nous n’avons pas éliminé les causes de la crise et nous ne pouvons pas dire que nous ayons perçu et conjuré le danger»

Bien que la mise sur pied anticipée du «plan de sauvetage» de l’euro qu’est le MES ne soit pas encore achevée, on parle déjà de son renforcement  en raison du besoin de financement de la Grèce. La chancelière fédérale Angela Merkel (CDU) hésite encore à donner son aval. Pourtant ce n’est qu’une question de temps. Elle finira par céder et par qualifier ce renforcement d’«unique solution» et les contribuables allemands seront de nouveau les principaux payeurs.

Dans ce contexte d’instauration du MES et de rôle de payeur de l’Allemagne, il vaut la peine de s’intéresser aux anciennes déclarations du Président allemand Christian Wulff. Par exemple, à la fin mars 2011, lors du Congrès annuel des banques, il infligea un camouflet retentissant aux représentants de cette corporation lorsqu’il déclara que «quiconque prétend appartenir à l’élite d’un pays doit être un modèle et prendre ses responsabilités, un point c’est tout.»

Evidemment, en regard des reproches qu’on lui a adressés plus tard, ces paroles nous paraissent un peu tonitruantes (et aux yeux de certains observateurs, peu crédibles). Pourtant au printemps 2011, elles se détachaient de la pensée politique unique dans la mesure où, à l’époque déjà prédominait l’idée que gaspiller des milliards d’argent des contribuables pour «sauver l’euro» était «la seule solution».

Et dans son discours d’ouverture du 4e Congrès des lauréats du Prix Nobel, à Lindau, Wulff a parlé très franchement: «Nous n’avons pas éliminé les causes de la crise et nous ne pouvons pas dire que nous ayons perçu et conjuré le danger. […] Tout d’abord, certaines banques ont sauvé d’autres banques, ensuite des Etats ont sauvé leurs banques avant tout, et maintenant la communauté internationale sauve des Etats. On est donc en droit de demander qui, à la fin, va sauver les sauveteurs. Quand et sur qui les déficits accumulés vont-ils être répartis?» Une année environ après son entrée en fonctions, dans une interview accordée à l’hebdomadaire «Die Zeit», Wulff déplorait le fait que les parlements soient de plus en plus mis sur la touche à la fois en matière d’euro et de «tournant énergétique», question qui faisait à l’époque l’objet de vifs débats. Il regrettait qu’aujourd’hui, on prépare «dans des cercles de décideurs beaucoup trop restreints » les décisions auxquelles les parlements «n’ont plus ensuite qu’à donner leur bénédiction».

Quand on passe maintenant en revue ces déclarations ainsi que d’autres, on se demande immédiatement si Wulff était vraiment, sur les thèmes importants, le président «hésitant» et «muet» que l’on aimait à dire. Peut-être que les journalistes de gauche des radios et des télévisions (surtout de celles qui sont financées par la redevance obligatoire) ainsi que de la presse écrite prenaient leurs désirs pour des réalités. Comme le prouvent les déclarations que nous venons de citer, Wulff manifestait du courage, peutêtre davantage que certains ne le souhaitaient.

Cependant ce n’est manifestement qu’un aspect de sa personnalité. Plus tard, il trébucha sur les reproches auxquels il aurait dû éviter de s’exposer dans la plupart des cas. Cela dit, il s’agit surtout d’accusations auxquelles s’exposent la plupart des autres politiques. Reste à savoir pourquoi ces comportements déplacés ne sont pas «acceptés» ici par l’opinion alors qu’ils l’ont été auparavant dans la plupart des cas, par exemple celui de Gerhard Schröder qui est passé directement de la Chancellerie à la présidence du conseil de surveillance de Gazprom, ou celui du passé plus que louche de Joschka Fischer.

On pourrait expliquer cela en évoquant la dignité de la fonction de président fédéral, mais ce serait certainement trop réducteur. Dans ce cas, on devrait demander pourquoi Johannes Rau, en tant que président fédéral (à vrai dire considéré par la plupart des journalistes comme appartenant à un SPD considéré comme fondamentalement «bon») a échappé à maints reproches (affaire des vols gratuits) qui auraient valu depuis longtemps à Wulff d’être démis de ses fonctions.

Non, ce sont les déclarations de Wulff qu’«on» ne voulait pas entendre. Il n’a finalement pas été aidé par le fait qu’à une autre occasion, il ait déclaré que l’Islam «faisait aussi partie de l’Allemagne», ce que les milieux concernés ont certainement apprécié. •

Source: Vertrauliche Mitteilungen no 3964 du 31/1/12

(Traduction Horizons et débats)