Politique industrielle et démocratie directe en SuisseL’industrie horlogère et l’exemple de Nicolas Hayekpar Werner Wüthrich, docteur ès sciences politiquesIl y a environ cinquante ans, la troisième révolution industrielle débuta avec l’utilisation d’ordinateurs, l’invention de nouveaux moyens de communication globaux et, de façon générale avec la numérisation de l’économie et de grands domaines de la vie. Le principe binaire 0 et 1 devint la clé pour un nouveau monde – dont personne n’aurait soupçonné au début une telle expansion. Cela commença en Suisse, comme dans beaucoup d’autres pays, avec la préoccupation de l’avenir de l’industrie et de son essor dans le monde entier. Divers domaines industriels se transformèrent de fond en comble. La part du travail industriel diminua partout, et on créa davantage d’entreprises du secteur tertiaire. De nombreuses usines durent mettre la clé sous le paillasson (ou délocaliser à l’étranger). En très peu de temps des milliers de places de travail disparurent. De grandes entreprises traditionnelles telles Alusuisse, Brown Boveri BBC, Saurer et von Roll rencontrèrent de grandes difficultés. La plus concernée était pourtant l’industrie horlogère. Les raisons particulières de cette situation étaient les suivantes: L’Etat comme sauveur?L’Etat devait-il intervenir dans ce moment difficile de crise – à l’instar de ce qu’il fit pendant la grande crise dans les années 1930? En 1978, le Conseil fédéral proposa d’abord un programme d’impulsion: la Confédération devait promouvoir financièrement la recherche appliquée, la formation technique et le développement dans les entreprises. Le Parlement élabora un programme de «mesures pour la diminution des difficultés économiques». Parallèlement, on prévoyait de promouvoir l’implantation de nouvelles industries dans les régions économiquement menacées du pays – surtout dans la région en crise du Jura, le centre de l’industrie horlogère. Nicolas HayekLe conseiller d’entreprises Nicolas Hayek montra l’exemple de ce qu’on peut atteindre de par ses propres forces avec suffisamment d’initiative entrepreneuriale. Il s’est lié à des ingénieurs de l’EPFZ et de la branche horlogère. Des banques suisses aidèrent au financement. Le 1er octobre 1983, il présenta à la presse la première Swatch (Swiss Watch) et cela en douze modèles voyants – une montre de qualité suisse avec technologie quartz à 50 francs. Ce ne fut que le début. Par une stratégie de marketing habile, il commença avec ses collaborateurs à conquérir le monde. La nouvelle montre devait devenir un accessoire de mode et chaque femme et chaque homme pouvait avoir plusieurs montres allant soit avec le jean soit avec la robe du soir. En outre, la Swatch devait devenir un objet d’art et un objet à collectionner. On réussit à attirer des artistes renommés. 5 ans plus tard on en avait déjà vendu 1 million d’exemplaires. L’histoire de cette réussite ne fit que commencer. En 2008 (depuis les chiffres ne sont plus publiés), lors du 25e anniversaire de Swatch, 381 millions d’exemplaires avaient été vendues. Nicolas Hayek a maintenu la tradition de produire exclusivement en Suisse. Les autres marques horlogères se laissèrent contaminer par l’atmosphère de renouveau. Notamment dans le segment du luxe, elles firent de grandes envolées. La montre mécanique fut «réinventée», et elle se présenta dans le «beau nouveau monde du quartz» comme un produit spécial et particulièrement précieux. Ainsi la montre mécanique fut bientôt à nouveau vendue dans le monde entier en grandes quantités comme aux meilleurs temps. – Aujourd’hui, l’industrie horlogère, autrefois à la dérive, a magnifiquement surmonté la crise et plus personne ne parle de politique industrielle étatique. ConclusionLa votation sur la garantie du risque d’innovation et l’exemple de Nicolas Hayek démontrent que le peuple suisse a beaucoup de confiance dans le travail des entreprises. Il soutient pour elles des conditions générales favorables – telles, par exemple, de bonnes écoles, de bonnes formations professionnelles, des taux fiscaux modérés et ainsi de suite. Le peuple refuse cependant que la Confédération enlève aux entreprises leurs risques et leur responsabilité dans leurs activités et s’occupe elle-même activement de la politique industrielle. Dans d’autres pays, telle la France – c’était les années de François Mitterrand –, cela s’est déroulé de manière contraire. |