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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°3, 21 janvier 2008  >  «La Somalie a besoin d’aide – et non de spectateurs» [Imprimer]

«La Somalie a besoin d’aide – et non de spectateurs»

Interview avec Leyla Kanyare*

hd. Depuis le début des années 90, c’est-à-dire depuis la chute du dictateur Barre, soutenu par le gouvernement américain, la Somalie, pays d’Afrique de l’Est est la cible de guerres conduites ou initiées par les USA. Au début des années 90, les Etats-Unis, sous couvert d’un mandat des Nations unies, ont dévasté considérablement le pays et ont dû se retirer honteusement. Depuis 2002, le pays est devenu de nouveau un théâtre d’opérations de guerre au profit d’intérêts américains, cette fois sous prétexte de «guerre contre le terrorisme». L’Ethiopie, le pays voisin, a envahi pour le compte des USA une grande partie du pays et avant tout la ville centrale de Mogadiscio. Ici aussi, tous les indices le montrent, il en va des réserves d’énergie et d’intérêts géostratégiques; car la Somalie a une énorme richesse en pétrole et en gaz et se situe à l’importante corne de l’Afrique. Les habitants du pays doivent une fois de plus payer le tribut de la guerre. Et encore une fois, presque tout l’Occident se tait et garde le silence devant la souffrance incommensurable dans ce pays. Apparemment, des armes à l’uranium ont été aussi utilisées contre les êtres humains en Somalie. Avec des conséquences effroyables comme l’interview ci-dessous le montre.

Horizons et débats: Madame Kanyare, vous venez de Somalie, un pays de l’Afrique de l’Est, qui est dominé par la guerre depuis 16 ans. Nous n’apprenons pas grand-chose ici sur la situation dans votre pays natal, pouvez-vous nous informer là-dessus, s’il vous plaît. Comment était la situation avant la guerre et comment est-elle aujourd’hui?
Leyla Kanyare: Je viens de Somalie à la corne de l’Afrique. Environ neuf millions de personnes habitent en Somalie. Quand je suis partie, la guerre régnait déjà, mais c’était quand même mieux qu’aujourd’hui. Avant, c’était seulement les Somaliens qui combattaient l’ancien président.
Avant la guerre, la plupart des gens qui avaient une formation travaillaient pour le gouvernement ou dans les écoles comme enseignants, comme infirmières dans les hôpitaux comme médecins etc. Les gens qui n’avaient pas de formation étaient paysans. Nous avions beaucoup de paysans et beaucoup d’animaux. Même les personnes qui habitaient en ville avaient assez d’agriculture. Nous avions du bon bétail et de la bonne terre. Nous exportions des bananes, elles s’appelaient «Somalita», un nom italien. La Somalie travaillait à cette époque avec l’Italie et livrait dans les pays arabes du bétail, de la viande et du poisson.
Je dois le dire encore: bien que la ­Somalie ait été un pays pauvre, la situation était à ce moment-là bien meilleure qu’actuellement. Avant 1991, nous étions pauvres, malgré tout, nous avions toujours assez à manger. Les ­riches pouvaient aider les pauvres, ils leur donnaient à manger. Mais aujourd’hui, depuis la guerre, nous sommes tous pauvres. Soit les habitants ont fuit et quitté le pays, soit ils ­doivent vivre avec la guerre et les armes.

Quelles conséquences la guerre a-t-elle sur la santé des gens?
Avant 1991, nous ne connaissions pas de cancer, aucune sorte de cancer. Des maladies existaient par exemple à cause de l’eau insalubre et de la malaria. Elles existaient auparavant, mais pas si souvent. Mais le cancer était inconnu pour nous. Depuis la guerre, 40% des habitants sont aujourd’hui atteints du cancer. Ils en meurent.

Comment vous expliquez-vous ce taux élevé de cancer inhabituel et pourquoi les animaux meurent-ils avec les êtres humains?
J’ai un exemple: il y a trois mois, l’Ethiopie a bombardé avec l’aide des Etats-Unis un village en Somalie, en affirmant que des hommes venant du Soudan se cachaient là-bas. Ensuite, on a appris que dans le village vivaient avant tout des animaux – des vaches, des moutons et des dromadaires. Cela s’est déroulé à la frontière entre la Somalie et l’Ethiopie. Il existe également des photos là-dessus. Je les ai vues sur Internet. On peut dire que ces animaux ont été tués volontairement. Un pays pauvre qui connaît la guerre depuis presque 16 ans, dans lequel les habitants sont malades et meurent et dans lequel seulement quelques organisations humanitaires peuvent apporter leur aide, est victime d’un bombardement aérien perpétré par un grand pays, l’Ethiopie avec l’aide des Etats-Unis, c’est délibéré. Cela vient de l’Amérique, je pense. Et ce qui est grave, c’est que l’Amérique excite deux pays voisins l’un contre l’autre, la Somalie et l’Ethiopie. De même, les Etats-Unis excitent en Somalie dif­férentes ethnies l’une contre l’autre. Les USA sont du côté d’une ethnie somalienne qui détient le pouvoir.
Je ne suis pas une politicienne mais quand je réfléchis, il est insensé de tuer des gens sans intérêts, cela je ne le crois pas. Il y a un intérêt. Je pense que la Somalie n’est pas un pays normal et n’a pas un propre gouvernement, parce que les USA veulent avoir en mains toute la corne de l’Afrique et même les pays voisins. Les politiciens que je connais disent que les USA veulent le pétrole. Je peux dire en tout cas que ce que l’Amérique fait n’est pas loyal. Les enfants en Somalie meurent à cause des armes américaines. Les Somaliens n’ont même pas d’armes, en tout cas pas de chars, peut-être quelques grenades à main. C’est pourquoi, je ne comprends pas que les USA utilisent des avions les plus modernes – même des armes à l’uranium – quand ils recherchent quelques hommes en Somalie. La munition à l’uranium est la cause des nouvelles maladies d’aujourd’hui, surtout chez les femmes et les enfants. Là, on trouve des tumeurs dans la bouche, dans les yeux, en fait partout.

A-t-on trouvé en Somalie des projectiles radioactifs?
Les gens qui vivent en Somalie disent qu’il en existe. On peut trouver des déchets près des villages et des eaux.

Vous avez dit une fois qu’à la corne de ­l’Afrique, on peut voir de nombreux navires militaires américains en mer.
Oui. Les Américains ont dit eux-mêmes qu’ils ont bombardé la Somalie avec des grands ­avions et des armes. L’Amérique surveille toute la Somalie. Je crois que l’Amérique n’a plus besoin d’êtres humains en Somalie sinon elle n’aurait pas fait autant de choses avec ces armes puissantes. Quand le pays est bombardé, alors les femmes et les enfants meurent. Si les USA voulaient aider ou parvenir à une situation normale en Somalie, ils agiraient autrement.
Des organisations humanitaires ont dit que ce qui se déroulait en Somalie était in­croyable, mais qu’elles ne pouvaient pas aider.

Pourquoi ne peuvent-elles pas aider?
Une organisation humanitaire à Genève dit qu’il lui a été interdit de distribuer de la nourriture à cause de la guerre.

Quelle aide pourraient apporter l’Europe et la Suisse, que souhaiteriez-vous?
Je souhaiterais qu’on examine les choses plus exactement et qu’on jette également un regard sur ce pays pauvre, qu’on fasse des recherches d’où viennent ces nouvelles maladies et quelle est leur cause, et ce que l’Amérique veut vraiment dans ce pauvre pays. Là, l’Europe peut apporter son aide. La Somalie a besoin de gens qui aident et non de spectateurs.

Merci beaucoup pour cet entretien.     •

*Leyla Kanyare est infirmière de formation, elle travaille en tant que traductrice dans le canton de Saint-Gall et est présidente de l’association d’intégration somalienne de Suisse orientale.
(Traduction Horizons et débats)

«La situation à Mogadiscio et dans d’autres régions du pays a atteint des dimensions apocalyptiques»

«La situation à Mogadiscio et dans d’autres régions du pays vient d’atteindre des dimensions apocalyptiques. […]
D’innombrables morts, des milliers d’immeubles détruits et plus de ­400 000 per­sonnes en fuite. Les Nations unies constatent qu’il s’agit actuellement de la plus grande catastrophe de réfugiés dans le monde entier. Ces derniers temps, ni au Darfour ni en Irak il n’y a eu autant de réfugiés qu’en Somalie.
[…] eux, les Etats-Unis, ont soutenu les Ethiopiens dans leur attaque, ils ont mis à leur disposition des photos par satellite et des armes, ils ont occupé une position-clé dans la planification et la réalisation de l’invasion et ils ont bombardé aussi eux-mêmes des territoires dans le sud de la Somalie. Récemment, les Etats-Unis ont attaqué d’un bâtiment de guerre un village près de la ville puntlandaise de Bargal. Et tout cela se passe au nom de la lutte contre le terrorisme international.
En réalité, il y a des intérêts stratégiques qui se cachent là-derrière ces propos, des intérêts stratégiques à la corne d’Afrique pour assurer les matières premières convoitées et les routes de transport importantes. C’est surtout le commandement régional Africom projeté par les Etats-Unis qui discrédite les Etats-Unis et leurs alliés, il les disqualifie et leur rend impossible d’être des médiateurs neutres, ainsi ils sont inaptes à reconstruire une quelconque stabilité ou paix en Somalie.
[…] tant que les Etats-Unis peuvent réaliser leurs intérêts en matières premières en Somalie sans en être empêchés, il n’y aura pas de paix en Somalie.»
Extrait d’un discours de Norman Paech prononcé au Bundestag allemand à l’occasion d’un débat concernant la Somalie le 24 juin 2007

«Considerando el tiempo desde febrero hasta hoy» dijo Stephanie Bunker, vocera de la Obra benéfica de la ONU «de Somalia fueron desterrados más seres humanos que de cualquier otro lugar en el mundo». El número de fugitivos de Somalia es mayor que de Iraq, Darfur y Sri Lanka.

Cita: Alfred Hackensberger, «Somalia im Schatten der Auf­merksamkeit» («Somalia a la sombra de la percepción»), En Telepolis, 29/4/07

Des maladies inconnues en Somalie se répandent de plus en plus

«La plus grande partie des nouveau-nés pendant la guerre en Somalie sont atteints de maladies jusqu’à présent encore inconnues. Les quelques médecins en Somalie sont perplexes.
On suppose que la radioactivité est la cause de ces maladies jamais vues jusqu’à maintenant. Surtout les mères sont convaincues qu’elle en est la cause.
La mère Faduma raconte au journal Shabelle que sa fille, lors de sa naissance, avait de fortes enflures sur tout le corps avant que la peau éclate à certains endroits et qu’un liquide sorte.
Comme elle reçoit certes beaucoup d’empathie à l’intérieur du pays mais pas d’aide, Faduma cherche du secours à l’étranger et supplie le monde entier pour un soutien quel qu’il soit.»

Source: Shabelle-Zeitung du 8/1/2007, www.Shabelle.net