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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°29, 21 juillet 2008  >  Aspects de la Suisse humanitaire [Imprimer]

Aspects de la Suisse humanitaire

A propos du livre d’Arthur Bill «Helfer unterwegs»

Le contenu du livre «Helfer unterwegs» (Secouristes en route) a été également abordé lors de l’entretien avec Arthur Bill paru dans le numéro 27 du 7 juillet d’Horizons et débats. Dans cet ouvrage, l’auteur évoque ses souvenirs. Après avoir dirigé pendant 25 ans le Village d’enfants Pestalozzi de Trogen, il a reçu du Conseil fédéral le mandat de mettre sur pied un corps de volontaires en cas de catastrophe. C’est grâce à lui que la Suisse possède aujourd’hui encore le Corps suisse d’aide humanitaire et la Chaîne de sauvetage.

mb. Le Corps suisse d’aide humanitaire (CSA) constitue aujourd’hui l’élément opérationnel de l’aide humanitaire de la Confédération à l’étranger. La plupart de ses membres participent à des opérations directes. En outre, ils travaillent de plus en plus pour des organisations humanitaires partenaires dans les programmes desquelles ils occupent en général des positions clés pour la poursuite et l’application de projets. En font partie le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ces dernières années, plus de 300 membres du CSA ont été présents dans 50 pays. Il s’agit surtout de chefs de projet qui travaillent sur place en collaboration avec du personnel indigène. Certains de ces projets emploient plusieurs centaines de collaborateurs locaux.
La Chaîne de sauvetage de la Suisse intervient immédiatement surtout lors de séismes à l’étranger pour sauver les personnes ensevelies. Elle est constituée d’organisations partenaires privées et publiques, civiles et militaires qui, pour leurs missions, sont placées sous la conduite de l’aide humanitaire de la Confédération. Elle est spécialisée dans le repérage et le sauvetage des personnes ensevelies ainsi que dans les premiers soins après des tremblements de terre survenus à l’étranger. Elle comprend en tout 100 personnes (généralistes et spécialistes: conducteurs de chiens de sauvetage, secouristes et médecins urgentistes), 18 chiens de catastrophe et 16 tonnes de matériel. Selon les cas, il est possible de n’envoyer que des modules individuels. La Chaîne de sauvetage peut décoller 8 à 12 heures après avoir reçu son ordre de mission et elle peut opérer de manière autonome jusqu’à 7 jours. Arthur Bill a eu besoin de 2 ans de préparatifs, de 1972 à 1974, pour que le CSA soit opérationnel. En mai 1973, il lança un appel auquel répondirent 1000 bénévoles. Finalement, il put envoyer une documentation et un formulaire d’inscription à 4000 personnes. Cet écho très positif montre à l’évidence que dans de larges couches de la population, on est prêt à s’engager sur le terrain de l’aide en cas de catastrophe à l’étranger.

Les premiers bénévoles et leurs motivations

•    «Une institutrice et étudiante de 24 ans: J’éprouve le besoin de mieux comprendre non seulement mes proches mais les hommes en général. Je souhaite apporter ma modeste contribution là où elle est nécessaire.
•    Une secrétaire de 36 ans: Le motif principal me poussant à faire cette démarche vient de mon désir de faire quelque chose pour qu’il y ait moins de misère dans le monde. Je pense que la création du Corps suisse présente la solution idéale pour tous ceux qui se sentent concernés mais qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas accepter un engagement à long terme.
•    Une assistante médicale de 22 ans: Je cherche à m’engager personnellement en faveur de ceux qui ont besoin d’aide à l’étranger.
•    Un éditeur et commerçant de 50 ans: J’ai beaucoup reçu dans la vie et je voudrais en rendre une partie.
•    Un chef de chantier de 54 ans: On ne doit pas stimuler les jeunes uniquement par de belles paroles mais donner par ses actes la preuve de sa bonne volonté.
•    Un travailleur social et conseiller d’orientation de 34 ans: Les raisons qui m’ont poussé à me porter volontaire sont sans doute à chercher dans ce que j’ai vécu pendant la dernière guerre et dans l’après-guerre. On m’a beaucoup aidé, la Croix-Rouge et mes parents adoptifs d’alors, si bien que j’ai choisi la profession de travailleur social.
•    Un architecte de 36 ans: Je tiens à apporter ma contribution là où les besoins vitaux élémentaires non satisfaits et la détresse nécessitent l’aide d’un pays riche comme la Suisse.
•    Un mécanicien de précision de 21 ans: Je voudrais apporter quelque chose de positif à la société et contribuer un peu à la paix.
•    Un chef d’entreprise de 40 ans: Ma motivation consiste dans la satisfaction éprouvée à venir en aide de manière active et ciblée à mon prochain. Cette assistance concrète est plus importante pour moi que l’activité anonyme du donateur.
•    Un futur ingénieur en gestion d’entreprise: Le Corps d’aide humanitaire me semble être une contribution précieuse de la Suisse au monde qui l’entoure, contribution d’autant plus importante que les liens mutuels et la dépendance entre Etats sont forts.»
«La plupart des bénévoles ont non seulement apporté au CSA un capital qu’on ne saurait assez estimer, c’est-à-dire la volonté et la force de se mettre au service d’une cause à l’utilité de laquelle ils croyaient profondément même si cet engagement impliquait des privations et un stress psychique et physique.»
Ces évocations impressionnantes montrent combien nombreuses sont les personnes sensibles aux souffrances d’autrui et la satisfaction qu’elles éprouvent à contribuer à améliorer leur situation.
C’est en 1974 que commencèrent les engagements du CSA nouvellement créé. Ils furent toujours soigneusement évalués par Arthur Bill. Bouleversé par ce qu’il avait vécu dans différents pays frappés par des séismes, Arthur Bill développa dans un rapport, en 1981, l’idée d’une chaîne de sauvetage. Pour apporter des secours après un séisme, il faut travailler en collaboration étroite dans plusieurs domaines:
•    le repérage des victimes,
•    leur sauvetage,
•    leur transport,
•    leur approvisionnement.
Cette chaîne faite des quatre maillons ci-dessus est aussi forte que son maillon le plus faible. Arthur Bill attribue une grande importance à la collaboration, avant tout avec les secouristes du pays concerné.
A notre époque de course aux armements, y compris aux armements nucléaires, on dissimule la guerre sous des expressions comme «troupes d’intervention humanitaire», «soldats de la paix», «opérations de maintien de la paix», etc. On ne nous informe pas sur la misère que ces guerres provoquent dans les populations civiles. Le droit à la paix et le droit à l’alimentation sont, pour cette partie de l’humanité qui souffre, des mots vides de sens. On construit des murs, des palissades, des fortifications pour maintenir la paix, pour la sécurité. La sécurité de qui?
L’humanité manifestée par Arthur Bill doit être pour nous un exemple de travail authentique et sincère en faveur de la paix. Voici encore un extrait de son livre «Helfer unterwegs»:

Quand l’efficacité des Suisses gêne les autochtones

«Après le violent séisme qui a frappé la Roumanie dans la nuit du 4 au 5 mars 1977 et qui a fait, rien qu’à Bucarest, plus de 1500 morts, il fut convenu, après une reconnaissance effectuée du 7 au 11 mars, que le CSA contribuerait de manière importante à la reconstruction de la ville totalement détruite de Zimnicea, à 80 kilomètres au sud de la capitale. Grâce à un crédit de 2,5 à 3 millions de francs suisses, il s’agissait de reconstruire le plus rapidement possible, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année, une assez grande école professionnelle.
C’était la première fois que le CSA opérait derrière le ‹Rideau de fer›, qui existait encore à l’époque. Aux termes du contrat conclu avec le gouvernement roumain, la Roumanie devait, pour soutenir ce projet, mettre à disposition 40 à 60 ouvriers dont une partie seulement étaient qualifiés. Le CSA était chargé de la direction générale et mettait à disposition 11 bénévoles ainsi que 14 monteurs venant d’une entreprise suisse de constructions métalliques.
Nos gens, sur la brèche depuis le mois d’août, étaient sous pression: il s’agissait de faire vite et de réussir. Au début, tout marchait selon nos espérances: au milieu des quartiers résidentiels de la ville, complètement détruits, où la reconstruction avançait lentement, les bâtiments de 2 ou 3 étages du centre scolaire commençaient à s’élever.
Mais ensuite, on a fait savoir au siège, à Berne, que les difficultés se multipliaient: les équipes de secours roumaines changeaient trop fréquemment et il fallait constamment mettre les ouvriers au courant, leur énergie au travail laissait à désirer et à tout moment des outils des Suisses disparaissaient sans laisser de traces. Il devenait urgent de réexaminer la situation.
J’ai donc pris l’avion pour la Roumanie.
Lorsque nous nous sommes approchés du grand chantier de Zimnicea, nous nous sommes tout de suite rendu compte que les bâtiments des Suisses dominaient d’une manière presque provocatrice les chantiers alentours où les efforts de reconstruction roumains obtenaient des résultats modestes.
Par la suite, les entretiens avec nos reconstructeurs confirmèrent nos soupçons: Les Roumains voulaient tout simplement ‹freiner› le travail trop rapide et efficace des Suisses. Il fallait les contraindre à mieux respecter le rythme de travail propre au pays et lié naturellement au matériel et au personnel disponibles.
Les mesures prises furent aussi simples et inhabituelles qu’efficaces, comme on put bientôt s’en rendre compte. Elles impliquaient certes que la construction durerait un peu plus longtemps et que les coûts en personnel seraient plus élevés que prévu mais ces inconvénients furent presque totalement compensés par l’arrêt des perturbations.
Et voici quelles furent les mesures urgentes salutaires que nous avons prises: Les Suisses furent autorisés à apporter leur aide également sur des chantiers voisins quand celle-ci était souhaitée. Ils donnèrent ou prêtèrent des outils aux ouvriers des chantiers voisins.
Le résultat fut stupéfiant et extrêmement réjouissant: les sabotages cessèrent immédiatement. Les travaux des Suisses et des Roumains avancèrent à des rythmes à peu près comparables et moins provocateurs. Les Suisses purent remettre aux autorités roumaines,

 aux enseignants et aux 700 élèves du lycée technique de Zimnicea des bâtiments à ossature d’acier résistants aux séismes.
Certains des Suisses ont sans doute appris quelque chose: Il vaut mieux, parfois, travailler plus lentement! La bonne entente a son prix.»
Nous recommandons à chacun ce livre passionnant et informatif dont la lecture est également un bienfait pour le cœur. Arthur Bill nous impressionne par l’intelligence avec laquelle il évalue et résout les problèmes humains. Dans de nombreuses situations, il a également manifesté un grand courage. Il a accompli des missions difficiles et dangereuses et pris des décisions humaines satisfaisantes pour toutes les parties.    •

Arthur Bill, Helfer unterwegs. Geschichten eines Landschulmeisters, Kinderdorfleiters und Katastrophenhelfers, Bern, 2002, ISBN 3-7272-1323-X