Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°11, 19 mars 2012  >  De qui Hans Rühle est-il l’expert? [Imprimer]

De qui Hans Rühle est-il l’expert?

Les Etats-Unis et l’Allemagne ne sont pas d’accord sur l’analyse militaire d’une éventuelle attaque de l’Iran par Israël

par Benjamin Weinthal, «Jerusalem Post» du 21 février 2012

«Il est facile de savoir pourquoi on a préféré l’uranium comme matière fissile: Contrairement au lithium, qui n’a pas de réaction en chaîne, l’uranium permet de fabriquer des armes.»
Heinz Werner Gabriel, Kernenergie ohne Radioaktivität. Kein Traum, 2012

Des analyses aboutissant à des conclusions complètement différentes sur la capacité militaire d’Israël à détruire le programme nucléaire iranien ont été publiées dans le quotidien allemand «Die Welt» [16 février] et dans le «New York Times» [20 février].
Tandis que l’auteur de l’article du «New York Times» doute des chances de succès d’Israël, Hans Rühle responsable de la planification au ministère allemand de la Défense entre 1982 et 1988, estime, dans l’article de «Die Welt», que l’armée de l’air israélienne pourrait anéantir les plus importantes installations nucléaires d’Iran.
Les principales divergences concernent le nombre d’avions et de bombes israéliens qui seraient nécessaires pour détruire les installations nucléaires les plus importantes d’Iran et le défi que représente le ravitaillement des avions qui doivent parcourir une distance de plus de 1000 miles à l’intérieur de l’espace aérien iranien et retourner sains et saufs en Israël.
Le «New York Times», dans son analyse assez pessimiste intitulée «Iran Raid Seen as a Huge Task for Israeli Jets» écrit que pour détruire l’infrastructure nucléaire de l’Iran, il faudrait au moins 100 avions de combat.
D’après des analystes militaires américains, ce serait un travail d’Hercule pour Israël de pénétrer dans l’espace aérien de l’Iran et d’attaquer les installations nucléaires du pays.
Le «New York Times» cite Michael V. Hayden, directeur de la CIA de 2006 à 2009, qui a déclaré explicitement que pulvériser les installations nucléaires iraniennes «dépassait les capacités» d’Israël.
Le lieutenant-général David A. Deptula a déclaré au «New York Times» que «tous les experts étaient d’avis que les choses n’etaient pas si simples.»
Deptula a servi dans l’US Air Force en tant qu’agent de haut rang des Services secrets jusqu’à l’année dernière et il a commandé les raids aériens d’Afghanistan en 2001 et de la première guerre du Golfe de 1991 en Iraq.
Le «New York Times» est assez pessimiste quant aux capacités d’Israël de ravitailler ses avions de combat: «Israël devrait utiliser des avions ravitailleurs, mais on peut supposer qu’il n’en a pas assez.»
En net contraste avec l’analyse du «New York Times», Hans Rühle, grand expert en sécurité allemand assure, dans son long article intitulé «Wie Israel das iranische Atomprogramm zerstören könnte» (Comment Israël pourrait détruire le programme nucléaire iranien), que des bombardements de grande envergure pourraient ramener le programme dix ans ou plus en arrière.
Il se demande combien d’avions de combat et de bombes israéliens seraient nécessaires pour détruire les installations nucléaires d’Iran.
Il cite des experts et écrit qu’Israël est capable de mener une opération de bombardement étendue et d’empêcher l’Iran de faire des progrès dans le développement d’armes nucléaires.
D’après Rühle, il y a en Iran 25 à 30 installations où l’on travaille exclusivement ou principalement sur le programme nucléaire. Six de ces sites sont des cibles de premier ordre: l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz, le site de conversion d’uranium d’Ispahan; le réacteur à eau lourde d’Arak, l’usine d’armes et de munitions de Parchin, l’usine d’enrichissement d’uranium de Fordow et le réacteur à eau légère de Buschehr.
David P. Goldman, célèbre chroniqueur du site web d’informations PJ Media, a écrit à la mi-février que «Hans Rühle [avait été] l’un des analystes les plus sérieux et les plus perspicaces pendant la période difficile de la guerre froide: «Il est absolument certain qu’Israël pourrait paralyser le programme nucléaire iranien avec environ 25 de ses 87 bombardiers de combat F-15 et avec un plus petit nombre de ses F-16 pendant une décennie, voire plus longtemps. Chacun de ses F-15 pourrait transporter deux bombes anti-bunker GBU-28 et les F-16 pourraient être armés de plus petites bombes.»
Rühle écrit que les «informations sur Natanz sont solides», que le «projet a été surveillé par satellite et que ‹des touristes israéliens› l’ont observé sur place».
Il ajoute que les bombes anti-bunker les plus puissantes d’Israël, les GBU-28, pourraient détruire le toit de l’installation et que si cela ne suffit pas, une deuxième pourrait en achever la destruction.
Selon Rühle, la destruction réussie du réacteur nucléaire syrien par Israël a été un précédent important en 2007: «De nombreux experts croient» que, dans l’état actuel des connaissances, les frappes contre le programme nucléaire iranien pourraient retarder le programme de 10 ans ou peut-être plus longtemps encore.
Quant aux avions de combat, on aurait besoin de 20 appareils F-15 équipés chacun de deux GBU-28. Il pense que l’armée de l’air d’Israël dispose de plus de 87 avions F-15. L’installation de conversion d’uranium d’Ispahan, très vulnérable à des attaques parce que ses bâtiments ne sont pas souterrains, pourrait être détruite par des bombes GBU-27. Ispahan transforme le yellowcake [concentré d’uranium] en uranium.
Selon Rühle, le réacteur à eau lourde d’Arak représenterait un petit défi pour l’armée de l’air d’Israël. La destruction de l’installation non enterrée pourrait être réalisée au moyen de 10 bombes GBU-10. La frappe exigerait 10 avions F-16. L’installation la plus difficile à détruire est l’usine souterraine d’enrichissement d’uranium de Fordow. Elle devrait être attaquée par des unités spéciales.
Une solution serait de frapper les ouvertures de tunnels avec des GBU-28 pour rendre les entrées inaccessibles pendant un certain temps.
L’installation complexe de Parchin échappe aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique et on ne sait pas combien de bombes il faudrait pour détruire les bâtiments dont beaucoup sont enterrés. On suppose que l’Iran y fabrique des ogives nucléaires.
Rühle considère la centrale nucléaire de Buschehr comme une première cible militaire possible, surtout parce que la centrale au plutonium peut être utilisée pour fabriquer des armes. Contrairement au ministère américain des Affaires étrangères qui considère que l’installation poursuit un programme d’énergie à usage civil, Rühle écrit que «la destruction de Buschehr ne devrait pas poser de problème à l’armée israélienne: 10 bombes GBU-28 ou GBU-27 devraient suffire».
Il cite un expert nucléaire israélien de haut rang qui s’est rendu à Berlin en 2011. Il a déclaré à Rühle: «Nous ne pouvons pas accepter l’existence de ce réacteur [celui de Busheher] parce qu’il n’empêche pas la propagation de matériaux permettant de fabriquer des armes nucléaires.
Rühle ajoute que le problème sera résolu pour la durée d’une génération si Israël peut détruire des éléments essentiels du programme iranien. Il manifeste une très grande confiance dans la capacité des systèmes militaires israéliens.
Il écrit que «l’armée de l’air d’Israël est excellente. Ses pilotes sont marqués par l’histoire d’Israël et les dangers constants auxquels l’Etat juif est exposé.»
Bien qu’il considère le ravitaillement des avions de combat comme un problème délicat parce qu’Israël ne possède officiellement que 5 avions ravitailleurs du type KC-130H et 4 du type B-700, mais il croit que ces nombres réels sont plus élevés.
Il précise que le gouvernement israélien avait demandé à l’administration de George W. Bush de lui vendre ou louer des avions ravitailleurs supplémentaires. Il ajoute que l’armée de l’air d’Israël a l’expérience de la technique du ravitaillement en vol entre les F-15 et les F-16. Il ajoute qu’il est possible d’atterrir provisoirement en Syrie, en Turquie ou en Iraq pour faire le plein.

Source: «Jerusalem Post» du 21/2/12
(Traduction Horizons et débats)

* * *

hd. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la campagne d’hiver contre la Russie a été déclenchée par Hitler contre l’avis des généraux. Hans Rühle veut-il marcher dans les pas du dictateur? D’où tient-il son assurance? Ou s’agit-il d’une «folie des grandeurs» échappant aux catégories psychiatriques? Ses propos sont-ils à rapprocher des louanges adressées à l’Allemagne le 3 février dernier à Munich par le vice-ministre des Affaires étrangères d’Israël Daniel Ayolon, qui voit dans l’Allemagne un «world leader»?
On a sans doute oublié que l’Option Samson signifie qu’Israël sera anéanti s’il entrait en guerre contre la Russie ou contre l’Iran. Rühle plaide-t-il donc pour une option suicide?
Dans son ouvrage «Opération Samson: comment Israël a acquis la bombe atomique» Seymour Hersh reproduit une conversation avec Rabin d’où il ressort qu’en Israël, on est conscient depuis longtemps du risque de suicide collectif: Un Américain de haut rang a mis Rabin en garde: Israël ne devra jamais larguer de bombe, sinon son gouvernement disparaîtra. Rabin a répondu qu’il n’était pas fou.
L’Allemand Hans Rühle appelle à la guerre d’Israël contre l’Iran. Faut-il supposer qu’il joue avec l’Option Samson? Le fait que cette guerre serait une guerre nucléaire n’est certainement pas un secret. Reste à savoir avec quelles armes. Proviendront-elles des Etats-Unis ou d’Allemagne, fabriquées grâce au know-how allemand, stockées puis assemblées en une semaine?     •