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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°9, 7 mars 2011  >  Les grands prédateurs ne peuvent pas faire le travail des chasseurs [Imprimer]

Les grands prédateurs ne peuvent pas faire le travail des chasseurs

Les animaux sauvages représentent une réserve de nourriture

Interview de Marco Giacometti*

Horizons et débats: Quels sont les devoirs du chasseur?

La chasse a toujours été l’exploitation d’une ressource, qui était autrefois nécessaire à la survie. A l’heure actuelle ce n’est plus le cas dans la même mesure, c’est plutôt un loisir, mais toujours avec l’utilisation de l’animal abattu, soit pour la viande, soit pour d’autres produits, notamment la fourrure. Aujourd’hui une autre tâche s’y ajoute. C’est-à-dire la régulation des animaux sauvages, pour éviter qu’ils causent des dommages aux paysages intensivement exploités, pour éviter les dégâts causés aux cultures. Cela représente une nouvelle dimension qui n’existait pas auparavant. Mais l’exploitation reste quand même un aspect très important pour le chasseur. C’est aussi un devoir pour le bien commun qui ne peut être, comme certains le prétendent, régulé par les grands prédateurs. Le travail pour la collectivité et pour la campagne cultivée consiste à résoudre les problèmes de manière sensible et adaptée aux situations ce qui ne peut être fait par les grands prédateurs dans de grandes surfaces de paysage culturel comme c’est le cas pour la Suisse. C’est absolument illusoire.

Comment devient-on chasseur?

On doit d’abord s’annoncer aux autorités cantonales. On prend un cours où on apprend les bases les plus importantes et les plus nécessaires. Puis, on doit passer un examen théorique et pratique, notamment dans le domaine des armes, pour la sécurité de l’environnement et de l’homme et naturellement des animaux, avant tout sous l’aspect de la protection des animaux. Quand on a réussi l’examen, on peut acquérir la patente et aller à la chasse dans les divers cantons, mais on peut aussi participer à un bail de chasse dans un certain canton. La chasse comprend aussi un aspect important de société. On doit prendre contact avec les chasseurs d’une certaine région et on doit pouvoir se concerter avec eux, car la chasse signifie aussi de trouver des accords avec d’autres groupes de chasseurs.

La chasse représente-t-elle aussi une source de revenu pour le chasseur?

Au bout du compte la chasse en Suisse est toujours une affaire à perte. Le chasseur en est conscient. Les chasseurs et les chasseuses versent aux cantons et aux communes des sommes considérables pour l’exercice de la chasse. Tout l’investissement financier et aussi l’investissement en temps dépassent de loin les recettes qu’on peut tirer de la viande. Nous n’avons en Suisse pas de chasseurs professionnels comme les pêcheurs. Pour la pêche, il y a les deux, les pêcheurs professionnels et les pêcheurs à la ligne. Pour les chasseurs, il n’existe que la chasse pendant les loisirs. J’utilise consciemment le terme «loisirs» et non pas «passe-temps», car avec «passe-temps» on suscite qu’on peut le faire sans s’y être préparé. Chasser pendant les loisirs est donc plus juste, car cela veut dire qu’on n’exerce pas la chasse pendant ses heures de travail. On va à la chasse avec une formation et avec responsabilité.

A quelle mesure une population d’animaux sains peut-elle représenter une réserve de nourriture?

Aujourd’hui, dans notre société moderne on considère les animaux sauvages de façon un peu abstraite comme éléments du paysage et de la nature qui ont leur valeur propre et doivent être protégés rien que pour cette raison. On sait qu’ils sont là, et ils y ont leur place. Leur importance va cependant encore plus loin, car ils font partie du cycle dans lequel des paysages vierges se règlent d’eux-mêmes sans conflit. Mais dans un paysage à exploitations multiples une autorégulation peut causer d’importants dégâts. Notre société n’est pas prête de permettre cela. Il faut réguler comme on le fait aussi dans d’autres domaines. Les animaux sauvages représentent aussi une réserve de nourriture, en Suisse une très petite réserve, vue la densité de la population.  Mais on ne peut pas exclure que peut-être on en aura besoin un jour. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la chasse a contribué dans certaines situations au soutien de familles dans le besoin. Si jamais une nouvelle crise survenait – ce que nous n’espérons pas – nous ne pourrions cependant pas vivre uniquement de la chasse.

Quels dangers représentent les grands prédateurs?

Lorsque les grands prédateurs, notamment le lynx et le loup, se reproduisent sans contrôle dans un paysage culturel, leurs animaux de proie les plus importants souffriront de grosses pertes dans notre paysage densement peuplé. Les animaux sauvages vivent chez nous comme sur des «îles». Les grands prédateurs ont un avantage, car ils sont beaucoup plus agiles que les ongulés, souvent prisonniers entre les autoroutes et les agglomérations. Des animaux sauvages moins fréquents comme les oiseaux qui couvent au sol seraient mis en danger par cette surexploitation et là nous aurions un grand problème en ce qui concerne la biodiversité. C’est pour cela qu’il faut, dans un paysage culturel, réguler de façon raisonnable et situative la propagation des grands prédateurs, au lieu de favoriser certains groupes d’animaux et de permettre le développement incontrôlé d’autres.

Que va-t-il se passer chez nous, si le loup apparaît en meutes?

Nous ne devons pas nous imaginer qu’on pourra rencontrer chez nous le loup en meutes comme on le connaît des grands espaces sibériens ou d’Amérique du Nord. Là-bas, on peut observer des meutes de 5 à 10 loups courant derrière un bison. Cela ne sera jamais le cas chez nous, car ses animaux de proie sont beaucoup plus petits et le loup est donc capable d’abattre seul sa proie. Le plus grand animal de proie dans notre pays est le cerf. Un loup tue seul des veaux et des animaux affaiblis. Lorsqu’une meute se forme, il faut de la nourriture pour beaucoup de loups. Cela augmenterait beaucoup la pression sur les animaux de proie. C’est pour cette raison que le loup est considéré dans les Etats européens, notamment en Allemagne et en Autriche, comme l’animal beaucoup plus problématique que le lynx, et cela nous le resentons aussi en Suisse. Le loup cause plus de soucis que le lynx.

Que doit-il maintenant se passer au niveau politique?

De notre point de vue, il serait souhaitable que le Conseil des Etats analyse le travail qui a été accompli ces trois à quatre dernières années aux nivaux des cantons, de la Confédération et du Conseil national et qu’il approuve les projets de celui-ci. La version préparée par le Conseil national va dans le même sens que celle prévue par le Conseil fédéral: Une gestion pragmatique des grands prédateurs.    •
*    Dr vet. Marco Giacometti est privat-docent à l’Université de Berne, depuis 2004 secrétaire général de Chasse suisse et directeur de l’agence de presse «Faune et Environnement».

L’ours, le loup et le lynx doivent-ils vivre en Suisse?

Comme je viens moi-même des montagnes, (Engelberg) je ne peux pas m’imaginer vivre avec des bêtes sauvages. Nous possédions nous-mêmes un alpage avec des vaches, des chèvres, des moutons, une truie avec des porcelets, des poules et d’autres petits animaux.

Est-ce que la nourriture pour les autres animaux se raréfie?

Je ne peux pas non plus laisser courir un chien et penser qu’il trouvera lui-même à manger. Les marmottes ont un bon système d’alarme et les chamois, là-haut dans la montagne, ne sont plus très nombreux non plus. Que mangeront-ils? Qui les nourrit?

Danger pour les êtres humains

Aujourd’hui encore, les enfants sont souvent seuls en chemin. Quand nous, les adultes faisons les foins à la maison, les enfants doivent souvent apporter le repas de midi aux gens dans les alpages (j’ai moi-même vu cela l’été passé). Que fait alors un enfant s’il est attaqué par une bête sauvage? J’attends volontiers une réponse honnête d’un partisan de la réintroduction du loup, de l’ours et du lynx en Suisse.

Monika Ruckstuhl, 79 ans, veuve, paysanne à la retraite, 7 enfants, 15 petits-enfants, Schlossrued AG

Source: Standpunkt EDU/UDF. Organe
officiel de l’Union démocratique fédérale UDF. No. 3, mars 2011