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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°37/38, 16 décembre 2013  >  «Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire?» [Imprimer]

«Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire?»

Extraits des résultats d’une méga-analyse

par Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier et Carl Bouchard

«Puisque les retards scolaires, en particulier ceux cumulés au niveau élémentaire, semblent avoir un impact important sur le décrochage au niveau secondaire, il devient alors essentiel de privilégier des interventions précoces dans la scolarité des élèves. Il importe d’identifier les pratiques pédagogiques les plus susceptibles d’améliorer la performance scolaire de ceux dont les probabilités de décrocher sont élevées, soit les élèves de niveau élémentaire éprouvant des difficultés dans leurs apprentissages. C’est l’objectif poursuivi par cette synthèse de recherches. […]
Dans un contexte de réforme éducative comme celui qui prévaut actuellement dans plusieurs systèmes éducatifs francophones, nous considérons que l’identification de stratégies efficaces pour l’enseignement des matières de base auprès des élèves en difficulté représente une information indispensable afin d’aider ceux dont les risques d’abandonner l’école sans diplôme sont très élevés. Nos propos rejoignent ainsi ceux de Bost et Riccomini (2006) lorsqu’ils affirment que:
[…] Compte tenu des nombreuses recherches sur l’enseignement efficace, les décideurs, les enseignants et les chercheurs doivent considérer l’efficacité des méthodes et des pratiques d’enseignement utilisées auprès des élèves en difficulté comme étant une stratégie pouvant prévenir le décrochage scolaire.»

(Analyse p. 2–3)

Discussion des résultats

«Pour faciliter la discussion, nous avons regroupé les principaux résultats tirés des onze méta-analyses que nous avons examinées en deux tableaux distincts selon les domaines d’apprentissage visés, soit la lecture-écriture (tableau 2) et les mathématiques (tableau 3)[cf. page 4]. Les deux tableaux se présentent sous le même format. Ainsi, dans chacun d’entre eux, nous avons regroupé les résultats obtenus par les différentes stratégies d’enseignement que nous avons répertoriées dans les études consultées selon les modalités pédagogiques dominantes qu’elles proposent: (1) enseignement structuré et directif, (2) enseignement réciproque, (3) soutien à l’enseignement, (4) pédagogie constructiviste.
L’enseignement structuré et directif représente la première modalité pédagogique dominante que nous avons identifiée. Ce type d’enseignement, généralement désigné sous l’appellation d’enseignement explicite, fait appel à une démarche d’apprentissage dirigée par l’enseignant qui procède du simple vers le complexe, se déroulant généralement en trois étapes: le modelage, la pratique dirigée et la pratique autonome (Rosenshine et Stevens, 1986).
L’enseignement réciproque, la deuxième modalité dominante, propose le recours au travail en équipe. Tel que mentionné précédemment, l’enseignement réciproque se déroule exclusivement en dyade et emploie une démarche structurée dont les modalités sont enseignées explicitement aux élèves (Elbaum et al., 1999; Kroesbergen et Van Luit, 2003).
Ensuite, la troisième modalité pédagogique est le soutien à l’enseignement qui consiste en moyens additionnels plus spécifiques qui viennent compléter la démarche d’apprentissage proposée aux élèves par l’enseignant.
La pédagogie constructiviste s’impose en tant que quatrième modalité pédagogique dominante. Elle fait appel à une démarche d’apprentissage centrée sur l’élève en fonction de son rythme et de ses préférences (Chall, 2000). Ce type de pédagogie préconise le recours à des activités authentiques, complètes et complexes à l’intérieur desquelles l’enseignant joue un rôle de facilitateur et de guide, en procédant surtout par questionnement auprès des élèves (Jeynes et Littell, 2000; Kroesbergen et Van Luit, 2003).
[…]
Il importe de souligner de nouveau que la démarche d’analyse des résultats qui suit dans la discussion prend comme point d’appui un effet d’ampleur cible de 0.40. Ce résultat constitue actuellement une référence, utilisée par plusieurs chercheurs en éducation (Forness, 2001; Forness et al., 1997; Kavale, 2006; Lloyds et al., 1998) qui ont réalisé des méga-analyses pour recommander la mise en place d’interventions pédagogiques qui sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur le rendement scolaire des élèves en difficulté et à risque d’échec.»

(Analyse p. 20–21)

 
«En somme, les résultats [du tableau 2] provenant des différentes méta-analyses effectuées auprès des élèves en difficulté d’apprentissage et de ceux à risque d’échec semblent indiquer qu’un enseignement structuré et directif, de type enseignement explicite, est une stratégie à privilégier pour favoriser l’apprentissage des différentes composantes de la lecture et de l’écriture auprès de cette clientèle. Il est également possible d’incorporer à travers cette démarche pédagogique un enseignement réciproque. […]
L’analyse du tableau 3 nous permet de constater que, des quatre modalités pédagogiques dominantes se distinguant dans les études que nous avons examinées, c’est à nouveau l’enseignement structuré et directif qui se démarque avec des effets d’ampleur variant de 0.58 à 1.45, qui apparaissent nettement supérieurs à l’effet d’ampleur cible de 0.40. […]
Lorsqu’on analyse les résultats obtenus par la quatrième modalité pédagogique dominante, on remarque que la variation des effets d’ampleur de 0.01 à 0.34 obtenue par la pédagogie constructiviste (apprentissage guidé, apprentissage contextualisé) situe cette approche en deçà du seuil limite de 0.40 retenu pour notre étude. Par conséquent, il nous apparaît risqué de recourir à ce type d’intervention pour l’enseignement des mathématiques auprès d’élèves en difficulté ou à risque d’échec.»

(Analyse p. 24–26)

Conclusion

Effets obtenus par l’enseignement structuré et directif ou explicite

«Cette méga-analyse constitue une synthèse de 362 recherches, effectuées sur une période de plus de 40 ans, impliquant au-delà de 30 000 élèves. En prenant comme point d’appui un effet d’ampleur minimal de 0.40, nous considérons que les modalités pédagogiques qui atteignent ce seuil sont susceptibles d’améliorer le rendement des élèves de niveau élémentaire éprouvant des difficultés dans leurs apprentissages et peuvent être implantées avec de bonnes chances de succès.
Les résultats de différentes méta-analyses montrent que les méthodes d’enseignement structurées et directives, tel que l’enseignement explicite, sont celles à privilégier pour l’enseignement des matières de base auprès des élèves en difficulté (Baker et al., 2002; Ehri et al., 2001, Gersten et Baker, 2001; Kroesbergen et Van Luit, 2003; Sencibaugh, 2007; Swanson, 1999). A l’instar de Baker et ses collaborateurs (2002), nous croyons que l’enseignement explicite devrait être utilisé comme toile de fond pour enseigner la lecture, l’écriture et les mathématiques, auquel on pourrait y insérer une démarche d’enseignement réciproque.» […]

Effets obtenus par la pédagogie constructiviste et l’apprentissage par projets

«Les effets obtenus par la pédagogie constructiviste sur le rendement en lecture (effet d’ampleur de – 0.65) et en mathématiques (effet d’ampleur de 0.01 à 0.34) des élèves en difficulté sont inférieurs au seuil limite de 0.40 retenu pour notre étude. Par conséquent, il nous paraît hasardeux de recourir à ce type de stratégie d’enseignement alors qu’on dispose de méthodes pédagogiques beaucoup plus efficaces comme l’enseignement explicite ou l’enseignement réciproque.
Paradoxalement à ces résultats, plusieurs réformes éducatives ayant cours actuellement à travers le monde semblent privilégier des pédagogies inspirées du constructivisme et du socioconstructivisme, en particulier la pédagogie par projets (Braslawski, 2001; Jonnaert, Barrette, Masciotra et Mane, 2006). Par exemple, dans le contexte de la réforme de l’éducation québécoise, «les approches pédagogiques le plus souvent nommées sont associées à la notion de projets pour favoriser l’apprentissage: pédagogie du projet, pédagogie par projets, enseignement par projets, apprentissage par projets» (Lafortune et Deaudelin, 2001, p. 2). Or, une recherche québécoise récente (Bernet, 2002) ayant comparé, auprès d’environ 360 élèves de 5e et 6e année de niveau élémentaire, les effets de cette pédagogie à ceux de l’enseignement traditionnel sur l’apprentissage de connaissances de géographie révèle que: «La pédagogie traditionnelle offre donc dans l’ensemble de meilleurs résultats aux épreuves de géographie. A toutes les épreuves sauf une seule, cette approche a surpassé la pédagogie du projet en utilisant moins de temps». […]
Malgré la popularité des approches constructivistes, nous considérons, à la suite des analyses effectuées que les stratégies pédagogiques associables à l’enseignement structuré et directif sont celles à privilégier auprès des élèves en difficulté et à risque d’échec. La mise en place de ce type d’enseignement accompagné par diverses mesures de soutien et d’un enseignement réciproque pourraient, dans une perspective longitudinale, non seulement favoriser la réussite scolaire de cette clientèle, mais également réduire le recours aux interventions de remédiation et, surtout, améliorer son taux de diplomation et ses possibilités d’insertion professionnelle dans la société de demain.»    •

(Analyse p. 28–29)

Source: Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage (RRAA). Vol. 3 article 1, 2010.
Ed. Conseil canadien sur l’apprentissage (CCA)
Site: www.formapex.com/les-principes-de-base/118-quelles-sont-les-strategies-denseignement-efficaces-favorisant-les-apprentissages-fondamentaux-aupres-des-eleves-en-difficulte-de-niveau-elementaire-resultats-dune-mega-analyse 

Définition

Méta-analyse: La méta-analyse débute par une recension d’études à l’intérieur desquelles les chercheurs ont comparé un groupe expérimental avec un groupe contrôle. Les résultats sont alors exprimés sous une forme standardisée qu’on appelle «effet d’ampleur» et qui correspondent à la différence entre la moyenne du groupe expérimental et celle du groupe contrôle, divisée par l’écart type du groupe contrôle.
Méga-analyse: La méga-analyse est une synthèse des résultats provenant de différentes méta-analyses. Les résultats ainsi regroupés peuvent être utilisés pour comparer et déterminer les interventions les plus efficaces sur un sujet donné.

(Analyse p. 6)