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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  La Politique agricole 2014 – 17 s’écarte de la Constitution! [Imprimer]

La Politique agricole 2014 –17 s’écarte de la Constitution!

Le Conseil fédéral vient de transmettre le message concernant la Politique agricole 2014–17 (PA 14 – 17) au Parlement. Et les premier commentaires simplistes fusent: «La même somme d’argent – mais distribuée un peu différemment.» Cependant, le Conseil fédéral propose dans le PA 14 – 17 un changement fondamental: les paiements directs ne seront plus utilisés pour soutenir la production agroalimentaire mais, en fin de compte, ils seront entièrement utilisés pour réaliser des services écologiques.
Selon la Constitution, les paiements directs servent à égaliser la différence des revenus entre les pays à bas salaires et la Suisse, qui est – en matière de création de valeurs – un pays à prix et salaires élevés, afin de garantir la production alimentaire. D’après la proposition du Conseil fédéral, qui va bientôt être l’objet de délibérations au Parlement, les paiements directs ne seraient plus une rémunération en faveur de la production afin d’assurer à l’agriculture un revenu équitable pour la production alimentaire, mais une rémunération de services rendus pour l’environnement, et spécialement définis. Cela signifie un changement fondamental de système. Car cela produirait un recul croissant des revenus dans le domaine de la production agro-alimentaire et un report des paiements directs vers le domaine des services en faveur de l’environnement. Cela n’est pas prévu dans l’article 104 de la Constitution fédérale.
De même, l’exigence du Contrôle fédéral des finances (CDF) de décembre 2011, de ne plus afficher à l’avenir séparément les revenus de la production agro-alimentaire et les revenus supplémentaire para-agricoles ou non agricoles, mais de les attribuer au revenu agricole, suit le même objectif – qui s’écarte des buts de la Constitution–, c’est-à-dire de remplacer petit à petit la production agro-alimentaire actuelle par des revenus dans le domaine de l’environnement, des loisirs et des services offerts par les parcs.
Que la PA 14 – 17 aspire à un changement de système fondamental et non pas simplement à un «perfectionnement» est prouvé par le fait que les «paiements directs généraux» actuels, qui égalisent les revenus, seront ­rangés pour la plupart sous la rubrique «Contributions d’adaptation» (qui dans le message sont appelés «Contributions transitoires»), pour ensuite pouvoir peu à peu les annuler entièrement sous réserve de l’élargissement des services environnementaux non liés à la production, ce qui fait que l’égalisation des revenus par les paiements directs, prévue dans la Constitution, serait éliminée.
La cosmétique appliquée par le Conseil fédéral à son message de début février 2012 suite à la consultation ne change rien au projet de base. Ainsi, les contributions à la sécurité de l’approvisionnement et au paysage cultivé s’élèvent ensemble à environ 50% des paiements directs. Comparé aux paiements directs «généraux» actuels, égalisant les revenus avec la participation de plus de 80% au total des paiements directs, cela représente une baisse considérable, qui manquera à l’avenir à la production alimentaire.
D’autres étapes de suppression suivraient. Notre agriculture serait ainsi, contrairement à l’exigence de la sécurité alimentaire et de la production de proximité, nettement obligée de devenir plus extensive, avec de faibles rendements, ce qui augmenterait les importations. Un tel processus sert le libre-échange agricole, ouvre une brèche au trafic de perfectionnement actif pour l’industrie agro-alimentaire du deuxième niveau, et remplace finalement l’agriculture par la préservation des sites. L’espace complémentaire, bloqué jusqu’à présent par l’aménagement du territoire et le droit foncier, pourrait ainsi enfin – en cédant à la pression du «Citystate Switzerland» – s’ouvrir à un développement immobilier sans limites … Pour les prestations de service environnementales, les élargissements de plans d’eau en faveur de toujours plus d’espaces de repos, les parcs et les terrains de jeux, il faut mettre toujours plus de terres arables à disposition, qui – malgré la rhétorique verte – seront obtenues beaucoup plus facilement si l’agriculture du pays est réduite au profit d’une «écologie» mal comprise.
Ce projet de réformes très complexe, avec toutes ses propositions de changement spectaculaires, persiste cependant dans l’esprit d’une économie de croissance illimitée. Une réforme qui conduirait à une économie écologique et durable doit s’attaquer en premier lieu au paradigme de croissance qui a fait son temps. Notre époque exige d’intensifier et de différencier de manière durable nos propres bases d’alimentation, et non pas de promouvoir une «extensification» en faveur de plus d’importations. Toutes les approches pour intensifier la coopération entre les consommateurs et les agriculteurs, qui sont la base de tout effort pour une consommation plus écologique, sont délibérément et unilatéralement omises dans la PA 14 – 17, nettement en faveur du libre-échange agricole. Le fait que le marché alimentaire n’est pas un marché de croissance comme un autre ne devrait pas être reconnu seulement au moment où la crise de ravitaillement qui s’annonce nous tombe dessus.    •

SVIL Schweizerische Vereingung Industrie und Landwirtschaft, Zurich-Oerlikon, communiqué du 3/2/12
Renseignements: Hans Bieri, 079 432 43 52
(Traduction Horizons et débats)

Art. 104 (Agriculture) de la Constitution fédérale

1    La Confédération veille à ce que l’agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement:
a.    à la sécurité de l’approvisionnement de la population;
b.    à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural;
c.    à l’occupation décentralisée du territoire.
2    En complément des mesures d’entraide que l’on peut raisonnablement exiger de l’agriculture et en dérogeant, au besoin, au principe de la liberté économique, la Confédération encourage les exploitations paysannes cultivant le sol.
3    Elle conçoit les mesures de sorte que l’agriculture réponde à ses multiples fonctions. Ses compétences et ses tâches sont notamment les suivantes:
a.    elle complète le revenu paysan par
des paiements directs aux fins de rémunérer équitablement les prestations fournies, à condition que l’ex­ploitant apporte la preuve qu’il satisfait à des exigences de caractère écologique;
b.    elle encourage, au moyen de mesures incitatives présentant un intérêt économique, les formes d’exploitation particulièrement en accord avec la nature et respectueuses de l’environnement et des animaux;
c.    elle légifère sur la déclaration de la pro-
venance, de la qualité, des méthodes de production et des procédés de transformation des denrées alimentaires;
d.    elle protège l’environnement contre les atteintes liées à l’utilisation abusive d’engrais, de produits chimiques et d’autres matières auxiliaires;
e.    elle peut encourager la recherche, la vulgarisation et la formation agricoles et octroyer des aides à l’investissement;
f.    elle peut légiférer sur la consolidation de la propriété foncière rurale.
4    Elle engage à ces fins des crédits agricoles à affectation spéciale ainsi que des ressources générales de la Confédération.