Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°4, 2 fevrier 2009  >  Pourquoi la Confédération refuse-t-elle toujours de réglementer la nanotechnologie? [Imprimer]

Pourquoi la Confédération refuse-t-elle toujours de réglementer la nanotechnologie?

Tout le monde veut du «nano» mais peu
envisagent les conséquences. Nous devons savoir ce qui est sûr et ce qui est insensé.
Wendelin Stark, EPFZ

ra. Chaque jour, des produits nouveaux élaborés grâce à la nanotechnologie arrivent sur le marché. Produits destinés à nous rendre plus beaux, plus jeunes, à nous protéger des UV, à nous libérer de certaines tâches ou à permettre aux aliments de se gâter moins vite. Les consommateurs ne savent pas quels produits contiennent déjà des nanoparticules. Ils ne peuvent pas décider s’ils veulent ou non consommer un aliment contenant des nanoparticules, porter un vêtement enrichi de nanoparticules, utiliser un produit d’entretien contenant des nanoparticules. Sans le savoir, ils achètent quotidiennement des produits contenant ce genre de particules.
Cette situation est insupportable car on n’a effectué que très peu de recherches sur les effets des nanoparticules sur l’homme, les animaux et l’environnement, bien qu’on sache que les nanoparticules synthétiques causent des dégâts aux poumons (comme l’amiante) ou peuvent être toxiques pour les animaux aquatiques. On a en outre des raisons de penser que ces particules franchissent la barrière hémato-encéphalique et parviennent dans le cerveau. Le consommateur ne sait pas quels dégâts elles y occasionnent. On suppose qu’elles pourraient contribuer à l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
Il n’existe aucune loi qui détermine ce qui peut être ou ne pas être fabriqué avec des nanoparticules. L’Office fédéral de la santé publique et l’Office fédéral de l’environnement ont publié en allemand un Rapport détaillé.1 Dans le résumé en français, les auteurs re­lèvent que «malgré l’évolution galopante de la nanotechnologie, on connaît encore très peu de choses sur l’exposition de l’être humain et de l’environnement à ces éléments et sur les risques potentiels qui en découlent».
On ne se soucie pas
de la protection des consommateurs
La Confédération et l’industrie ne veulent pas de réglementation. Le Plan d’action 2008 du Conseil fédéral ne fait que donner aux fabricants des lignes directrices concernant l’autocontrôle. Il mise sur la responsabilité individuelle de ces derniers.
On est très loin d’une réglementation juridique car les fondements méthodologiques n’ont pas encore été élaborés. Un de ces fondements est la définition des concepts relatifs à la nanotechnologie. Il n’existe pas encore de définition internationale utilisable. Le Conseil fédéral veut attendre que l’Organisation internationale de normalisation ait trouvé une définition.
Une autre lacune consiste dans la déclaration (information des consommateurs sur les emballages) si bien que des tonnes de nanoparticules nous assaillent et se répandent dans l’environnement. Qu’attendent la Confédération, l’industrie et la recherche?
C’est là un exemple typique d’économie globale qui se développe sans aucune réglementation et génère des milliards de dollars de profits: on parle déjà de billions de chiffre d’affaires.
Jusqu’ici, trois démarches ont été effectuées au Parlement en vue d’une réglementation de la nanotechnologie. La conseillère nationale des Verts Maya Graf a eu le mérite de déposer déjà trois motions. Dans la première, en 2006, elle réclamait une loi sur la nanotechnologie. Les éléments non contraignants de la motion ont été acceptés mais le gouvernement s’est opposé à la demande visant faire établir par le Conseil fédéral une réglementation et une définition en particulier de la notion de nanotechnologie et des domaines d’application.
La même année, Maya Graf a déposé une seconde motion demandant au Conseil fédéral de mettre sur pied un programme national de recherches sur l’utilité et les risques des nanoparticules synthétiques et sur les applications de la nanotechnologie. A l’automne, les Chambres en ont recommandé le rejet sans avoir débattu de la question.
La troisième motion a été déposée en décembre 2008. Elle demande que le Conseil fédéral règlemente, en vertu du principe de précaution, le domaine de la nanotechnologie et introduise une déclaration obligatoire sur les emballages des produits contenant des nanoparticules afin que les consommateurs puissent choisir librement ces produits (cf. encadré).
Il semble que les politiques veulent ignorer l’existence des nanoparticules. Sont-elles trop petites pour eux ou y a-t-il d’autres raisons?    •

1     Synthetische Nanomaterialien. Risikobeurteilung und Risikomanagement, 2007 (avec résumé de 10 pages en français)

Dispositions légales pour la nanotechnologie

Motion déposée par Maya Graf

Le Conseil fédéral est chargé:
1.    d’établir, en vertu du principe de précaution, des dispositions légales dans le domaine de la nanotechnologie
2.    d’introduire une déclaration obligatoire sur les emballages des produits contenant des nanoparticules, ceci afin que les consommateurs aient la possibilité de choisir librement des produits nanotechnologiques ou non.

Développement
Dans le plan d’action sur les nanomatériaux synthétiques (DFI, DFE, DETEC 2008), on trouve le constat fondamental suivant: «Les propriétés physiques et chimiques des nanoparticules synthétiques sont encore inconnues et, partant, le risque impossible à évaluer». A cet égard, le «Rapport de base sur le plan d’action sur les nanomatériaux synthétiques: évaluation et gestion des risques» (OFSP, OFEV 2007) va plus loin encore: un potentiel de risque y est attribué à des produits se trouvant déjà aujourd’hui sur le marché, notamment à des produits relevant du domaine de la cosmétique et du textile: «Eu égard à des risques fondamentalement incertains, force est d’admettre que ces applications sont porteuses de conflits potentiels». Dans ce contexte, il est indispensable qu’une déclaration obligatoire figure sur les emballages afin que le consommateur puisse au moins choisir librement ses produits.
Le rapport de base insiste sur l’absence de conditions-cadre lé­gales. Il constate que l’utilisation de nanoparticules dans les produits ne fait pour l’instant l’objet de dispositions légales particulières que dans de rares cas, et que dans ces rares cas eux-mêmes, aucune tentative d’établir une valeur limite relativement à la grandeur des particules, ni de différencier les divers types de particules n’est effectuée. Il en résulte «d’importants flous juridiques qui, d’une part, peuvent conduire à l’absence d’identification de risques potentiels pour la santé et l’environnement, et, partant, à l’impossibilité de les réduire à un minimum grâce à des mesures appropriées; d’autre part, ils peuvent faire l’effet d’un frein à l’innovation: l’économie n’a qu’un intérêt minime à investir dans le développement de nanotechnologies ou de produits contenant des nanoparticules aussi longtemps qu’elle ignore les exigences légales qu’il lui faudra satisfaire ou les restrictions qui seront imposées aux fabricants». On peut repérer des lacunes règlementaires non seulement dans la législation sur le travail, sur les produits chimiques, sur les médicaments, sur la responsabilité du fait des produits, sur le trafic routier et sur l’environnement, mais également dans les lois sur les travailleurs et sur la protection des eaux.
Le principe de précaution, principe essentiel dans la politique de l’environnement et de la santé, vise à prévenir les risques et les dangers. Le but du principe de précaution est de réduire au minimum les risques qui pourraient ne se manifester qu’à long terme. Comme les connaissances en matière de chances et de risques de la nanotechnologie sont, dans leur stade actuel, encore jugées insuffisantes, il est absolument nécessaire d’utiliser la nouvelle technologie de manière responsable.



Date de dépôt 19/12/08
Déposé au Conseil national
Etat des délibérations Non encore traité au conseil
Compétence Département de l’intérieur (DFI)
Conseil prioritaireConseil national