La Société suisse d’utilité publique – porteuse de l’esprit de paix et d’humanitéts. Le modèle de la démocratie directe de la Suisse est aujourd’hui étudié à beaucoup d’endroits et suscite un grand intérêt, surtout dans les milieux financiers, depuis la grande crise financière qui a conduit beaucoup de pays au bord de la ruine. Mais pas la Suisse, justement à cause de la participation du peuple aussi en ce qui concerne des projets concrets, elle a su maîtriser la crise – et la maîtrise toujours – de manière étonnante. Lorsque nos voisins, surtout nos voisins du nord, observent notre modèle politique, ils ne doivent pas uniquement prendre en considération nos institutions et procédures comme le référendum et l’initiative. Non, longtemps avant la fondation de l’Etat fédéral en 1848 et avant l’introduction des éléments de démocratie directe à l’échelle des cantons et ensuite de la Confédération, l’esprit et la mentalité ont été formés et vécus. Sans ceux-ci la démocratie directe reste lettre morte. Et c’est pour cette raison et pour éveiller les esprits dans ce contexte intellectuel et émotionnel du modèle Suisse qu’est présentée ci-après une société qui, en 1810 déjà, a vécu cet esprit de démocratie directe: C’était le but de la «Société suisse d’utilité publique» d’encourager le bien et tout ce qui est d’utilité publique, de renforcer l’initiative individuelle et de rassembler des personnalités de provenances, de professions et de croyances diverses. Partant de l’objectif initial de réduire la pauvreté, d’améliorer l’éducation publique et de stimuler le travail industriel, les 200 ans suivant, à peine existait un domaine auquel la société n’aurait pas prêté attention. Un regard dans l’histoire permettra de poser et d’encourager avec empathie les bases du travail en commun aussi ailleurs, ce qui mettra en valeur les instruments de la démocratie directe. ks. L’histoire de la Société suisse d’utilité publique, active jusqu’aujourd’hui (SSUP)1 remonte à 1810, lorsqu’environ 70 hommes de 15 cantons ont été invités par le médecin de la ville de Zurich et président de la Hülfsgesellschaft für den Canton Zürich [Société d’entraide pour le canton de Zurich], Hans Caspar Hirzel, pour fonder une société qui s’engagera à l’avenir pour le bien commun. L’intention de Hirzel était d’aider et de soutenir les gens dans le dénuement, c’est-à-dire les pauvres, les enfants en détresse, les handicapés ou les gens victimes de la guerre ou d’une catastrophe naturelle. Il considérait comme devoir de l’Etat et aussi comme devoir de particuliers de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et les conditions économiques et de pratiquer l’entraide. Avec le rassemblement de personnes intéressées et engagées, le savoir nécessaire devait être réuni et partagé pour trouver des solutions élaborées en commun aux problèmes sociaux et de politique sociale. (En 1813 par exemple, une commission du SSUP s’est occupée de la question de savoir comment aider les habitants du canton de Glaris à sortir de leur misère économique, physique et morale.) Le modèle pour la fondation de la SSUP était entre autre la très active Gesellschaft zur Beförderung des Guten und Gemeinnützigen [GGG, Société pour la promotion du bien et de l’utilité publique], fondée par le secrétaire municipal de la ville de Bâle, Isaak Iselin, et six autres citoyens de Bâle. «La promotion, l’encouragement et l’extension de tout ce qui est bien et louable, ce qui est d’utilité publique, ce qui augmente le bonheur du citoyen et de tous les êtres humains a droit à l’attention de la société». C’est ainsi que les statuts ont décrit le but de cette société. La GGG a offert des cours, a soutenu des malades, fondé des bibliothèques, une caisse d’épargne, des établissements de bains, des appartements d’ouvriers, des foyers pour les aveugles, les sourds-muets et les vieux et un sanatorium à Davos. Elle a soutenu des gens dans le dénuement et des prisonniers, au XXe siècle aussi des cours de loisir pour adolescents et étrangers et elle s’est occupée de malades mentaux. L’aide pratiqueLe banquier zurichois Johann Rudolf Schinz a été le successeur de Hirzel, décédé en 1817. Sous Schinz, le nouveau principe de travail de la SSUP était de poser des questions et chercher les réponses. Pour l’assemblée annuelle des membres, une question soigneusement réfléchie et formulée était posée et les membres pouvaient y répondre par écrit. Voilà un exemple de 1836: «Quelles sont en général les conséquences de l’introduction du système bancaire dans un pays du point de vue commercial, de l’économie nationale et de la morale? Est-ce qu’elles représentent un besoin pour un pays à l’intérieur de l’Europe, comme la Suisse dont les produits fabriqués sont les seules choses à livrer à l’économie mondiale […], et qui de plus n’a pas de dette nationale et pas de commerce d’actions d’Etat? […] Quels établissements bancaires et quel organisme seraient les plus adaptés pour nous et quelles relations auraient-ils avec les gouvernements?» Les résultats des contributions envoyées étaient lus lors de l’assemblée. C’est une manière de travailler que la SSUP a maintenue jusque dans les années 1870. Tandis qu’au début l’accent était surtout mis sur les discussions en commun, on a participé de plus en plus à l’entraide pratique vers la fin du siècle. Combattre la pauvreté par la formationLors de l’assemblée annuelle de 1823, le commerçant en textiles de Trogen, Johann Caspar Zellweger, a introduit l’idée de combattre la pauvreté par la formation, mais l’encouragement au savoir ne devait pas exclure la morale et la moralité. Il a indiqué que le commerce et l’industrie ne peuvent avoir du succès qu’en relation avec un certain niveau de formation, enseigné dans de très bons établissements d’apprentissage. «Allons donc, chers amis et confédérés! Veillons à prendre toujours la voie qui répand la vérité et la lumière autour de nous. […] Mais ne laissons pas notre zèle devenir trop frénétique, ni notre ambition de goûter les fruits de notre semence; mais que notre activité reste douce et réchauffante comme le soleil, et que la vérité se déploie de manière inaperçue, comme la lumière du jour réveille les bourgeons des plantes, et qu’avec nos efforts de créer de bonnes graines pousse aussi peu de mauvaise herbe que possible.» Renforcement de la pensée humaineDans les années 1830, sous l’influence de la SSUP, des associations de femmes ont été fondées, qui se sont occupées de l’éducation et de la formation de la jeunesse féminine. Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, il y avait déjà 1030 associations féminines d’utilité publique. La SSUP a encouragé la fondation d’autres sociétés d’utilité publique dans d’autres cantons. Utiliser les dons pour l’utilité publiqueEn 1862, a paru pour la première fois le «Journal suisse pour l’utilité publique», publié par la SSUP, dont le premier rédacteur et futur président de la SSUP était le jeune pasteur Johann Ludwig Spyri. Là, la discussion des assemblées devait être poursuivie sous une autre forme. Des débats suivis par des actesLe directeur de l’office de la jeunesse zurichois, Robert Briner, a énuméré lors d’une assemblée de la SSUP en 1932 les avantages de la bienfaisance privée et a caractérisé comme suit la façon de travailler de la SSUP: «Comme avantages les plus importants, nous citons la grande liberté dans la détermination de ses devoirs, dans le choix de ses méthodes de travail et dans l’utilisation de ses moyens. Pour cette raison, la SSUP a le bonheur de pouvoir agir en pionnière. Qu’un philanthrope clairvoyant découvre une misère, un maillon manquant dans le réseau des mesures sociales, une possibilité quelconque d’apporter de l’aide efficace, sans délai, il peut y engager alors les moyens qui lui semblent être les bons, il peut essayer de nouvelles voies, expérimenter et donner ainsi à la bienfaisance publique à la traîne des buts et une direction.» Sur le fond d’un humanisme conscientDepuis les années 1930, les questions de la jeunesse, de la pauvreté et de la criminalité ont toujours été discutées ainsi que la responsabilité de la famille, de la bienfaisance privée et de l’Etat pour l’éducation des enfants et des adolescents. La SSUP est devenue la fondatrice d’institutions plus humaines pour des adolescents livrés à eux-mêmes et criminels. En Suisse, entre 1810 et 1890, ont été créées un grand nombre d’institutions d’éducation et de rééducation. En 1835, une commission a été introduite à la SSUP qui s’est occupée de la formation d’instituteurs pour les pauvres. D’autres discussions ont eu lieu au sujet du droit pénal des mineurs, l’assistance sociale pour les jeunes, la protection des enfants et des femmes, une assurance pour les dommages élémentaires, des caisses d’entraide, des assurances individuelles et des assurances sociales, le soutien pour la «Fondation pour la vieillesse» (1918), plus tard Pro Senectute, la loi sur l’AVS, la fondation de la Schweizerischen Familienschutzkommission zur Unterstützung der Familie (1932) (Assemblée annuelle 1922: «Que peut faire la SSUP pour la famille?»), et une exposition itinérante au sujet des «Soins de la vie de famille» (1946), réalisation de «Semaines pour la famille», l’installation de maisons de commune sans alcool, la promotion du cinéma populaire et de l’épargne, l’installation d’universités populaires, la publication de brochures sur des thèmes divers, la promotion de vacances familiales et l’entraide à une époque de manque de relations en augmentation. En 1977, Thierry A. Freivogel a formulé lors d’une conférence publique les devoirs actuels de la SSUP de la manière suivante: «Capitulation devant l’intérêt personnel? Jamais! Celui qui se résigne devant l’agitation des temps, celui qui n’est pas prêt à laisser participer des autres à la beauté de ce monde, celui qui n’arrive pas à se contenter de moins pour que d’autres puissent se procurer le strict nécessaire, celui qui capitule devant le manque d’orientation de l’Occident moderne, celui-là s’abandonne lui-même. Car il passe à côté des seules choses qui comptent finalement. […] Ce n’est pas le devoir de la SSUP de faire de l’aide au développement, de faire de la recherche scientifique ou même de faire de la politique. Mais c’est son devoir d’aider à faire reposer toute notre activité, de quelque façon qu’elle se présente individuellement, sur le fond d’une humanisme conscient.» Au début des années 1990, la SSUP s’est occupée entre autre de la question: Qui s’engagera à l’avenir pour l’utilité publique? 1 Cf. la première parution «Freiwillig verpflichtet. Gemeinnütziges Denken und Handeln in der Schweiz seit 1800», Beatrice Schumacher, Editions Neue Zürcher Zeitung, Zurich 2010. Toutes les citations sont extraites et traduites de cette œuvre. |