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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°28, 16 septembre 2013  >  Au sujet du Jeûne fédéral [Imprimer]

Au sujet du Jeûne fédéral

Comment le «jour d’action de grâces, de pénitence et de prière pour toute la Confédération suisse» a été instauré

Nous, le maire et le Conseil de la ville et de la République de Berne, présentons notre volonté bien intentionnée à tous nos chers et fidèles concitoyens en ville et à la campagne en leurs communiquant ce qui suit:
Suivant la coutume pieuse de nos ancêtres, nous avons institué avec tous les louables cantons de la Confédération un jour commun d’action de grâce, de pénitence et de prière pour le 8 du mois de septembre de cette année.
Priez et faites pénitence, ainsi nous appelle Dieu par ses prophètes, notre Dieu, notre Père qui a donné son fils bien aimé pour pardonner nos péchés et notre ingratitude. Cet appel à la pénitence nous atteint aujourd’hui d’autant plus fort et plus audible, qu’un grand nombre d’événements nous rappellent le caractère éphémère de notre vie sur terre et attirent nos pensées vers celui qui tient dans sa main le destin des hommes. L’ange de la mort agite sa faucille avec puissance et ravage par ­milliers les enfants de la poussière, la sagesse humaine n’a pas encore pu limiter ce fléau dévastateur, seul le Tout-Puissant pourra y mettre un terme. Le flambeau de la guerre mène ses activités destructives dans plus d’un pays et cause des blessures de toutes sortes à ceux qui en sont les victimes. La discorde s’empare des Nations et cause leur perte, elle défait les liens les plus serrés que des générations entières ont noués pour des siècles, toute l’Europe chancelle et attend l’avenir avec angoisse: voilà des jours qui appellent réellement à la pénitence.
Il est vrai que jusqu’à présent notre patrie a été épargnée par une partie de ces maux, la guerre et les fléaux ne se sont pas encore abattus sur notre pays, et pour cela nous remercions Dieu avec sérieux, non pas uniquement par des paroles mais par le changement, il n’y a pas de remerciements sincères hormis ceux qui sont liés au respect envers le donneur et l’utilisation fidèle de ses cadeaux. Nous ne pouvons malheureusement pas encore nous vanter d’un tel remerciement vivant: notre mode de vie n’était pas devant Dieu, car aux déficiences morales – dont nous nous sommes déjà plains dans le passé –, telles l’indifférence envers la religion, l’exubérance, la luxure, la coquetterie et l’excitation, s’en sont ajoutées de nouvelles: la désobéissance envers les lois, la fréquentation immodérée des bistrots, les manquements aux devoirs professionnels et de plus en plus de détachement de la vie familiale. Mais pas seulement ceux qui doivent reconnaître leur culpabilité pour ces infractions, mais nous tous, nous avons péché, dans toutes les couches de la population, à tous les âges, nous avons enfreint maintes fois les commandements de notre Père tout-puissant qu’il a donnés aux hommes pour leur bien, afin qu’ils gagnent la vie éternelle. Nous tous, nous avons mérité punition et châtiment. Faisons donc sincèrement pénitence et implorons Dieu qu’il ne nous punisse pas selon nos péchés, mais qu’il nous pardonne pour l’amour de son fils, de notre Sauveur. Prions le Tout-Puissant qu’il nous envoie son bon et saint esprit, pour qu’à l’avenir nous puissions mieux vivre selon sa volonté que jusqu’à présent.
Implantez la crainte de Dieu, d’abord chacun dans son propre cœur, puis dans sa maison et ainsi dans le peuple tout entier. La crainte de Dieu est la base de tout bonheur. Avec elle, nos ancêtres ont garanti l’ordre et la discipline, avec elle, ils sont devenus travailleurs, satisfaits et ont exécuté tout devoir avec joie, avec elle, ils étaient forts face aux dangers et paisibles à l’heure de la mort. Luttons pour atteindre ce bien précieux et pour le faire revivre chez nous.
A cette belle vertu se lie l’amour du prochain, cette condition indispensable pour la satisfaction intérieure, avec elle le cœur est anobli et la vie embellie. Bannissez de vos cœurs les mauvaises passions, la haine, l’envie, la vengeance, l’égoïsme qui nous éloignent du Royaume de Dieu et qui détruisent tout bonheur d’autrui, qui font perdre toute valeur de nos propres biens, montrez l’amour et la bienveillance, afin que l’amour de Dieu soit avec vous. Aidez là où vous le pouvez, soulagez la détresse et la misère là où vous la trouvez.
Nous vous adressons un appel urgent dans ce sens, suite au grand malheur inattendu qui a frappé certaines régions de notre patrie. Des pluies incessantes et la fonte des neiges, précipitée suite à des vents chauds, ont fait enfler les courants d’eau venant des montagnes et les ont transformés en terribles torrents, qui ont emporté les ponts et les chaussées, détruit les maisons, inondé les vallées et les ont recouvertes à divers endroits de sable et de pierres. Nous avons secouru les malheureux avec tout ce que les autorités pouvaient offrir mais cela ne suffit pas, la détresse est grande et la misère variée, votre sens chrétien, votre cœur affectueux feront leurs preuves également à cette occasion.
Pour la dernière fois, chers concitoyens, nous vous annonçons cette journée de prière, nous espérons que cet appel trouve une grande résonance et qu’il éveille le sens de la pénitence qui mène à la vie éternelle.
Nous implorons Dieu, notre Père et Créateur tout-puissant, qu’il nous pardonne avec sa patience, qu’il ne nous juge pas selon ce que nous méritons mais selon sa grâce par notre Sauveur. Nous implorons sa bénédiction pour le pays, dont nous sommes responsables jusqu’à présent.
Pour que cette fête du Jeûne fédéral se passe dans le calme, nous ordonnons que la veille, dès quinze heures ainsi que ce jour de fête sainte, toutes les auberges et pintes restent fermées pour tout le monde, à l’exception des voyageurs étrangers.

Fait à Berne, le 24 août 1831.

 Chancellerie de Berne

(Traduit par Horizons et débats à partir du texte allemand de l’époque)