N’abandonnons pas à l’exécutif les négociations avec l’UE et l’OMCpar Marianne Wüthrich, ZurichEn décembre 2010, le Conseil national a accepté l’initiative parlementaire de Rudolf Joder par laquelle il demandait un débat de fond et une décision du Parlement avant que le Conseil fédéral entame des négociations sur les accords de libre-échange avec l’UE et l’OMC. Comme le libre-échange agricole aurait de graves répercussions sur l’avenir de l’agriculture suisse et la sécurité alimentaire du pays, le Parlement a approuvé l’idée du conseiller national selon laquelle la Chambre basse devait donner son accord sur cette question importante avant que le Conseil fédéral ne négocie. Il faudrait maintenant que le Conseil des Etats prenne conscience de sa responsabilité en matière de sauvegarde de la paysannerie suisse. La majorité des membres de la Commission de l’économie et des redevances (CER) se sont opposés, pour des raisons formelles, à ce que l’on en débatte au sein des Chambres et à voter sur la question de savoir si le Conseil fédéral pouvait faire du libre-échange l’objet de négociations avec l’UE et l’OMC. Ils estimaient que les compétences du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale en matière de négociations préalables à la conclusion d’accords et de traités internationaux étaient juridiquement clarifiées. Le Parlement ne doit pas influencer les négociations; il doit uniquement se prononcer à la fin pour ou contre le libre-échange. Pour la sécurité de l’approvisionnement alimentaire et une paysannerie prospère«La Confédération veille à ce que l’agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement: Se fondant sur cet article, Rudolf Joder, de nombreux signataires de l’initiative parlementaire et une importante minorité de la CER du Conseil national défendaient l’idée – convaincante – que la sauvegarde de l’agriculture suisse et la sécurité alimentaire étaient des questions trop importantes pour que le Parlement s’en dessaisisse. Le 13 décembre 2010, le Conseil national a approuvé cette idée par 90 voix contre 83: Il veut que les deux Chambres prennent une décision de principe sur la question de savoir si le Conseil fédéral doit continuer, conformément à sa mission constitutionnelle, à protéger l’agriculture suisse et à garantir la production indigène de produits alimentaires de qualité ou s’il veut exposer nos exploitations agricoles et les consommateurs à un afflux de produits agricoles bon marché et en partie de moindre qualité. Selon la réglementation actuelle, le Parlement et le peuple ne peuvent que tirer la sonnette d’alarmeSelon l’article 184-1 de la Constitution, «le Conseil fédéral est chargé des affaires étrangères sous réserve des droits de participation de l’Assemblée fédérale […]», c’est-à-dire qu’il décide notamment avec quels Etats il veut engager des négociations et sur quels traités ou accords. Avant d’engager des négociations sur d’importants accords internationaux importants ou s’il modifie les mandats de négociations, il doit consulter les commissions parlementaires compétentes, donc les Commissions de politique extérieure (CPE) des deux Chambres et, dans le cas du libre-échange agricole également la CER (art. 152-3 de la Loi sur l’Assemblée fédérale). Par conséquent, le Conseil fédéral doit obtenir l’accord des majorités des commissions mais pas celui des Chambres dans leur ensemble pour engager des négociations avec l’étranger. Ne donnons pas carte blanche aux fanatiques de l’adhésion à l’UE et aux partisans d’une économie de marché mondialiséeDans le monde actuel où ceux qui commandent sont les multinationales, uniquement orientées vers la recherche du profit, et les centralistes de Bruxelles, il n’est pas facile pour un petit Etat juridiquement indépendant comme la Suisse de prendre des décisions sans subir de pressions manifestes ou dissimulées. A cela s’ajoute le rôle discutable joué par de nombreux médias qui font de chaque déclaration de politicien une affaire d’Etat. Réfléchir avant d’agirDans tout ce débat imaginaire ne sont représentés ni le Parlement ni le peuple ni le secteur agricole qui est le premier touché par le dossier libre-échange agricole. Notre démocratie directe très développée devrait mettre le holà. Le Parlement et la population, qui décidera en dernier ressort, se demandent si nous voulons un tel bouleversement de notre politique agricole qui a fait ses preuves et de notre approvisionnement alimentaire de qualité. Voulons-nous voir disparaître progressivement nos paysans? Voulons-nous importer des produits de l’industrie agro-alimentaire plutôt que ceux des paysans de nos régions? Voulons-nous vraiment cela? Voulons-nous un marché de l’électricité sans frontières alors que nous sommes très satisfaits de notre système de centrales organisé et contrôlé aux plans local et régional? En outre, il y a quelques années, à l’initiative de l’Union syndicale suisse, le peuple a refusé la libéralisation du marché de l’électricité lors d’un référendum et on l’a trompé peu après avec un projet pratiquement identique. Voulons-nous que notre production d’électricité contrôlée démocratiquement disparaisse dans le gigantesque réseau européen? Le voulons-nous vraiment? En Suisse, c’est le peuple qui décide en dernier ressortEn Suisse, le peuple est souverain. C’est en cela que réside la différence entre la démocratie directe et la démocratie représentative. Nous demandons à l’UE qu’elle considère la Suisse comme une partie contractante jouissant des mêmes droits et qu’elle la respecte en tant qu’Etat souverain. Si la conception des accords internationaux de l’UE est trop unilatéralement favorable à cette dernière, nous disons non. D’ailleurs, la Suisse peut dénoncer des accords bilatéraux déjà conclus, par exemple Schengen et la libre circulation des personnes si l’UE ne nous traite pas avec équité. Dans les relations internationales comme dans toutes les relations, les deux parties doivent toujours être prêtes au compromis. |