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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°22, 28 mai 2012  >  Poser un jalon en faveur d’une agriculture sans OGM [Imprimer]

Poser un jalon en faveur d’une agriculture sans OGM

Accepter la motion concernant la prolongation du moratoire sur le génie génétique

Interview de Markus Ritter, Conseiller national et président de l’Association saint-galloise des paysans

thk. L’année prochaine, la prolongation du moratoire sur le génie génétique arrive à expiration. Le conseiller national Markus Ritter a déposé au bon moment une motion qui demande une nouvelle prolongation temporaire du moratoire. Les citoyens et citoyennes suisses souhaitent l’abandon du génie génétique.
Le fait qu’il existe actuellement un pareil moratoire remonte à l’initiative populaire fédérale «Pour des aliments produits sans manipulations génétiques» qui a été votée en 2005 et qui a été clairement acceptée par 55,7% de la population et par les 26 Etats (cantons et demi-cantons). Elle interdisait alors pour cinq ans la dissémination d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et le moratoire fut prolongé de trois ans en 2010 déjà. Le Parlement décidera à la session d’été d’une nouvelle prolongation.

Monsieur Ritter, votre motion demande une prolongation du moratoire sur le génie génétique. Quel est le but de ce moratoire?

Le but est d’empêcher la dissémination, c’est-à-dire l’introduction et l’utilisation en Suisse de plantes génétiquement modifiées. Cela ne concerne pas la recherche, mais la dissémination. Ceci veut dire que les plantes génétiquement modifiées ne peuvent pas être utilisées pour la culture. C’est l’essentiel des buts tel qu’il est décrit dans le moratoire et la loi sur le génie génétique, aujourd’hui déjà.

Qu’est-ce que ça signifie?

Il s’agit de nouveau d’une solution temporaire qui règle précisément par la loi l’interdiction de la dissémination. Le Conseil fédéral préfère régler le problème par la Loi sur le génie génétique plutôt que par la Loi sur l’agriculture.

Ne serait-il pas judicieux qu’on renonce par principe au génie génétique dans les cultures?

Ce qui fait sens en ce moment, c’est d’attendre que les résultats de la recherche qui font encore défaut soient présentés; un rapport doit être publié à ce sujet en été. Il est actuellement très important que les citoyennes et citoyens de notre pays refusent en tant que denrées alimentaires les produits génétiquement modifiés. Il n’y a pas de volonté d’en acheter, principalement en raison de la crainte d’effets secondaires, de risques qu’on ignore. Pour nous, la demande du marché est évidemment décisive pour répondre à de pareilles questions. Par ailleurs, dans la mise en culture, les connaissances actuelles nous disent qu’il n’y a pas de plantes qui présentent un avantage important pour l’agriculture suisse, de sorte qu’il serait insensé de prendre un risque en ce moment. Ni la mise en culture, ni la demande n’indiquent qu’il conviendrait d’opter pour le génie génétique.

Il n’y aurait donc pas de désavantage pour l’agriculture de continuer à renoncer au génie génétique?

Non, ce n’est qu’un avantage, puisque nous ne constatons ni dans la culture, ni dans les ventes un avantage visible. Les seuls qui font pression sont ceux qui travaillent dans la recherche parce qu’ils veulent résorber le potentiel du marché. En Suisse nous profitons de l’avantage que, contrairement à d’autres pays, nous pouvons décider librement de notre politique agricole. Nous pouvons décider nous-mêmes ce qui est admis et ce qui ne l’est pas, comment nous voulons régler cela par la loi etc. L’agriculture suisse a évidemment vécu quelques exemples qui ont déstabilisé les consommateurs, ce qui a entraîné de gros dégâts pour l’agriculture. L’encéphalopathie spongiforme (viande bovine), la grippe aviaire (volaille) et l’année passée la situation survenue avec les concombres (fausse nouvelle concernant l’agent pathogène Ehec), nous ont évidemment rendus très prudents avant de nous engager face à de nouveaux risques avec des plantes modifiées, dont nous ignorons les effets secondaires.
Pour nous, la production de produits alimentaires sains est primordiale. Lorsque le citoyen en tant que consommateur est déstabilisé, les marchés s’effondrent d’un jour à l’autre, et ceci dans le domaine concerné. Il n’est dès lors plus possible de faire machine arrière. Lorsque la plante génétiquement modifiée est plantée en pleine terre, son patrimoine héréditaire se mélange à celui des plantes génétiquement non modifiées, et ça c’est irréparable.
On parle toujours de coexistence. Mais personne ne parle du financement de la coexistence et de la garantie des mesures de sécurité en cas de dommages. La Confédération a dans cette situation plusieurs fois prouvé qu’elle n’est pas prête à prendre à sa charge des dommages quelconques. C’est pourquoi nous sommes très prudents dans ce domaine et nous collaborerons très étroitement avec nos partenaires commerciaux et avec les consommateurs.

Comment voyez-vous la situation de l’agriculture et de la soi-disant ouverture du marché? «économiesuisse» répand de curieux arguments, en disant que la mort des paysans se déroule trop lentement, que par conséquent le marché ne peut pas jouer et d’autres absurdités de ce genre.

J’ai souvent discuté avec économiesuisse et là, le problème c’est qu’ils interprètent mal le fonctionnement des marchés agricoles. L’agriculture produit localement. Nos marchés sont des marchés de matières premières, ce qui signifie que nous produisons des matières premières standardisées en grandes quantités destinées à la transformation qui ne peuvent que peu se différencier en qualité d’un producteur à l’autre (céréales, lait etc.). Après transformation, ces produits ont des critères de distinction marqués qui peuvent être perceptibles pour l’acheteur. La transformation des denrées alimentaires provoque la différenciation et donc création de valeur du marché.
C’est pourquoi des règles différentes s’appliquent pour les marchés agricoles que pour d’autres domaines tels que les marchés industriels ou les services. Les produits agricoles sont très sensibles aux prix, et ils réagissent très fortement à des faibles variations de l’offre et de la demande.

Quelles sont donc les caractéristiques de notre agriculture?

Notre agriculture est très fortement basée sur des entreprises familiales. C’est très important et c’est quelque chose de décisif. Avec les revenus que nous dégageons dans l’agriculture il est très difficile d’occuper de la main d’œuvre extérieure.

Pour les paysans, le calcul des coûts est donc devenu de plus en plus étroit et difficile. Il est rare qu’on tienne compte à sa juste valeur de la prestation des paysans.

Quand on pense à ce que les denrées alimentaires nous coûtent, ça ne fait plus que 7% pour le citoyen avec un budget familial moyen (sans consommation de gastronomie). C’est un montant relativement modeste.
Les dépenses de la Confédération en faveur de l’agriculture ont constamment diminué par rapport au budget total. Pour l’agriculture, nous en sommes à environ 6% du volume total du budget fédéral. Alors que dans notre pays, l’agriculture contribue énormément à la qualité de la vie par ses prestations. Nos familles de paysans cultivent environ la moitié de la surface du pays. En plus de la production de produits alimentaires sains, la paysannerie contribue énormément aux zones de villégiature de proximité et au tourisme.

Le Rapport mondial sur l’agriculture confirme exactement ce que vous dites. Une agriculture de petite taille, composée d’exploitations familiales est destinée en particulier à l’approvisionnement de la population et non pas à la bourse et à la lutte pour les parts de marché. C’est la seule façon d’assurer l’approvisionnement de l’humanité croissante en denrées alimentaires.

Oui, c’est bien ça. Ce qui est dramatique pour moi, c’est de constater que des gens qui ont une bonne formation, répandent souvent des idées à moitié ou tout à fait fausses et qui plaident en faveur d’une agriculture industrielle avec des monocultures à grandes surfaces. Cela ne peut et ne doit pas se faire.

En ce qui concerne l’agriculture, vous vous basez évidemment sur votre expérience. Vous êtes vous-même actif dans l’agriculture.

Oui, nous avons un domaine agricole en zone de montagne 1. Notre exploitation comprend 28 hectares où nous produisons du lait, faisons de l’élevage, de l’arboriculture fruitière de haute tige et encore un peu d’agriculture.
Nous sommes organisés en exploitation familiale. Deux collaborateurs et une stagiaire nous soutiennent.

Comment voyez-vous l’avenir de notre agriculture?

Si nous considérons les grandes tendances du développement, notre agriculture aura un avenir, pas seulement en Suisse, mais dans le monde entier. La population continuera à augmenter fortement, ce qui fera progresser la demande de denrées alimentaires. L’Organisation mondiale pour l’alimentation de l’ONU prévoit pour l’an 2050 une population mondiale de neuf milliards de personnes. Dans les décennies qui viennent, il sera plus difficile de nourrir l’humanité, ce sera un très grand défi. La production de denrées alimentaires acquiert ici une importance de plus en plus grande. Pour nous en Suisse se pose avant tout la question de savoir comment on peut freiner la perte de surfaces agricoles et rendre le métier de l’agriculteur attrayant par rapport à d’autres professions. Les conditions requises dans ce domaine doivent avant tout être trouvées au sein de l’Etat. Je suis persuadé que l’agriculture représente un facteur très important dans le positionnement concurrentiel entre la Suisse et l’étranger. Des denrées alimentaires saines, nos magnifiques paysages, les prairies de montagne et d’estivage soignées, les traditions vivaces et notre culture représentent des caractéristiques uniques de la Suisse.

Permettez-moi de revenir sur le moratoire. Est-ce qu’il trouvera une majorité au Parlement?

Les chances sont bonnes parce qu’un grand nombre de parlementaires l’ont soutenu et parce que le Conseil fédéral s’est également prononcé pour une acceptation de la motion. La question qui se posera ensuite, c’est de savoir quelle forme le Conseil fédéral donnera au projet et quel sera le suivi à moyenne échéance. Nous devons attendre les résultats de l’Institut de recherches et mener de nouveaux entretiens avec des organisations qui nous sont proches. Ensuite, on pourra fixer la manière d’agir à venir. Ce qui importe, c’est qu’on a désormais posé un jalon en faveur d’une agriculture sans OGM.

Je vous remercie chaleureusement de cet entretien.    •

«Nos animaux refusent …»

gs. Dernièrement, j’ai de nouveau rencontré ma camarade de classe. Elle m’a raconté – entre bien d’autres choses – une observation d’un grand intérêt: ses moutons et ses chèvres refusent de manger de la nourriture qui contient du soja OGM. Dans son exploitation, on ne donne que de la nourriture provenant de sa propre production. Lorsque, en élevant de jeunes agneaux et chevreaux, elle leur servit de la nourriture conventionnelle pour jeunes animaux, la mère des petits s’approcha d’abord de l’auge, la renifla puis s’en détourna la tête haute. Et voyez-vous: aucun des petits n’en prit ne fût-ce qu’une miette! Le jour suivant, l’écuelle resta intouchée, sur quoi ma collègue l’enleva pensivement. Lorsqu’elle interrogea son fournisseur, celui-ci lui avoua que son produit contenait un certain pourcentage de soja moulu provenant de pays dans lesquels il n’y a pas d’interdiction de cultures OGM. Elle ajouta qu’elle éprouvait le plus grand respect pour ses animaux mères …