Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  No 27, 10 novembre 2014  >  Le «miscanthus géant»: une ressource renouvelable végétale pour l’avenir [Imprimer]

Le «miscanthus géant»: une ressource renouvelable végétale pour l’avenir

par Pierre A. Krenger, Pully

er. Le miscanthus géant est une plante peu connue. Il y a dans divers pays des centres de recherche dont notamment les centres fédéraux d’Agroscope en Suisse et l’Université de Hohenheim (agriculture) en Allemagne. Il est intéressant que cette plante semble pouvoir prospérer là où la nature du sol ne suffit pas pour des plantes utiles alimentaires. Cette plante est intéressante en tant qu’alternative aux granulés de bois, car elle a un rendement énergétique plus élevé. En outre, il existe un large éventail d’autres utilisations très diverses. Dans notre époque, où on donne grande importance aux ressources renouvelables, cette plante pourrait avoir un grand avenir devant elle.

En me rendant un jour à une réunion d’anciens camarades de service militaire, dans la région de Nyon, j’ai été intrigué par un champ sur lequel s’élevaient des tiges hautes comme du maïs. Qu’est-ce que c’est que cette drôle de végétation, me dis-je, papyrus, bambou, canne à sucre? – Par chance, je tombe sur un connaisseur en lançant la question à la ronde: un ancien banquier qui consacre tout son temps de retraité à développer la culture du miscanthus en Europe de l’Est. Par la suite, je l’ai accompagné dans une tournée passionnante, pleine de découvertes et porteuse d’espoir, jusqu’en Turquie!
Le roseau de Chine connaît un grand nombre d’utilisations et résout de nombreux problèmes liés au développement durable. Tout est utilisable de cette plante pleine de ressources et rien ne se perd!
Le miscanthus giganteus de son nom scientifique, est une graminée ligneuse, hybride, stérile et pérennante (vivace) originaire d’Asie du Sud-Est.1

Plantation

Le miscanthus part d’un rhizome2 sur lequel se développent des bourgeons constitués de feuilles rugueuses en forme d’écaille. Chaque bourgeon donne une tige. Pour produire des rhizomes, on déterre après trois ans le rhizome mère pour en séparer les 60 à 80 rhizomes filles qui seront destinés à une nouvelle culture. Le rhizome, tige souterraine, bourgeonne pendant 20 à 25 ans. Trois ans après la plantation s’élèvent des tiges d’un diamètre de 10 mm, semblables à des roseaux, et pouvant mesurer jusqu’à trois, voire quatre mètres de haut.
Le miscanthus améliore le sol sur lequel il pousse: en tombant chaque hiver, les feuilles produisent une couche d’environ 1–2 cm d’humus. Il n’a pas besoin de fertilisants ni d’autres apports: il se nourrit par ses propres feuilles en décomposition. Il lutte contre l’érosion de la terre grâce à ses racines très profondes. La terre est stabilisée et les eaux de ruissellement ne l’emportent pas. Un champ de miscanthus est favorable à la nature et aux animaux puisque c’est un excellent abri pour la faune sauvage, et notamment les oiseaux, dont les dates de nidification ne coïncident pas avec les dates de récolte, contrairement par exemple aux céréales.

Récolte

La première récolte «commerciale» a lieu deux années après l’année de plantation. La productivité à ce stade équivaut à la moitié de la production maximum, atteinte en 4e ou en 5e année. Dès ce moment, on procède tous les printemps à la récolte, sans intervenir durant l’année, et ceci pour une durée de 20–25 ans environ.
Le miscanthus s’adapte à tous les types de sols. Il se contente aussi d’un sol pauvre, de sorte qu’il n’entre pas en concurrence avec des cultures vivrières: il n’a besoin ni de fertilisants, ni d’un entretien quelconque.
Le miscanthus se cultive sur des sols de classe 2 ou 3, alors que le blé a besoin de sols de classe 4 à 5 (6 étant le maximum). Il ne constitue donc pas une concurrence aux céréales, celles-ci ayant besoin de sols plus riches en nutriments, donc plus chers à l’achat et à l’entretien. En Europe de l’Est par exemple, le miscanthus peut être implanté sur des terres à pâture pour petit bétail, les terres à blé étant trop chères.
En Europe de l’Ouest, le rendement par hectare est de 15 à 25 tonnes de matière sèche. L’Université de l’Illinois (USA), grâce à une irrigation soutenue, a obtenu 40–60 tonnes par hectare.
Le transport et le stockage volumineux exigent des centres de transformation qui ne soient pas trop éloignés (25–30?km), de sorte que le plus rentable est de le consommer et transformer localement.

Utilisations

C’est en l’utilisant comme source d’énergie, renouvelable et favorable à l’environnement, que le miscanthus atteint son utilité maximale.

La valorisation énergétique

Le miscanthus peut être utilisé pour la production de chaleur, d’électricité et de biocarburant.
Le meilleur rendement du miscanthus est atteint pour le chauffage.
Son pouvoir calorifique est élevé (18 MJ/kg): 20t de miscanthus égalent 14t de charbon ou 50t de lignite. Autrement dit, 4500 kWh/t, contre 3300 pour la plaquette de bois (à poids égal). Comparé au bois, on n’a pratiquement pas besoin de sécher le miscanthus, son taux d’humidité étant plus faible (14%). Comme le bois, le miscanthus peut être déchiqueté puis pressé en briquettes ou en granulés. La production d’un hectare de miscanthus équivaut à 5000–6000 litres de mazout.
A part les habitations, on peut chauffer des halles industrielles, des serres, des fours à céramique etc.
En Roumanie, à Vanatori par exemple, la culture et l’utilisation subséquente du miscanthus va animer des villages (peuplés en partie de tziganes) jusqu’ici «morts».
A Drax, en Grande Bretagne, on brûle dans une grande centrale thermique un mélange de miscanthus à 50% avec du charbon.
Mais n’oublions pas qu’à l’échelle des polluants, le plus polluant est la lignite, suivie du charbon, alors que le miscanthus ne pollue presque pas l’air.
Pour produire de l’électricité à partir de miscanthus, il faut passer par les étapes d’une chaudière à très haute température qui produit de la vapeur d’eau, introduite dans une turbine qui fait tourner un générateur.
A Eccleshall, près de Stafford en Angleterre, la biomasse de miscanthus (25'000 tonnes annuellement) fournie par une coopérative d’une soixantaine d’agriculteurs sur une surface d’environ 1500 hectares alimente une usine qui produit l’électricité (20'000 MWh) consommée par les 2600 foyers de l’endroit. L’électricité est produite à l’aide d’une génératrice de 2,6 MW alimentée par une turbine à vapeur. Eccleshall – qui produit 65% d’électricité «verte» et 30?–35% de chaleur – prouve que le bilan énergétique du miscanthus est nettement positif.

Les valorisations non énergétiques

A part l’énergie, le miscanthus offre une large palette de produits biologiques dont la matière première, rappelons-le, est renouvelable.

1. Litières

Le cœur spongieux de la tige confère au miscanthus un grand pouvoir absorbant (presque trois fois son poids d’eau), permettant de réduire le niveau de pathogènes par rapport aux paillages classiques; de plus, le miscanthus est trois fois plus absorbant que la paille de blé. Les animaux ne le mangent pas.

2. Paillage pour plantes d’ornement

Le miscanthus permet de lutter efficacement contre la repousse des mauvaises herbes dans les massifs et permet ainsi de protéger les plantes en évitant la concurrence. Avec son excellente capacité de rétention en eau, il limite l’évaporation de l’eau du sol et permet de réduire les arrosages.

3. Remplacement du PVC et du propylène

Les tiges de miscanthus ont des propriétés particulières, notamment de solidité et d’élasticité. Le miscanthus peut par conséquent être utilisé dans de très nombreuses applications, par exemple pour des objets en bioplastique fabriqués à partir de miscanthus moulu, auquel on ajoute deux autres composants.
En Suisse, en production préindustrielle, on fabrique des cartes à puce, des cartes de visite, des gobelets, des attaches pour plantes grimpantes (tomates, vignes etc.), du papier, des supports de livres etc.

4. Pots de fleurs biodégradables

Les pots de fleurs entièrement biodégradables (biopots) constituent un débouché important. Ils sont constitués de miscanthus et de liants d’origine naturelle. Le miscanthus est déjà utilisé dans cette industrie aux Pays-Bas.

5. Industrie du bâtiment

Le miscanthus peut être utilisé pour la production de béton léger, d’enduits, de chapes, de constructions en torchis, de plaques d’isolation, de briques, de crépi etc. Les parois avec miscanthus «respirent» en évitant la formation de condensation au milieu du mur. En panneaux, c’est un produit idéal pour l’isolation thermique dans les deux domaines de la fraîcheur et de la chaleur.
Comparée aux produits en béton, la fabrication de panneaux de miscanthus nécessite beaucoup moins d’énergie. Pour les briques, l’argile et le caolin non renouvelables sont également remplacés par le miscanthus, produit renouvelable. Leur poids pèse un tiers de l’équivalent en béton ou de briques en terre. Enfin, les produits à base de miscanthus sont facilement biodégradables une fois déchiquetés.
Le miscanthus peut également servir à la fabrication de murs anti-bruits. Ces murs absorbent mieux que les murs anti-bruits conventionnels et correspondent aux normes UE: résistance au feu, aux graffitis, aux impacts de pierres etc.
Des maisons et des bâtiments divers peuvent être construits à partir du miscanthus: 1ha récolté et 30m³ de bois résineux suffisent pour obtenir les matériaux nécessaires à la construction d’une maison individuelle. Les panneaux de miscanthus n’étant pas porteurs, la stabilité de la maison est assurée par des poutres en bois laminé.
En Suisse, à Bannwil (BE), une maison en miscanthus a été construite en 2007. Le chauffage au miscanthus permet une économie de chauffage de 60% par rapport à un système traditionnel. A St-Blaise (NE), une autre maison familiale s’est terminée il y a un an. A Gals (BE), s’élève un immense hangar de poutres métalliques et de panneaux de miscanthus pour les parois, qui abrite des machines et des engins agricoles.

6. Industrie automobile

Le miscanthus peut être intégré dans la fabrication de volants, pare-chocs, enjoliveurs, tableaux de bord, et portières. Mercedes-Benz à Stuttgart fabrique des volants contenant du miscanthus.

Bref historique

Introduite dans de nombreux pays, la culture du miscanthus a un peu de peine à décoller en Europe, principalement en raison d’un manque de débouchés.
En son temps en Suisse, le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, chef du département de l’Economie, avait lancé l’idée en accordant une aide financière aux premières expériences. Actuellement, il existe une nouvelle association des cultivateurs de miscanthus, la IGM (Interessengemeinschaft Miscanthus) fondée en 2000, qui prône la culture de cette plante magique. Elle reçoit un soutien des pouvoirs publics. Son président habite d’ailleurs la maison de St-Blaise citée ci-dessus.
Dans nos régions, en hiver, on pourrait remplacer les barrières contre les congères par d’étroites haies de miscanthus, faisant office de pare-neige. On éviterait les dépenses importantes dues à la fabrication et à la manutention répétée de ces barrières en lattes de bois, par ailleurs fort laides.

Réalisations suisses en Europe de l’Est

«Biocarbol», est un projet initié et piloté par une société suisse, ETIA Management AG, en collaboration avec IGM. Ce projet a pour vocation, au cours d’une phase initiale de produire des rhizomes et par la suite de planter du miscanthus à grande échelle en Bulgarie et en Roumanie. Ce faisant, ce projet à caractère «écologique» et «énergie renouvelable», prend avantage des prix des terrains et de la main d’œuvre qui sont nettement plus bas en Bulgarie et en Roumanie qu’en Europe occidentale. Il est également prévu de transformer sur place la plus grande partie de la production de miscanthus, une fois celle-ci mise sur pied, essentiellement en électricité «verte» et en panneaux de construction.
Le projet «Biocarbol», qui a démarré en 2009, a déjà réalisé diverses «plantations pilotes» dans ces deux pays et devrait atteindre sa vitesse de croisière au cours des prochains 18 mois.
Par ailleurs, il est également intéressant de noter que le projet «Biocarbol» est aussi à l’origine d’un projet pilote de réhabilitation, par le biais du miscanthus, de terres polluées (métaux lourds) à Copsa Mica (Roumanie) et de terres résiduelles d’une importante mine de lignite en Bulgarie.    •

1    Le Miscanthus × giganteus est une espèce hybride de plantes herbacées de la famille des Poaceae. Elle résulte du croisement par l’homme de Miscanthus sinensis et Miscanthus sacchariflorus, dont il existe des formes génétiquement très différentes. C’est une plante stérile et non invasive.
2    Le rhizome est la tige souterraine et parfois subaquatique remplie de réserve alimentaire chez certaines plantes vivaces. Le rhizome diffère d’une racine et du tubercule par sa relative horizontalité, sa structure interne et en ce qu’il porte des feuilles réduites à des écailles, des nœuds et des bourgeons, qui produisent des tiges aériennes et des racines adventives. Exemple: le gingembre.

Le miscanthus ou roseau de Chine, ou encore herbe à éléphant constitue sans doute un encouragement pour les bioénergies. Riche en lignocelluloses, cette plante offre une nouvelle filière d’énergie renouvelable dans le cadre d’une politique énergétique durable et de diminution des émissions de gaz à effet de serre.