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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°49/50, 29 décembre 2010  >  Union européenne: la Suisse ferait bien de rester à l’écart [Imprimer]

Union européenne: la Suisse ferait bien de rester à l’écart

Elle doit se rendre indépendante du marché européen

par Frédéric Walthard*

Dieter Freiburghaus écrit dans la dernière édition des «Schweizer Monatshefte» [no 976, mars 2010 (ndlr.)] que le fait que la Suisse reste à l’écart de l’UE s’est transformé, suite aux Accords bilatéraux et à l’adoption du droit européen, en une adhésion de fait sans droit de vote. Il considère qu’au fond ce n’est pas si grave, puisque «l’UE n’est pas un Etat, n’a pas le monopole des pouvoirs, pas de poli­tique étrangère et de sécurité commune, pas de système de protection sociale et que son budget est relativement limité». L’UE a avant tout pour but de créer un marché efficace pour les marchandises, les services, les capitaux et le travail et de protéger ce marché intérieur contre «des entraves non tarifaires au commerce» au moyen de régulations centralistes.
C’est cependant justement avec de telles réglementations centralistes qu’un monopole des pouvoirs a été développé. Tout à fait dans l’esprit de Jean Monnet, un des fondateurs de la Communauté européenne, on a, à la fin des années 50, délégué à l’UE supranationale la compétence de légiférer et de développer une politique commune dans tous les domaines de vie. Concrètement, ce sont les politiques étrangères, de sécurité et de paix, les actions humanitaires et militaires communes («Eurocorps») de même que les mesures financières pour l’euro. Aujourd’hui, tout cela est inscrit dans le Traité de Lisbonne et se traduit par des institutions spécifiques: Conseil européen, Commission européenne, Parlement européen et tribunaux.
Examinons de plus près le fonctionnement de l’UE. Jacques Delors, président de la Commission européenne pendant de longues années, avait signalé qu’une augmentation rapide des membres de l’UE nécessiterait davantage de cohérence dans les normes européennes et les institutions interétatiques. Seul un noyau décisionnel fort pouvait permettre l’évolution rapide de l’UE en direction d’une fédération européenne.
Dans cet esprit, le Traité de Lisbonne, maintenant ratifié, prévoit dans tous les domaines relevant de l’Etat qui ne ressortissent pas à l’économie, de prendre dès 2014 les décisions de transfert de compétences à la communauté à la majorité qualifiée. Concrètement, cela signifie que les négociations durant des nuits et la recherche de l’unanimité appartiennent au passé. Cela, ajouté à la nouvelle pondération des voix, permettra au noyau dur des membres importants de l’UE, mené par le tandem Merkel/Sarkozy, d’élargir l’UE.
Les nombres de voix nécessaires sont précisés dans le Traité de Lisbonne. Les 6 grands pays – Allemagne, Grande-Bretagne, France, Italie, Espagne et Pologne – ont droit à 29 et 27 voix chacun, ce qui fait au total 270 voix. Pour les autres pays il est prévu au maximum 14 voix (Roumanie), 13 pour les Pays-Bas puis de moins en moins jusqu’à 3 pour Malte: au total 175 voix. En ce qui concerne la majorité qualifiée, les 255 voix sont plus facilement atteintes par le groupe des grands pays que par une majorité de petits. A ce tarif, la Suisse arriverait dans le meilleur des cas à 10 voix dans le groupe Autriche/Suède, mais plutôt à 7 voix dans le groupe Danemark/Finlande. Donc nous n’aurions pratiquement rien à dire.
Ce règlement, qui entrera en vigueur en 2014, rappelle la thèse d’une Europe à plusieurs vitesses. Ainsi, un petit noyau va prendre les décisions déterminantes dans l’Europe future. Tous les autres pays de l’UE devront être persuadés ou au besoin obligés de suivre. Le fonctionnement de ce mécanisme, nous avons pu l’observer en Suisse lors de la reprise «autonome» d’une grande partie du droit de l’UE en tant que Swisslex ainsi que plus ou moins dans les solutions adoptées pour le trafic terrestre et la libre circulation des personnes dans les Accords bilatéraux. Les prochains projets sont déjà en route: l’abolition du secret bancaire et l’harmonisation fiscale dans toute l’Europe.
Ainsi le nombre de voix des petits pays membres jugé souhaitable par de nombreux Suisse est devenu une non-valeur. Aussi la Suisse fait bien de rester à l’écart et de tirer parti de ce qui reste de la treaty-making-power pour se défaire de la dépendance par rapport au marché européen grâce à un ensemble étendu de traités avec des Etats tiers. Cette voie présente sans doute des risques et exige un surcroît de travail. Mais elle nous permet au besoin de dénoncer les Accords bilatéraux et surtout Schengen. Cette option garantit l’indépendance dont nous aurons besoin à l’avenir.    •

Source: Schweizer Monatshefte no 977, avril/mai 2010. (Traduction Horizons et débats)

* Frédéric Walthard, né en 1921, est docteur en droit. Il a travaillé dans le corps diplomatique,
notamment comme chef du service juridique du consulat général de New York et à l’ambassade
de Washington.

L’Union syndicale suisse critique l’UE

thk. L’Union syndicale suisse (USS) a remis une lettre de protestations à l’ambassadeur de l’UE en Suisse, Michael Reiterer, dans laquelle elle s’oppose au risque de voir les autorités de l’UE essayer de supprimer certains éléments essentiels des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes concernant notamment la protection des salaires. En 2009, la Suisse a négocié ces mesures avec les Etats concernés. Dans sa lettre, l’USS écrit qu’il s’agit là du «non-respecu du principe de bonne foi». Le but de cette protection des sa­laires est d’empêcher que les entreprises européennes opérant en Suisse payent à leurs ouvriers des «salaires coloniaux» et ainsi de prévenir le dumping salarial.
L’acceptation par les syndicats de la libre circulation des personnes était liée à ces mesures d’accompagnement. Pour Unia (Syndicat interprofessionnel) également, les mesures de protection ne sont pas négociables. Dans cette situation, les déclarations de Reiterer, selon lesquelles l’UE est elle aussi intéressée par une protection contre le dumping salarial, sont plutôt une manifestation de la langue de bois qu’une déclaration d’homme d’Etat. Le fait que les entreprises étrangères doivent donner un préavis de huit jours avant le début des travaux afin qu’on puisse identifier un éventuel dumping salarial revient, selon Reiterer à «une interdiction de travail de huit jours». Voilà où en est l’honnêteté et la sincérité dans les contacts de l’UE avec la Suisse en matière de protection contre la sous-enchère salariale!