Mettre les règles commerciales au service des droits humainsCampagne œcuménique 2010 – Misons sur un commerce justeLe nombre de victimes de la faim et de la malnutrition a de nouveau dramatiquement augmenté: si, lors de la campagne œcuménique 2008, nous estimions encore le nombre de personnes affectées à 854 millions, la barre du milliard est désormais atteinte. Or, la production actuelle d’aliments suffirait à nourrir toute la planète. En 2008, année de crise, les récoltes ont d’ailleurs été très bonnes. Cette constatation montre à elle seule que la simple augmentation de la production ne suffit pas à résoudre le problème de la faim dans le monde. Même si la production doit augmenter pour compenser la croissance démographique, il est encore plus important d’adopter des modèles de production et de consommation équitables et durables. Pour ce faire, il faut encourager une agriculture durable qui respecte les personnes et l’environnement. Dans les pays du Sud, il est particulièrement important de soutenir les petits paysans. En Suisse, l’achat de produits bio locaux de saison et de produits du commerce équitable (labellisés Max Havelaar, p. ex.) constitue un pas en avant. Pour lutter durablement contre la faim dans le monde, il faut toutefois aussi que le système commercial international, à la charnière entre la production et la consommation, adopte des règles éthiques. Dans leur campagne 2010, Action de Carême et Pain pour le prochain lancent le débat sur les principes du commerce équitable et sur de nouveaux régimes économiques. Les deux organisations mettent en exergue l’importance du marché local et montrent qu’une autre politique commerciale et économique, inspirée par les droits humains, est non seulement possible, mais aussi nécessaire. Nous ne sommes pas démunisLa campagne s’adresse aux consommatrices et consommateurs que nous sommes tous. Il ne tient qu’à nous d’exiger que les articles que nous achetons satisfassent à des critères sociaux et écologiques. En optant pour des produits du commerce équitable, nous persuadons entreprises et commerçants que l’origine et les conditions de production des biens et services comptent pour nous. Les produits du commerce équitable ne devraient cependant pas se cantonner à notre famille, mais devraient aussi figurer en bonne place dans nos paroisses et nos lieux de travail. Dès lors, la campagne nous appelle aussi à nous engager pour que notre entourage soit réceptif aux biens et services produits dans le respect des personnes et de l’environnement. Lors de la campagne œcuménique de 2007 «High Tech – No Rights?», nous avions montré qu’il est important, pour lutter contre la faim et la pauvreté, de produire, de commercialiser et finalement d’acheter aussi des produits comme les ordinateurs dans le respect de la durabilité. Toutefois, ces considérations ne s’arrêtent pas aux biens et doivent aussi être motif à réflexion lorsque nous sollicitons des services, comme des voyages à l’étranger. Lorsque le commerce international produit la faim …Pour les personnes du Sud, les règles commerciales équitables revêtent une importance vitale. Malheureusement, de nombreux exemples montrent que le commerce international porte atteinte au droit à l’alimentation d’un nombre incalculable de personnes. La plupart des pays riches subventionnent leurs paysans et paysannes pour que ceux-ci puissent vendre leur récolte à l’échelle mondiale à des prix bradés, inférieurs aux coûts de production réels. Ces importations peu coûteuses privent les petits paysans et paysannes du Sud de la possibilité de vendre leurs produits sur les marchés locaux, car ils ne peuvent faire concurrence aux articles du Nord écoulés à des prix relevant du dumping. Ainsi, les importations de riz ont bondi de 150% en Haïti entre 1992 et 2003, anéantissant virtuellement le marché local. La plus grande partie du riz (95%) a été importée des États-Unis à des prix relevant du dumping. Actuellement, c’est dans les zones rizicoles d’Haïti que le nombre de victimes de la faim est le plus élevé. La crise alimentaire de 2008 a touché de plein fouet les habitants et habitantes de ces régions. En Afrique aussi, ce type de négoce pousse un grand nombre de personnes dans les bras de la faim: au Cameroun, par exemple, des poulets importés d’Europe à bas prix ont détruit les marchés locaux. Au Ghana, la pâte de tomates importée a supplanté une grande partie de la production de tomates fraîches, de sorte que la part de marché des tomates ghanéennes a diminué de 30% ces dernières années. En conséquence, de nombreux petits paysans et paysannes ont dû cesser de produire et sont devenus dépendants des aliments importés à bas prix. Cette évolution menace la sécurité alimentaire de ces familles, surtout lorsque les crises se traduisent par un renchérissement des aliments de base, comme cela s’est produit en 2008. Les droits humains doivent primer sur les règles commercialesRapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter est persuadé que le commerce peut favoriser le développement et les droits humains s’il est convenablement réglementé. Selon le successeur de Jean Ziegler, le régime commercial actuel devrait être revu de fond en comble et axé sur le droit à l’alimentation. Tous les accords commerciaux et tous les programmes de l’OMC devraient garantir aux pays menacés par la faim le droit de réglementer le marché et de donner à leurs habitants la possibilité de se nourrir, eux et leur famille. Les diverses instances des Nations Unies rappellent que les institutions financières internationales sont tenues de respecter le droit à l’alimentation dans toutes leurs activités. Cette obligation se rapporte aussi à l’octroi de crédits et aux mesures adoptées pour surmonter la crise de l’endettement. Source: www.rechtaufnahrung.ch |