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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°9, 4 mars 2013  >  «Nous devons tout mettre en œuvre pour augmenter la production nationale d’énergie renouvelable» [Imprimer]

«Nous devons tout mettre en œuvre pour augmenter la production nationale d’énergie renouvelable»

Interview de Thomas Egger, directeur du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB)

Horizons et débats: Est-ce que la gestion de l’énergie hydraulique dans les régions de montagne est organisée de la même façon dans tous les cantons?

Thomas Egger: Les dispositions légales relatives au secteur de l’énergie relèvent de la compétence des cantons. Par conséquent, il y a, à juste titre, des approches différentes selon les cantons. A commencer par la question de savoir qui détient les droits de jouissance des cours d’eau. Dans le canton de Berne, par exemple, cela relève de la souveraineté cantonale. Ainsi, les recettes provenant de la redevance hydraulique – la compensation pour l’utilisation de la ressource «eau» – reviennent au canton. Mais dans les cantons des Grisons et du Valais, les communes ont les droits de jouissance. Les recettes provenant de la redevance hydraulique sont une source importante de revenus pour ces communes, souvent défavorisées économiquement.

D’après vous, quelles seraient les organisations compétentes, aptes à clarifier des questions aussi complexes que l’augmentation des capacités?

Les instances politiques ont décidé d’abandonner l’énergie nucléaire en Suisse. Cela signifie que nous devons remplacer environ 40% de notre production d’électricité. En augmentant l’efficacité énergétique, des économies peuvent être faites. Mais avant tout, nous devons tout mettre en œuvre pour augmenter la production nationale d’énergie renouvelable. Les régions de montagne peuvent y contribuer considérablement, compte tenu de leur potentiel d’énergie hydraulique et d’autres sources d’énergies renouvelables. C’est pourquoi la transition énergétique est aussi une chance pour les régions de montagne. Les cantons, les communes et aussi le secteur de l’énergie sont les partenaires les plus importants pour le développement de la production énergétique. Les associations environnementales doivent, de façon appropriée, être intégrées le plus tôt possible dans le processus. Le tourisme aussi – très important dans les régions de montagne – devrait être impliqué dans le dialogue. On l’oublie trop souvent. Car une transformation du paysage peut conduire à des pertes considérables en termes touristiques. La beauté du paysage et l’attrait de nos montagnes seraient considérablement diminués s’il y avait des éoliennes sur chaque crête, comme en Espagne. Mais là où le paysage est de toute manière déjà largement modifié par l’intervention humaine, à savoir aux alentours des lacs de barrage, des éoliennes pourraient trouver leur place. D’ailleurs, des capteurs solaires devraient être installés sur tous les toits, sur tous les paravalanches, et pourquoi pas, sur tous les téléskis, comme c’est le cas à Tenna (GR).

Les étudiants des établissements d’enseignement supérieur sont choqués par la polémique entretenue par le PLR et l’UDC à l’égard des associations environnementales. Comment pourrait-on améliorer le dialogue?

Lors de projets d’augmentation de la production énergétique, il faut toujours tenir compte des intérêts en jeu. Qu’est-ce qui a plus d’importance: l’approvisionnement en énergie ou la protection de l’environnement? Ces projets se trouvent souvent dans des zones protégées. Cela n’a rien d’étonnant, puisque près de 20% de la superficie de la Suisse sont considérés comme paysages d’importance nationale (IFP). Le fait est que, si l’on veut installer des panneaux solaires sur tous les toits dans les zones constructibles, on sera très vite confronté à des questions de protection des monuments historiques, nationaux et régionaux. Il faut donc peser les intérêts en présence. Par le passé, les aspects environnementaux primaient largement sur d’autres intérêts. La Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) y joue entre autre un rôle. Elle doit obligatoirement être consultée quand il s’agit de projets dans les zones de l’IFP et elle représente logiquement le point de vue de la protection du paysage. Mais quelle commission fédérale représente les intérêts de l’industrie énergétique? Pourquoi la CFNP ne serait-elle pas reconvertie en une commission pour l’énergie et la protection des paysages, afin que le dialogue nécessaire ait lieu?

Quelle est l’importance du SAB dans ce processus?

Le SAB a plusieurs fonctions. D’une part, nous avons une influence sur la conception des conditions-cadre politiques. Nous allons soutenir le développement des énergies renouvelables en Suisse, selon la stratégie énergétique 2050. D’autre part, le SAB conseille les régions et les communes dans des processus de développement. Notamment au sein du réseau de communes «Alliance dans les Alpes», nous avons déjà pu conseiller diverses communes en ce qui concerne les questions de l’efficacité énergétique et du développement des énergies renouvelables. Récemment, nous avons lancé un projet de trois ans sur le thème du changement climatique et du tourisme, dans lequel la production énergétique joue un rôle important. Plusieurs communes touristiques sont activement impliquées.

Quelles sont les «petites» régions énergétiques en Suisse qui ont mis au point un projet pour les énergies renouvelables?

Le concept des régions énergétiques est relativement nouveau en Suisse. On connaît surtout les régions énergétiques du district de Conches, du Toggenburg et du Val-de-Ruz. Du point de vue de la politique énergétique (Office fédéral de l’énergie) et en termes de politique régionale, la Confédération a tout intérêt à promouvoir d’autres régions énergétiques.

La vallée énergétique du Toggenburg serait-elle un exemple? Comment l’énergie y est-elle produite?

La vallée énergétique du Toggenburg mise sur toutes les sources d’énergies renouvelables et veut les renforcer. Dans ce contexte, il me semble important qu’un responsable régional prenne la fonction de chef. Dans le cas du Toggenburg, le bureau de la région du Toggenburg a fourni des impulsions importantes. En tant qu’acteur supra-communal, il est parfaitement légitimé et prédestiné à jouer un rôle de coordinateur. De tels bureaux sont installés dans toutes les régions de montagne en Suisse. Le potentiel organisa­tionnel existe donc. Maintenant, ces régions ont encore besoin de personnes innovatrices et de la prise de conscience que la production énergétique représente un grand potentiel pour l’économie régionale. La coopération avec des experts externes peut être utile. Ceux-ci peuvent être des personnes privées ou des chercheurs d’universités.

Y a-t-il encore d’autres régions de ce type, et comment l’énergie y est-elle produite?

Le district de Conches est aussi pour moi un exemple intéressant. Au début du processus, il y eut une personne capable de prendre des initiatives. Le déclencheur fut la prise de conscience que le district de Conches produisait beaucoup d’énergie hydraulique, mais qu’il l’exportait en grande partie pour importer ensuite son énergie sous forme de combustibles fossiles. Le simple fait de démontrer ces flux d’énergie fut le pas important qui déclencha une autre façon de penser dans la région. A partir de ces faits, on analysa le potentiel pour des installations solaires et d’autres formes de production énergétiques, et on les mit progressivement en œuvre. Que la coopération avec le tourisme peut fonctionner, est démontré par cette région de façon exemplaire, par le succès d’«alpmobil», c’est-à-dire de la location de véhicules électriques pour explorer les cols alpins.

Nous vous remercions beaucoup pour cet entretien.     •