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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°50/51, 4 janvier 2010  >  Suisse: Nous resserrons les rangs [Imprimer]

Suisse: Nous resserrons les rangs

Juste avant la fin de sa présidence de la Confédération, Hans-Rudolf Merz était l’invité d’Emil Lehmann dans le «Tagesgespräch» à la radio DRS. Il y a tiré le bilan de sa double tâche de chef du département des Finances et président de la Confédération. C’était le bilan d’une année durant laquelle la Suisse a dû maîtriser de graves attaques et des provocations. Nous reproduisons ci-dessous de larges parties de cet entretien.1

Emil Lehmann a demandé une sorte de bilan général pour la Suisse à Hans-Rudolf Merz: est- elle toujours la même après cette année, y a-t-il eu des événements imprévisibles, et où voit-il les points principaux de son année de présidence. Voilà ce que Hans-Rudolf Merz a répondu:

«Elle n’est plus la même. Mais la Suisse n’est jamais restée la même qu’avant à la fin d’une année. Heureusement. Nous sommes un pays qui se fixe toujours de nouveaux objectifs – dans l’économie, dans la société, dans la politique – il veut avancer et je crois qu’il n’en a pas été autrement cette année-ci. […]
En jugeant une année, il faut la regarder en entier, le résultat, et je crois que dans ce résultat il y a des aspects positifs et négatifs. Les aspects négatifs ont été clairement les événements qui venaient de l’extérieur, avant tout naturellement les pressions sur notre place financière et sur nos banques, et ainsi également les pressions sur notre secret bancaire. C’est une chose à laquelle il fallait s’attendre depuis quelque temps déjà. Mais quand la crise financière s’est répandue et que les grands pays ont eu besoin de grands capitaux, la pression sur les places financières, entre autre la Suisse, a augmenté. Nous l’avons ressenti de manière dramatique pendant des semaines ou des mois. […]
Cette année, j’ai eu la chance de remplir deux tâches. L’une était la direction du département des Finances dont je suis le chef depuis six ans. L’autre était le mandat de président de la Confédération. On a bouclé l’année du département avec succès. En regardant les résultats, on peut dire: Nous avons des chiffres noirs à la fin de l’année. Regardez autour de vous. Qui est-ce qui peut dire cela, je crois personne dans toute l’Europe. Cette année nous avons fait passer des projets fiscaux – tous les trois. Le premier était une simplification de la taxe à la valeur ajoutée. Le deuxième était une meilleure taxation des familles avec des enfants. Le troisième était l’abolition de la progression à froid. Nous avons réussi à donner un nouvel élan pour freiner les dettes. Nous l’avons étendu au budget extraordinaire. Dans notre propre département nous avons atteint de très bons résultats et j’en suis bel et bien fier.»

Quant à la situation de la place financière de la Suisse, Lehmann reprend une affirmation et demande si l’on n’aurait pas pu – lors des attaques contre la Suisse sur lesquelles le conseiller fédéral Merz s’est exprimé en attirant l’attention sur le besoin financier de l’étranger – éventuellement voir et valoriser plus tôt des problèmes possibles et faire quelque chose contre ceux-ci.

«Je crois qu’un déclencheur important a été la situation de l’UBS aux USA. L’été passé, c’est-à-dire en 2008, les autorités américaines, avant tout le département du Fisc et le département de la Justice, ont fait valoir que l’UBS aidait à la fraude fiscale dans une large mesure. On s’est adressé d’abord à l’UBS. C’en est resté là quelque temps. En été 2008, c’est enfin arrivé chez moi au département des Finances. Rapidement nous avons constitué une équipe, nous avons commencé à traiter les cas et nous avons constaté que les Américains étaient sérieux, qu’ils ne voulaient pas seulement résoudre quelques cas, mais qu’ils voulaient un recentrage de base dans ce domaine entre la Suisse et les USA. Bien sûr, on ne pouvait pas le prévoir, ce n’est arrivé qu’après l’histoire avec l’UBS. En relation avec les difficultés économiques suite auxquelles les pays avaient besoin d’argent, ceci a déclenché une pression énorme sur nous l’hiver passé. En février de cette année, tout a culminé et le point culminant – si l’on peut l’exprimer ainsi – a été le 13 mars, quand nous avons dû décider au Conseil fédéral – en accord avec d’autres places financières comme Singapour et Hongkong, le Luxembourg et l’Autriche – de retirer une réserve de l’accord modèle de l’OCDE et de prêter désormais une assistance administrative facilitée. C’est une décision radicale parce qu’elle affaiblit le secret bancaire en relation avec l’étranger. […]
L’accord avec l’OCDE prévoit qu’on prête une assistance administrative et judiciaire dans des conditions spécifiques. Les conditions sont telles qu’il peut s’agir de cas isolés, qu’on doit avoir des informations sur ces comptes, sur les noms des banques, qu’on doit remplir d’autres conditions. On ne peut pas considérer ce fait comme un libre service, mais les Etats étrangers ont le droit de demander une assistance administrative dans des cas isolés. Et cette assistance administrative doit être traitée chez nous de manière interne. Donc, on ne donne pas du tout libre accès aux fiscs étrangers, mais cela est lié à des conditions strictes.»

En examinant le problème sous un autre angle, on a abordé l’importance et les affaires à risque des deux grandes banques suisses. Leur grandeur égale toujours trois fois le produit intérieur brut – les deux banques sont si grandes que leur situation peut influencer le pays entier. C’est pourquoi Emil Lehmann voulait savoir, s’il y avait une solution concernant ce problème.

«Tout d’abord, il est vrai que la Confédération a accouru au secours en injectant du capital dans le bilan de l’UBS afin de la stabiliser, et avec elle la place financière suisse. Cela parce que la banque est si grande qu’elle pourrait déstabiliser toute notre économie nationale en cas d’échec. Et les 1,2 milliards que nous avons gagnés à la fin sont un succès dont je peux dire que c’est quelque chose que nous avons obtenu cette année. Ce n’est pas – comme on l’a toujours prétendu – que l’Etat a simplement donné des milliards à une banque à fonds perdu, mais cet argent est revenu dans la caisse fédérale et nous avons même fait un grand profit qui est maintenant à notre disposition.
C’était à la condition que nous puissions reprendre l’argent que l’Etat a accordé cette aide. Maintenant il faut se poser la que­stion: Comment continuer? Il faut dire qu’entre-temps le bilan de l’UBS a énormément diminué. La banque a subi une réduction énorme par le marché et par les événements du marché. Elle n’est plus aussi grande qu’avant. Mais elle est toujours une grande banque.
Et c’est pourquoi d’autres mesures sont nécessaires. Une partie de ces mesures a déjà été prise et une autre est en route. Nous avons déjà décidé d’améliorer la protection des déposants. Cela veut dire que si un tel événement arrivait et qu’une banque faisait faillite, les déposants seraient mieux protégés que ce n’était le cas jusqu’à présent. C’est un montant à considérer par la banque qui s’élève à des milliards. Deuxièmement, on a renforcé certaines règles quant à la direction d’une banque. D’un côté elle doit avoir plus de fonds propres afin de garantir ses liquidités. Les crédits doivent être mieux assurés par le rapport en pourcentage (leverage ratio). Ce sont des mesures dans le domaine des capitaux qui sont assez massives et qui demandent de la banque des moyens correspondants.»

Néanmoins, même le conseiller fédéral Merz ne peut pas exclure un autre cas à l’UBS et il rend attentif à d’autres mesures qui sont en route:

«Non, ce n’est pas encore exclu. On est en train de formuler des mesures concernant les «boni». Il faut veiller à mettre sur la bonne voie toute la compensation et les attraits de ceux qui dirigent une banque. Je crois que cela fait naturellement partie des mesures pour limiter le volume. Ce qui reste encore c’est la question de savoir si l’Etat doit prendre des mesures légales pour diminuer le poids de telles banques, en les obligeant à vendre certaines unités en les obligeant à fonder un holding ou autre chose. Ce sont des questions très difficiles qu’on examine à présent. Nous avons un groupe d’experts composé d’environ dix personnalités dont chacune apporte un bon fond d’expérience. Il y aura un rapport – on le publiera l’été prochain – au sujet du ‹Too big to fail?› ou en français ‹Trop grand pour faire faillite?› Ces réponses arriveront, elles sont très difficiles. On ne peut pas répondre à ces questions n’importe comment, sans détruire le droit de propriété, le droit d’actionnaire, les situations de concurrence, mais il faut au contraire faire un travail soigneux.»

Le conseiller fédéral Merz s’explique quant aux nouveaux problèmes avec la France, laquelle a probablement reçu par des voies obscures des données de clients français des banques suisses:

«Je ne peux pas donner de commentaire parce que ce sont des faits que nous ne connaissons pas encore en détail et il est clair que du point de vue du Conseil fédéral nous ne prendrons position sur ces questions que quand nous aurons la certitude d’un côté ou de l’autre, ce qui n’est pas le cas maintenant.»

Comme autre thématique Lehmann a abordé la décision des électeurs d’introduire dans la Constitution une interdiction de construction de minarets. Sa remarque comme quoi le gouvernement doit sentir le peuple doit-elle être interprétée de manière que cela a été négligé, Hans-Rudolf Merz répond sans équivoque:

«Oui exactement. Non seulement le gouvernement, mais aussi les partis politiques.»

Et après que le journaliste a souligné qu’il parlait bien sûr du gouvernement dans l’entretien avec le président de la Confédération, ce dernier a précisé:

«Eh bien, mais le gouvernement n’est heureusement pas seul dans ce pays. Nous avons un pays vraiment formidablement démocratique, composé de pièces de mosaïque dont une est le gouvernement. Mais, je reconnais que c’est une pièce importante. C’est clair que quelque chose s’est développé dans le domaine sociologique, dans le domaine social, mais aussi dans le domaine des étrangers. Mais nous ne le savons pas encore exactement. Cependant il y a un certain malaise, qui n’a finalement d’abord rien à voir avec les minarets et pas davantage avec les religions, mais peut-être avec des façons de vivre et avec les étrangers en général. Je pense qu’il faut examiner la chose exactement avant de tirer des conclusions prématurées. Pour moi c’est clair qu’il ne s’agit pas seulement de la construction de minarets en tant que construction et bâtiment, mais que derrière se trouvaient symboliquement aussi des malaises, des angoisses, des problèmes; éventuellement nous ne les avons pas assez sentis. Et nous devons nous poser la question de savoir si nous avons réussi à intégrer tous les étrangers – avec plus de 20% nous sommes en tête de toute l’Europe – dans la vie quotidienne, dans la société, dans les écoles, dans les professions. Et si nous ne devons pas en faire davantage afin d’éviter que le malaise se propage encore plus et qu’il se manifeste à d’autres occasions une autre fois.»

Dans un autre commentaire le conseiller fédéral Merz met cette problématique dans un contexte plus grand, avec la mondialisation dont les effets se manifestent pas seulement en Suisse:

«Je crois que d’autres pays ont des problèmes semblables à la suite de la mondialisation. Ils se trouvent en concurrence, c’est ce qu’on appelle mondialisation dans l’économie et ils se trouvent aussi en concurrence dans la poli­tique, parce que la politique s’internationalise également. Et là les intérêts doivent être pesés les uns contre les autres. En réalité ce n’est pas seulement la Suisse qui est sous pression, mais regardez seulement au sein de l’Union européenne: là ces tensions existent en partie aussi. Et c’est pourquoi il n’y a pas de raison que nous perdions confiance. Je pense au contraire que nous avons beaucoup de qualités, notre pays a un haut niveau, il se pose lui-même de très hautes exigences. Et j’espère que cela restera ainsi, car c’est seulement en restant ambitieux et exigeants, que nous serons remarqués au niveau international.»

Interrogé sur la possibilité d’autres conflits, Hans-Rudolf Merz mentionne des pro­blèmes généraux dans des temps économiques difficiles, qui ne concernent pas seulement la Suisse, mais pour lesquels elle est très bien munie grâce à son système politique de démocratie directe:

«Nous devons nous attendre à une augmentation du chômage l’année prochaine et le chômage mène à l’agressivité. Je ne pense pas physiquement, mais dans les questions sociétales et économiques. Il faut s’attendre à ça. […]
Il ne faut pas oublier une chose: Depuis la Seconde Guerre mondiale, ce pays a eu plus de 200 votations populaires rien qu’au niveau fédéral. Cela veut dire, contrairement à presque tous les autres pays, que des questions difficiles sont – heureusement – soumises au peuple, et qui doit poser des questions difficiles doit toujours s’attendre à des réponses déplaisantes. Et maintenant nous en avons une qui nous apporte des tâches supplémentaires. Cela est valable aussi bien en relation avec d’autres pays que maintenant avec l’initiative contre la construction de minarets. C’est une tâche et le noyau de notre démocratie, on n’a pas le droit de le déplorer, on doit le voir comme une caractéristique et même une qualité de notre pays.»

En rapport avec la question nouvellement posée de différents côtés concernant à la relation entre la Suisse et l’UE, Lehmann veut savoir: «Quelle est votre avis personnel?»

«J’ai été dès le début un adepte fervent du bilatéralisme. C’est clair que nous sommes un pays qui vit très fortement de l’exportation. 70% de nos produits vont à l’étranger. Je dis toujours: Nos montres ne poussent pas sur les arbres, mais on doit importer des ma­tières premières, on doit avoir les connaissances, la précision pour les assembler et en faire une bonne montre, puis on peut exporter le produit. Puisque c’est ainsi, nous ne pouvons pas nous tenir à part. Et nous devons essayer de laisser ouverts ces marchés. Ces marchés restent ouverts seulement si l’on élabore des règles et cela n’est possible qu’avec des contrats. Par conséquent je suis convaincu que le bilatéralisme doit être appliqué honnêtement – chaque accord est un accord équitable, quand il y a un équilibre entre ce qu’on donne et ce qu’on reçoit.»

Le président de la Confédération a répondu à la question concernant les otages retenus en Libye et son engagement personnel en se référant à d’autres rapports et à la position réelle de la Suisse dans la communauté internationale:

«Nous sommes naturellement dans une situation asymétrique. C’est-à-dire, nous-mêmes nous sommes un Etat de droit démocratique, chez nous c’est la Constitution, le contrat et le partenaire qui comptent. Dans la situation de la Libye c’est une autre constellation. Et là, les moyens ne sont pas répartis équitablement, ni les possibilités. Mais ce sont des choses qui n’arrivent pas seulement à nous. Voyez ce que l’Iran, Ahmadinejad, fait avec la Russie et les Etats-Unis. Il a assuré que le traitement de l’uranium se ferait à l’étranger. Et maintenant, où cela devient important, il ignore les deux grandes puissances mondiales. Ce n’est pas seulement la Suisse qui est quelquefois confrontée à ce genre de choses, cela arrive à tout le monde. Nous devons aussi quelquefois prendre note de ce qui se passe à l’étranger. Mais finalement je dois dire: Pour nous, il s’agit toujours et avant tout que les deux hommes retenus en Libye puissent rentrer en Suisse. C’est le premier objectif. Je crois que ce sont vraiment de pauvres gens. Il faut se mettre dans leur peau: Pendant des mois ils ont été retenus en Libye sans accusation. C’est une façon d’agir dédaigneuse et nous ne devons pas nous laisser faire. Et cela il faut essayer de le gérer avec les moyens que nous avons en tant qu’Etat de droit et Etat démocratique. Je l’ai fait, j’ai pris le risque, et je suis persuadé qu’on n’aurait pas pu faire autrement. Nous devons continuer sur cette voie, nous le devons pour ces deux hommes. Nous le devons aussi pour toutes les entreprises qui doivent de leur côté envoyer beaucoup de Suisses à l’étranger pour y travailler pour nos exportations. Cela doit aussi être un signe que nous soutenons ces exportations. Et deuxièmement: Nous sommes un pays qui a de bonnes relations avec tous les autres pays. Nous avons les organisations internationales à Genève, nous avons la Croix-Rouge, nous avons aussi tenu le rôle d’intermédiaire à l’occasion. Cela sera ainsi également à l’avenir.»

A la question de savoir quel est son bilan personnel pour son année présidentielle et s’il a l’impression d’avoir bien fait les choses, Hans-Rudolf Merz déclare:

«Je crois qu’avec les possibilités que j’avais à disposition, je dois dire: Oui. Quand je regarde le résultat, je dois dire que nous avons réussi à bien gérer avant tout les visites officielles – dont on n’a pas parlé ici, il y en a eu plusieurs. Ces visites officielles servent aussi à l’approfondissement des relations jusque dans l’économie. Quand je pense par exemple que le Premier ministre chinois Wen Jiabao a été ici, que le président russe Medvedev est venu, que moi-même j’ai fait des voyages au Moyen-Orient, que nous avons reçu le président de l’Azerbaïdjan qui est très important par rapport à l’énergie et ainsi de suite, je crois que toutes ces choses ont été bien réussies, nous n’avons pas eu de gaffes au cours de ces visites, dans tous ces contacts. Nous avons dans l’ensemble bien réagi, nous avons pu revendre les actions, nous avons fait ce traité avec les USA, déjà en septembre, nous avons bouclé douze traités sur la double imposition. Je dois dire au bout du compte: En regardant le résultat – vu les circonstances difficiles que cette année nous a amenées – nous avons atteint notre objectif.»

Suite à la question du début, demandant si la Suisse était encore la même – une question encore plus personnelle est de savoir si lui-même est encore le même qu’au début de l’année?

«Plus on se développe naturellement, plus on vieillit, plus on devient mature au lieu de changer. Et lorsqu’on a atteint un certain degré de maturité, on se rend par ailleurs souvent compte que si une chose commence à tel endroit, elle finira à tel autre endroit. Il s’agit aussi d’expérience de vie. Et vu sous cet angle, je n’ai pas changé. Je crois qu’avec mon expérience de vie je vois toutes ces choses à peu près de façon semblable, et si je pouvais refaire mon année présidentielle, je referais de même.»

Dans ses objectifs pour l’année 2010, le Conseil fédéral a déjà annoncé un message supplémentaire du Conseil fédéral pour la réforme de la direction de l’Etat et une discussion à ce sujet. Questionné sur les conclusions possibles, issues de sa propre expérience en ce qui concerne la présidence de la Confédération, Hans-Rudolf Merz a répondu:

«Il faut bien sûr poser cette question. C’est bien dommage naturellement. J’ai eu un certain nombre de rencontres, je viens de le dire. Il y en a eu d’autres: Iouchtchenko était ici, Tadic etc. et j’ai rencontré le président Obama à Washington. Bien sûr que c’est dommage de devoir interrompre tout ça après une année, et l’année suivante c’est quelqu’un d’autre. Il manque la continuité. Il faut réfléchir si l’on ne devrait pas prolonger la présidence à deux ans. Et deuxièmement il faut réfléchir à la question de savoir si ce serait judicieux, en raison du monde globalisé et des mouvements internationaux, de joindre la présidence au département des Affaires étrangères. Ces deux questions doivent être discutées et puisque nous avons annoncé pour l’année prochaine une réforme de la direction de l’Etat, c’est l’occasion.»

Hans-Rudolf Merz a été élu au Conseil fédéral en 2003 comme successeur de Kaspar Villiger et en décembre 2008 il a été élu président de la Confédération avec 185 voix sur 209. Questionné au sujet de la critique prononcée au courant de l’année aussi par rapport à la Libye, il fait cette réflexion:

«Bien sûr qu’il y a eu des voix critiques. Il y a surtout eu un journal qui a mené une vraie campagne. Mais de l’autre côté je dois vous dire que j’ai reçu des milliers de lettres qui m’ont encouragé, qui m’ont soutenu, qui m’ont dit que c’est juste d’avoir le courage de s’occuper de quelques tabous ou bien de prendre certaines décisions, et de ce point de vue je ne peux pas partager cette «condamnation» entre guillemets. […]
Ce n’est pas encore terminé. L’histoire libyenne vient seulement de prendre un élan. Au moins les deux Suisses ont eu une fois l’occasion de se prononcer devant un tribunal. Il y avait une accusation, on parlait pour une fois de faits. Avant, ce n’était pas le cas, on les a tout simplement retenus. Et maintenant il y a du mouvement. Maintenant il faut attendre ce qui se passe. Je suis toujours convaincu que le problème de la Libye peut être résolu.»

Quand on demande à Hans Rudolf Merz s’il veut rester au Conseil fédéral jusqu’à la fin de la législature, c’est-à-dire jusqu’aux élections de 2011, il est très clair:

«J’ai été élu jusqu’en 2011 et je n’ai aucune intention de démissionner, surtout pas sous pression. Au contraire: Je suis un Appenzellois et lorsqu’on me défie, je reste.»

Voudrait-il encore une fois revenir au «côté soleil» de la politique? Sa réponse fait allusion aux projets en cours qu’il aimerait réaliser:

«Je crois bien que oui. Il y a aussi des possibilités. Il y a des projets qui sont fascinants. Nous devrons par exemple réfléchir comment soutenir la place financière. C’est un pilier important de notre économie nationale qui a souffert cette année, entre autre à cause des effets du secret bancaire. Et maintenant il faut chercher de nouvelles perspectives. Je crois que ces milieux les attendent, ils y ont droit, et ils les auront.»     •
(Traduction Horizons et débats)

1    Source: Schweizer Radio DRS 1, Das Tagesgespräch du 10/12/09 à 13h. On peut écouter
l’interview intégrale sur le site www.drs.ch/www/de/drs1/sendungen/tagesgespraech/2782.sh10112055.html.

Intégrer au lieu de polariser

A l’occasion de la présentation des buts du Conseil fédéral pour l’année 2010, le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, a caractérisé l’année 2009 comme une année «particulièrement difficile», qui a été «marquée par l’insécurité», pendant laquelle notre pays a dû surmonter «des défis imprévisibles et jusque-là aussi inimaginables».
On a pu apaiser beaucoup de choses pour le moment, et la situation financière de la Suisse ne s’est pas aggravée – à la différence d’autres pays.
Dans cette situation, quelques médias n’ont pas rapporté de façon calme et objective, au contraire, ils ont déchaîné toute une campagne fâcheuse contre le président de la Confédération. Ils ont étendu leur terrain médiatique loin dans la zone grise légale – face à une personne privée, certains de leurs produits auraient été qualifiés d’actes de diffamation bien visés. A qui cette campagne sert-elle, qui ne contribue à rien de constructif et ne fait que semer la zizanie dans le pays? Cui bono?
Vu l’article de John Laughland (p. 6 sq.) sur les méthodes de prise d’influence et de déstabilisation des Etats «non convenables», on peut se poser la question de savoir de quelle manière la cavalerie de Steinbrück – sous forme de dragons des médias modernes et de la relation publique – se bat de toutes ses forces contre la Suisse: fidèle à la vieille maxime «divide et impera!». Ce qui est intéressant, c’est le fait que les mêmes médias qui ont critiqué le Conseil fédéral de vouloir préserver le secret bancaire se sont rués à nouveau sur lui juste au moment où il a annoncé vouloir accepter les standards de l’OCDE concernant la fraude fiscale face à l’étranger, et cette fois-ci dans une défense hypocrite du secret bancaire, qu’eux-mêmes venaient d’attaquer ouvertement peu de temps avant.
Au-delà des frontières entre partis politiques, on doit estimer à sa juste valeur le fait que le conseiller fédéral Merz gère son département avec beaucoup de compétence et de prudence. Il opère de façon intégrative et ne polarise pas; et personnellement, il montre une manière d’être typiquement suisse qui évite toute forme de présomption; il fait preuve d’une qualité de chef qui a ses racines dans une conception naturelle et fondamentale de la démocratie. Cela est illustré par l’estime qu’il apporte à notre culture et notre système politiques de la démocratie directe. C’est surtout dans des périodes difficiles qu’il ferait du bien à tous de se souvenir des fondements – qui sont communs à tous les partis politiques – qui ont rendu possible la grande stabilité politique et sociale de notre pays. Et ce sont les médias qui devrait contribuer essentiellement à cette tâche.

Erika Vögeli