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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°50, 19 décembre 2011  >  «Pour l’UE ce serait excellent d’avoir un voisin plus riche à la frontière» [Imprimer]

«Pour l’UE ce serait excellent d’avoir un voisin plus riche à la frontière»

Alors que les médias occidentaux ne se lassent pas de présenter le grand voisin occidental et allié tout naturel des Européens, la Russie, de manière caricaturale – que ce soit sur leur propre initiative ou motivé par des dollars reste en suspens –, il vaut la peine de jeter un regard dans la presse russe. Grâce aux médias électroniques, on peut avec un clic de souris apprendre sous quel angle la grande crise est considérée ailleurs – par exemple dans le journal en ligne russe «Ria Novosti», l’un des journaux russes en ligne les plus lus en Europe selon «Comscore», une société d’études de marché américaine.

sf. C’est ainsi qu’on apprend que Jacques Attali, l’ancien président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) suppose que l’euro pourrait s’effondrer encore avant la fin de l’année. Selon «Ria Novosti» du 29 novembre, il estime les chances pour cela à 50%. Alors que l’agence de notation Moody’s met en garde tous les pays de la zone euro du danger de la réduction de leur solvabilité, des analystes russes avancent différentes possibilités qui permettraient de gérer la crise: d’une part, affirme Elena Matrossova de BDO Russia, la zone euro est la seule chance pour l’Europe d’affronter les marchés émergents tels la Chine, l’Inde et le Brésil, d’autre part, selon Youri Danilov, directeur du Centre pour le développement du marché boursier, on ne peut pas exclure qu’un ou plusieurs pays quittent la zone euro. L’agence de presse rapporte quel en serait le prix pour les divers pays de la zone euro, en citant des experts d’UBS: dans les pays les plus en difficulté, il faudrait utiliser près de la moitié du produit national brut au cours de la première année, tandis qu’en Allemagne qui est encore robuste, la première année du changement de système coûterait à chaque adulte 6000 à 8000 euros. En Russie, ces développements sont suivis avec grande préoccupation. Ce qui préoccupe particulièrement les économistes, ce sont les stratégies de sortie exprimées de manière de plus en plus forte, surtout après le verdict du lauréat américain du prix Nobel économique Paul Krugman, selon lequel le projet de l’euro a été «une terrible erreur». Cet avis est aussi partagé par certains médias allemands et des dirigeants d’entreprises de premier plan, tel l’ancien chef de la Fédération des industries allemandes (BDI), Hans-Olaf Henkel, qui s’est prononcé en faveur de la division de la zone euro en une zone nord et une zone sud.
Le même jour, «Ria Novosti» rapporte que pendant ce temps, l’économie russe prospère, et cela en grande partie suite à une politique économique intelligente, comme l’a déclaré le président Medvedev lors du congrès de parti de Russie Unie. Le président a rappelé à l’assemblée ce qui a été réalisé ces dernières années dans la vie sociale et économique du pays: «Les recettes se sont multipliées. La pauvreté a reculé de 50%. L’espérance de vie a augmenté de plusieurs années. Le taux de natalité a augmenté. L’agriculture s’est transformée en une industrie rentable.» De même, une forte classe moyenne s’est formée en Russie. Pour le développement ultérieur du pays, le Premier ministre Poutine, qui a été désigné candidat à l’élection présidentielle par son parti lors de cette réunion, a mis en avant l’importance de la vérité, de la dignité et de la justice.
Le projet de l’Union eurasienne de Poutine sera probablement soigneusement étudié en Occident. Celui qui a déjà fait ses devoirs vient d’un côté surprenant: Ria Novosti a rapporté le 30 novembre, que le fondateur du concept du BRIC, Jim O’Neill, ancien économiste en chef de la banque d’investissement américaine Goldman Sachs aurait prédit dans son nouveau livre, «The Growth Map: Economic Opportunity in the BRICs and Beyond» (La Carte de croissance: possibilités économiques dans les pays du BRICs et au-delà) que la Russie se développera jusqu’en 2030 pour devenir la puissance économique numéro un en Europe et pour adhérer à l’UE – au cas où les crises et les conflits sont évités. O’Neill déclare littéralement: «Si la Russie utilise son potentiel, cela signifiera d’intéressants aspects politiques, sociaux et économiques pour l’UE et le reste du monde. Pour l’UE, il serait excellent d’avoir un voisin plus riche à sa frontière. Si cela ne déclenche pas de conflit, il y a une chance que ce pays adhère à l’UE.»
Il nous reste à espérer que les compatriotes de Jim O’Neill considèrent également le regroupement des Etats-nations en Eurasie comme une opportunité pour un monde plus pacifique et qu’ils ne contribuent pas eux-mêmes aux crises  et conflits qu’il a mentionnés: car c’est il y a 100 ans que Mackinder et plus tard Zbigniev Brzezinski ont affirmé qu’il fallait empêcher que les pays d’Eurasie s’unissent, parce que cela mettrait en danger la grande puissance britannique au temps de Mackinder, et pour  Brzezinski celle des Etats-Unis. Qu’une Europe vivant ensemble et en paix avec la Russie puisse être un profit pour les Etats-Unis, peut en effet sembler étrange à ces deux géo-stratèges, mais certainement pas aux populations d’Eurasie et des Etats-Unis: sauf quelques exceptions telles que des mégalomanes, des possédés du pouvoir ou de fanatiques des peuples élus – ils souhaitent tous vivre en paix et en dignité, eux-mêmes et leurs familles.     •