Accorder le droit au retour au peuple SahraouiImpressions d’un voyage aux camps de réfugiés sahraouispar Henriette Hanke Güttinger, historienne et psychologueAu mois d’octobre, je fais la connaissance de José Louis chez des amis en Asturies. Il s’engage avec tout son cœur dans l’association des Amigos Saharaui et séjourne régulièrement dans les camps de réfugiés. Il nous raconte que traditionnellement entre six et huit mille enfants des camps de réfugiés passent les mois de canicule en été dans des familles espagnoles. Ils y sont nourris et vêtus afin de pouvoir rentrer revigorés chez leurs parents. Malheureusement, la crise de 2008 a amené un recul de l’aide non pas par manque de solidarité mais par manque de moyens financiers. Ainsi l’agronome Taleb Brahim, qui nous montre l’un des jardins familiaux au début de la période de végétation. On y reconnaît déjà les premières pousses embryonnaires des carottes, betteraves, courgettes ou concombres soigneusement irriguées par de minces tuyaux arrosant goutte à goutte en garantissant ainsi un bon développement. La récolte se fait de décembre à juin, puis la canicule paralyse tout. Ayant été à l’origine un peuple nomade, les Sahraouis n’ont aucune expérience de la culture des produits alimentaires. Pour eux, les jardins sont un pays inconnu, nous explique Taleb. Mais ainsi ils ont la possibilité d’apprendre dès le début la culture biologique sans faire les mêmes erreurs que les Européens, sans passer par des produits chimiques et des engrais de synthèse. Le fait de créer un jardin signifie aussi que la famille doit être prête à mettre une partie de l’eau qui leur est attribuée au profit du jardin. Pour commencer, elle doit construire un mûr de galets fabriqués soi-même haut de deux mètres pour protéger le jardin des chèvres et des tempêtes de sable. Où que nous nous rendions, que ce soit dans une école pour infirmières, dans un hôpital régional, dans des établissements scolaires ou dans le centre de traitement de l’eau potable, nous rencontrons des personnalités impressionnantes n’ayant pas perdu courage. Leur volonté de pouvoir un jour retourner au pays et les préparations entreprises à cette fin sont intactes – malgré les circonstances défavorables et le non respect des promesses faites par la communauté internationale. Le directeur de l’hôpital régional en est un exemple. Il a fait ses études de pharmacologie en Algérie et il nous montre la pharmacie centrale maigrement équipée pour tout le Wilaya1 habité par 40?000 personnes: beaucoup de médicaments font défaut, surtout pour les enfants souffrant souvent de bronchite, de toux et de problèmes auriculaires. Dans le cabinet du médecin spécialisé en endocrinologie ayant étudié à Cuba et en Espagne et exerçant sa profession depuis 25 ans à l’hôpital régional, nous apprenons que, suite au manque de iode dans l’eau potable, les goitres sont assez répandus. Le diabète est également fréquent, surtout le type 2, causé par l’alimentation déséquilibrée et le manque d’activité physique. Le pédiatre exerçant au même endroit est aussi très actif. Il a fait ses études au Sahara espagnol et à Cuba et s’est par la suite spécialisé en France et en Italie. Normalement, il travaille au ministère de la Santé mais exerce régulièrement dans les hôpitaux régionaux. Il n’a congé que le vendredi. Très fier, il nous montre son appareil à ultrasons. L’hôpital dispose actuellement de 50 lits. Il nous explique qu’il s’occupe avant tout des femmes enceintes et des enfants. Pour des raisons préventives, on contrôle le poids des enfants entre 1 et 5 ans. Les écoliers jusqu’à l’âge de 14 ans sont également contrôlés régulièrement. Chaque établissement scolaire dispose d’une infirmière. On vaccine les enfants contre l’hépatite B, la polio, le tétanos, la coqueluche, la diphtérie, la rougeole et la rubéole mais pas contre la méningite et les rotavirus. Bien que le Haut Commissariat des Nations Unis pour les réfugiés (UNHCR) et le Programme alimentaire mondiale (PAM) fournissent une alimentation complémentaire pour les bébés et les femmes enceintes, le manque de qualité et de quantité de l’alimentation ont des conséquences néfastes pour la santé: avec une alimentation équilibrée et suffisante un grand nombre de maladies disparaîtraient.
Plus tard, nous sommes réunis dans un grand cercle avec la poète Khadra Mint Laameiri. La volonté intacte, avec grande expressivité, énergie et engagement personnel, elle nous récite quelques poèmes. Nos chauffeurs et accompagnatrices sahraouis sont profondément émus et ont les larmes aux yeux. Khadra est une grande poète et les Sahraouis, qui aiment beaucoup la poésie, la tiennent en grande estime. Ce n’est qu’après l’expulsion de 1975 qu’elle a commencé à écrire des poèmes. Le rythme et la rime de ses poèmes respectent soigneusement le schéma métrique arabe. Il ne sont pas écrits. Khadra les présente tous par cœur. C’est de l’histoire vécue: «Vous êtes venus chez nous en colonisateurs. Mais d’autres personnes vivaient dans le pays avant vous. Vous n’avez pas de droits ici.» Dans un autre poème, elle décrit comment elle a combattu dans l’armée, en tant que femme relativement âgée, parmi des jeunes soldats. Les soldats sahraouis étaient très jeunes et ont lutté comme des lions – sans peur de la mort. Dans ce poème, elle exprime sa grande estime pour les jeunes Sahraouis.En dépit de toutes les adversités, on retrouve une dignité intacte, l’identité sahraouie et la volonté de retourner au pays d’origine au sein de toutes les générations. C’est aussi inscrit sur une grande dune de sable derrière l’école d’infirmières: «Le retour ou la mort». Il est temps d’accorder le droit au retour au peuple sahraoui. • Source: Saharainfo no 133, décembre 2014. Editeur: SUKS/Schweizerisches Unterstützungskomitee 1 Les camps de réfugiés sont composés de 4 Wilayas (provinces). Le conflit du Sahara occidental
Hôte dans une famille sahraouiehhg. En tant qu’hôtes, nous dormons dans la plus belle chambre de la maison. Quatre petites fenêtres sans verre, avec un grillage et des volets en bois. Dans le passage, une colonne vert réséda, le bas et le haut peint en violet clair; une composition de couleurs inhabituelle mais agréable aux yeux. A droite et à gauche de cette colonne, un rideau en tulle, tenu ouvert par un ruban durant la journée pour libérer le passage. Trois poutres transversales portent le toit en tôle. Des coussins colorés le long des murs sur lesquels on s’assied confortablement pendant la journée et où l’on dort bien la nuit, le sol étant recouvert de tapis multicolores. Je me réveille lorsqu’un enfant appelle doucement sa maman. Ma montre indique 7 heures du matin. Dehors, le jour ne s’est pas encore levé. |