La fonction du professeur de classe en tant que lien relationnel doit être de nouveau renforcéeInterview de Markus Raimann, Directeur du centre scolaire secondaire Remisberg de Kreuzlingen (Thurgovie)hd. Depuis que se révèle à travers toujours plus de procès judiciaires – et que cela doit être révélé – l’ampleur catastrophique dans laquelle notre jeunesse dérape, tous les citoyens sont appelés à réfléchir de manière responsable dans les domaines touchant la famille, l’école, les loisirs de la jeunesse et la formation des jeunes. On ne berce plus personne de vaines promesses au moyen d’arguments superficiels. Le domaine de la «réforme scolaire» et du «développement d’organisation» doit être passé plus soigneusement à la loupe et doit être soumis à un dialogue objectif. Depuis plus de 10 ans, on ordonne et impose des paquets de réformes complets à la base scolaire. On n’a jamais discuté avec les professeurs si cela avait un sens. Un grand nombre de professeurs expérimentés quittent le service scolaire, une grande partie des enseignants «surchargés» a disparu en raison d’un épuisement pofessionnel (burnout) ou d’un diagnostic psychosomatique. Horizons et débats: Monsieur Raimann, en tant que directeur d’un centre scolaire secondaire, vous avez déjà assemblé des expériences avec le nouveau modèle prévu pour l’enseignement secondaire dans votre canton. Quelle a été la résonance? M. Raimann: Le travail administratif a clairement augmenté: saisie de la répartition des niveaux par ordinateur, concertation relative au contenu des matières et des changements de niveaux, de nombreux avis aux parents, possibilités de recours des parents, travaux de comparaison pour standardiser les exigences des niveaux. En outre, il faut organiser, pour les branches à niveau comme l’anglais, qui n’était pas enseigné jusqu’à présent à l’école primaire, des examens permettant la répartition (chez nous, dans la douzième semaine de la 1ère classe). Le nouveau modèle n’est pas sans augmentation des coûts, car souvent on doit former plus de contingents à niveau qu’il n’y a de classes. Ainsi, la direction et les enseignants ont du travail supplémentaire ce qui va au détriment de l’enseignement. Quelles sont vos expériences à ce sujet? Il faut faire la différence entre le changement de classe et le changement de niveau. A votre avis, quelles sont les véritables possibilités pour favoriser la perméabilité? Comment pourrait-on organiser l’exigence de la perméabilité de manière sensée? Le redoublement devrait être autorisé de manière impérative, dans la mesure où l’on peut attendre des performances suffisantes. La perméabilité devrait être limitée aux trois premiers semestres, parce que plus tard des notes élevées justifient une élévation de niveau, mais on n’arrive plus à rattraper le retard sur la matière. Des cours de remise à niveau sont alors nécessaires, et cela coûte de l’argent. Actuellement, quelques élèves qui font preuve de bonnes performances, ont des notes plutôt basses parce que les enseignants ne peuvent pas les faire passer au niveau supérieur, car ils ne pourraient plus rattraper leur retard au niveau de la matière. Les tenants du professorat spécialisé avancent l’argument selon lequel la répartition entre de nombreux enseignants permet une plus grande variété pour les élèves et, en cas de mauvaise relation, celle-ci n’a pas d’effets sur toutes les branches à la fois. Normalement, cela ne correspond pas à la réalité. Avant tout les élèves les plus faibles (secondaire de niveau G) ont besoin d’un encadrement plus étroit, ce qui est plus facile quand il y a moins d’enseignants. Remo Largo, le pédiatre célèbre déclare: sans bonne relation, pas de bonne éducation. Si un enseignant n’a pas la possibilité de construire une relation étroite, il peut alors plus difficilement influencer le succès. Que pensez-vous de l’argument, les professeurs spécialisés sont mieux formés que les «généralistes»? Comment voyez-vous l’importance du professeur de classe – justement à notre époque? C’est certainement exact, seulement ce n’est pas décisif pour le succès des enfants. Pour les généralistes l’enseignement multidisciplinaire est plus facile, ce qui est très important. Les professeurs spécialisés ont souvent une position moins bonne auprès des adolescents, moins de relations étroites et ainsi moins de possibilités dans la conduite de la classe. Aujourd’hui, l’éducation passe souvent avant la transmission du savoir, car les enfants sont moins éduqués à la maison et l’école doit prendre de plus en plus de responsabilités. Quel est pour vous le point central en pédagogie scolaire – par exemple en ce qui concerne la prévention contre la violence juvénile? L’école devrait de nouveau retrouver plus de calme pour s’occuper de sa mission éducative dans le sens d’un complément d’éducation familiale. Ici, la transmission des valeurs de notre société en fait partie – les normes chrétiennes et les valeurs générales comme le respect et un comportement plein d’égards envers l’autre – ou bien aussi l’amélioration de l’attitude par rapport à l’apprentissage ou aux techniques d’apprentissage, qui est importante. En outre, les contributions à la prévention (alcool, tabac, violence etc.) sont une décision sensée. Toutefois, le principe suivant devrait toujours prévaloir: les adolescents devraient, à la fin de l’école obligatoire, être capables de prendre en main une formation professionnelle, ce qui n’est possible que quand il reste suffisamment de temps pour atteindre également les objectifs au niveau de la matière. Nous aimerions inviter nos lectrices et lecteurs d’autres cantons à nous faire part de leurs expériences concernant les changements dans le domaine de l’école secondaire. C’est avec plaisir que nous publierons dans notre journal ces contributions au débat. L’importance de la communauté de classeab. La plupart des spécialistes voient dans l’individualisation croissante des enfants, et du manque d’encadrement et d’instruction dans les familles, une source importante de désorientation et de tendance à la violence parmi les adolescents. Si maintenant à l’école des tendances de ce genre se manifestent, cela est très inquiétant. Ainsi, des formes d’enseignement individualisé comme le plan de la semaine, le journal de voyage entre autre, laissent souvent les enfants à leur propre sort. Ils sont beaucoup moins encadrés dans une communauté de classe qu’auparavant où c’était le cas avec l’enseignement de classe. Le ramollissement du principe du professeur de classe et du système de professeurs spécialisés, qui va de pair avec l’introduction de formes scolaires «perméables», est un autre problème pour le nombre croissant d’enfants qui ont besoin d’urgence d’une relation constante. Dans une classe vivante et fonctionnant bien, il existe un potentiel insoupçonné pour aider des enfants ayant, de par leur éducation, un déficit de comportement social. Sous l’instruction d’une enseignante ou d’un enseignant ils peuvent apprendre, avec d’autres enfants ayant selon les circonstances un tout autre arrière-plan familial, à adopter un comportement plus pacifique et à maîtriser des conflits au sein de la classe. Dans chaque classe, il y a des enfants qui ont du fait de leur éducation familiale un comportement constructif d’égal à égal. L’enseignant peut compter sur ceux-ci quand il s’agit de mettre toute la classe sur le bon chemin. Outre l’apprentissage de techniques culturelles et de capacités sociales, il s’agit avant tout du fondement et de l’exercice de valeurs sur lesquelles la vie communautaire de notre société reposent: l’aide et la compréhension mutuelles, la tolérance et la prise de responsabilité correspondant à l’âge, et l’engagement actif pour la communauté. Ainsi, l’apprentissage commun au sein de la classe forme un modèle pour la vie future en tant que citoyennes et citoyens dans une démocratie directe. |