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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°1, 9 janvier 2012  >  Pour un système financier humain et responsable [Imprimer]

Pour un système financier humain et responsable

Renouveler la recherche et l’enseignement en finance, économie et gestion pour mieux servir le bien commun

Appel d’enseignants et de chercheurs

1.Les auteurs de cet appel constatent avec inquiétude que plus de trois ans après l’éclatement de la crise qui a fortement mis en lumière les écueils, limites et dangers ainsi que les responsabilités de la pensée dominante en matière économique, cette dernière continue à exercer un quasi-monopole sur le monde académique. Ce monopole tient au pouvoir institutionnel que ses inconditionnels exercent sur le monde universitaire et sur celui de la recherche. La domination, relayée par les prétendues meilleures universités, date d’il y a au moins un quart de siècle et est mondiale. Toutefois, la manière dont ce paradigme persiste malgré la crise actuelle met en évidence son ampleur et la dangerosité de son caractère dogmatique. Les enseignants et chercheurs, signataires de cet appel, constatent que cette situation limite la fécondité de la recherche et de l’enseignement en économie, finance et gestion, car elle les détourne des questions essentielles pour la société.

2. Cet appel est à la fois public et international et s’inscrit dans un cadre plus large d’initiatives convergentes. En effet, dans les conditions actuelles, le monde académique ne semble plus en mesure de former des esprits ouverts, novateurs et responsables, susceptibles d’affronter les défis actuels et ceux à venir. Cette situation n’est limitée ni à la Suisse, ni à l’Europe. La recherche doit contribuer au bien-être commun et non pas produire des analyses complaisantes sur les supposés bienfaits de la financiarisation de l’ensemble du système économique obtenus grâce aux avantages présumés de l’innovation et de la spéculation financière.

3. Les professeurs, enseignants et chercheurs sont dépositaires de la confiance de la société qui leur a donné pour tâche de la servir par la transmission et par la quête continue d’une meilleure appréhension de la réalité. C’est seulement dans ce contexte que la liberté académique a un sens, elle est responsabilité et non licence. Ainsi, aujourd’hui, l’une des grandes priorités de la recherche en finance, économie et gestion devrait être d’examiner ses propres fondements et pratiques à la lumière des phénomènes qui ont conduit à la crise financière. C’est seulement à cette condition qu’il sera possible d’élaborer des politiques et remèdes permettant de retrouver un fonctionnement équilibré de l’économie.

4. Il est impératif de dépasser ainsi les discussions à huis clos entre spécialistes tous coulés dans le même moule. Par construction, de telles discussions sont incapables de remettre en question leurs propres présupposés. La situation actuelle requiert donc l’ouverture de ces disciplines à une investigation fondamentale qui est nécessaire pour apporter la distance nécessaire à leur régénérescence. Cet effort se heurte à une résistance interne forte et doit donc trouver des relais extérieurs. Pour affirmer un pluralisme d’approches, il convient donc de mettre en discussion les fondements (épistémologiques, éthiques et anthropologiques) des disciplines d’économie, de finance et de gestion.

5. En tant que dépositaires de la confiance des citoyens et producteurs d’idées qui influencent les comportements et les politiques, nous attirons l’attention de l’opinion publique et du monde politique sur le fait que les conditions d’accomplissement responsable de notre mission sont compromises. Cet appel s’adresse d’une part aux étudiants, jeunes chercheurs, collègues et acteurs économiques, et d’autre part à ceux qui exercent des responsabilités publiques en matière d’éducation universitaire et de recherche, recteurs et présidents d’institutions d’enseignement sans oublier les responsables des structures de financement de la recherche. Il leur revient, en premier lieu, de veiller à ce que les conditions nécessaires au renouvellement fondamental de nos disciplines et au retour au pluralisme des approches soient rapidement remplies.

6. Les professeurs de l’enseignement supérieur, signataires de cet appel suggèrent des pistes d’actions susceptibles de promouvoir le pluralisme, rempart contre les risques de l’aveuglement dogmatique et la dérive des politiques et des comportements qui en résultent. Ils proposent notamment :
•    Qu’un examen critique rétrospectif soit initié, de manière à remettre à l’esprit de chaque chercheur la question de la pertinence, pour la société, des travaux qu’il produit grâce aux financements publics. La liberté académique ne saurait justifier de faire l’impasse sur la responsabilité des enseignants et chercheurs en la matière.
•    Qu’au niveau institutionnel, le décloisonnement et l’interdisciplinarité soient réellement promus.

7. Il s’agit aussi de créer les conditions nécessaires à ce que la pluralité soit présente et reconnue à tous les niveaux de la hiérarchie académique :
•    Par la prise en compte dans le recrutement de nouveaux professeurs de l’intérêt qu’ils portent à la résolution de problèmes d’ordre socio-économiques ainsi qu’en général à l’équité, la stabilité et la durabilité du système économico-financier.
•    Par l’élargissement des critères d’évaluation de la recherche de manière à intégrer la pertinence des thèmes choisis, le contenu et le caractère interdisciplinaire des articles ou livres publiés et non pas seulement le nombre de publications dans quelques revues monolithiques.

8. La critique de la pensée dominante est une exigence scientifique. Il s’agit donc d’avancer sur ces pistes pour que le pluralisme devienne une réalité reconnue et appréciée et qu’il enrichisse le débat public et éclaire les choix politiques.

Les auteurs de cet appel sont:
Prof. Hon. Claude Auroi,
IUHEID – Genève, Suisse
Prof. Heinrich Bortis,
Université de Fribourg, Suisse
Prof. Marc Chesney,
Université de Zurich, Suisse
Prof. Paul Dembinski,
Université de Fribourg, Suisse
Prof. Denis Dupré,
Université de Grenoble, France
Prof. Rajna Gibson,
Université de Genève, Suisse
Prof. Jean-Christophe Graz,
Université de Lausanne, Suisse
Em. Prof. Chris Lefebvre,
Université catholique de Leuven, Belgique
Prof. Rafeal Matos,
HES Sierre, Suisse
Em. Prof. Claude Mouchot,
Université de Lyon 2, France
Prof. Alfred Pastor,
IESE – Barcelone, Espagne
Prof. Etienne Perrot,
Institut catholique de Paris, France
Prof. HES Marie-Françoise
Perruchoud-Massy,
HES Sierre, Suisse
Prof. Frédéric Poulon,
Université Montesquieu – Bordeaux IV, France
Prof. Birger P. Priddat,
Université de Witten/Herdecke, Allemagne
Gilles Raveaud,
Maître de conférences,
Université Paris 8 Saint-Denis, France
Prof. Sergio Rossi,
Université de Fribourg, Suisse
Prof. Jean-Michel Servet,
IUHEID – Genève, Suisse
Prof. Milad Zarin,
Université de Neuchâtel, Suisse

Genève-Fribourg-Zurich, mars 2011

Les collègues enseignants-professeurs ainsi que
toute personne découvrant cet appel et souhaitant
le signer, peut le faire sous l’adresse suivante:
www.responsiblefinance.ch/appel/signer-lappel/. Vous pouvez ci-dessous aussi nous faire part de vos éventuels commentaires.
L’adhésion et les commentaires peuvent aussi être envoyés à l’adresse dédiée manifeste(at)obsfin.ch .