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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°42, 2 novembre 2009  >  Lors de la Journée mondiale de la pauvreté, les «working poor» sont aussi un sujet de débat [Imprimer]

Lors de la Journée mondiale de la pauvreté, les «working poor» sont aussi un sujet de débat

Travailler et pourtant souffrir de la faim

par Ines Rütten

Le nombre des personnes qui, bien qu’elles travaillent, dépendent de l’aide sociale, a doublé à Regensdorf. C’est la crise économique qui en est responsable.
Travailler et faire la queue à la fin du mois dans le Bureau de l’aide sociale parce que l’argent ne suffit pas pour vivre – c’est ce que vivent ceux que l’on appelle «working poor» (travailleurs pauvres). Surtout pendant les époques économiquement difficiles, davantage de personnes sont concernées. Selon Claudia Boffa, directrice du Département des Affaires sociales de la commune de Regensdorf, leur nombre a doublé au cours de l’année dernière. Beat Schneider, qui travaille aux services sociaux de la ville de Kloten parle lui aussi d’une tendance à l’augmentation: «Quand le chômage augmente, davantage de per­sonnes sont prêtes à travailler pour un maigre salaire.» Les working poor vivent, bien qu’elles aient un travail, à la limite du seuil de la pauvreté. Ce dernier est de 2450 francs suisses pour une personne seule. La situation est particulièrement difficile pour ceux qui élèvent seuls leurs enfants. Travailler et financer la garde des enfants n’est pas facile. On est obligé de faire des économies et de faire garder ses enfants. J’ai parlé à une personne concernée de Regensdorf.

«Les salaires minimums ne sont pas une solution»

Travailler dur quotidiennement sans pouvoir subsister grâce à son salaire, tel est le destin des working poor. Pour quelques-uns d’entre eux, ce serait plus avantageux de ne pas travailler du tout. Mais ils manquent rarement de motivation.
Interview de la directrice du Département des Affaires sociales de Regensdorf Claudia Boffa à propos de la situation des «working poor».

Ines Rütten: Le nombre des personnes qui travaillent mais n’ont pas assez d’argent pour vivre, les working poor, a doublé à Regensdorf l’année dernière. A quoi cela est-il dû à votre avis?

Claudia Boffa: Cela résulte de la crise économique. Beaucoup d’entreprises marchent très mal. Cela a un impact sur les salaires et sur le nombre grandissant des personnes travaillant à temps partiel. Nous nous attendons à l’avenir à un nombre croissant de working poor.

Regensdorf s’occupe d’environ 400 cas sociaux. Environ un huitième d’entre eux sont des working poor. Ils viennent des secteurs où l’on paie des salaires très bas, comme la restauration, la vente et l’industrie. Les employeurs font-ils payer les salaires de leurs employés par le Bureau de l’aide sociale?

Nous n’avons jamais eu ce cas-là. De nombreux working poor n’ont pas de formation; c’est pourquoi ils sont mal payés. Quand nous constatons cependant que certains working poor viennent d’une entreprise, nous recherchons le dialogue avec l’employeur. Dans la plupart des cas, les employeurs ne se rendent pas compte que leurs employés ont besoin d’une aide sociale. La plupart du temps, nous trouvons de la compréhension et pouvons souvent améliorer la situation.

Mais il y a des employés qui ne peuvent pas vivre de leur salaire. Des salaires minimums fixés par la loi seraient-ils une solution?

Non. Nous constatons que de nombreux employeurs luttent eux-mêmes pour la survie de leur entreprise. Ils ne peuvent pas se permettre de verser des salaires plus élevés. Si on les contraignait à payer davantage leurs salariés, par exemple avec un salaire minimum fixé par la loi, ils seraient forcés de licencier du personnel. Ils n’embaucheraient plus que de la main-d’œuvre à temps partiel ou temporaire.

Vous avez dit que les working poor sont souvent des travailleurs sans formation. Qui d’autre est concerné?

Chez nous, beaucoup de working poor sont des familles. Les enfants représentent un risque de pauvreté. Les coûts sont plus élevés, et il faut faire garder les enfants. S’il arrive un imprévu, comme la maladie d’un des parents ou un enfant non planifié, c’est une catastrophe pour le budget familial. En outre, ce sont souvent des personnes sans formation qui sont touchées. Elles n’ont aucune chance d’avoir un bon salaire. Souvent on constate que les étrangers sont moins cultivés et par conséquent moins bien formés.

Quelles erreurs ces gens commettent-ils?

Ce sont surtout des circonstances extérieures contre lesquelles luttent les working poor. Ils gagnent moins et, pour des raisons familiales, ils ne peuvent travailler qu’à temps partiel. Souvent ils ne trouvent pas de logement approprié et doivent dépenser trop d’argent pour leur appartement. C’est un facteur important pour les familles. Même si elles étaient prêtes à habiter un appartement moins grand, on ne leur en louerait pas. Et les grands appartements coûtent cher.

Est-ce que vous réglez automatiquement les factures des personnes qui s’adressent au Bureau d’aide sociale?

Non. Nous commençons par établir un budget et nous voyons si l’on peut économiser quelque chose ou si l’on peut obtenir un revenu supplémentaire. C’est seulement lorsqu’il y a toujours trop peu d’argent que nous mettons en route une procédure d’admission pour le soutien financier offert par le Bureau d’aide sociale. Nombreux sont ceux qui redoutent cette procédure et continuent de vivre dans la pauvreté.

Bien qu’ils aient droit à un soutien?

Oui, ces personnes auraient droit à un soutien. Mais nombreux sont ceux qui veulent garder leur indépendance, ne pas tout révéler, ne pas avoir à se justifier. Ou bien ils ont honte d’être des bénéficiaires de l’aide sociale.

Ne serait-il pas plus avantageux pour ces personnes de ne pas travailler du tout et de vivre seulement de l’aide sociale ?

Au point de vue purement financier, certainement. Les gens auraient plus de temps pour trouver des solutions bon marché dans leur vie quotidienne. Nous ne connaissons cependant personne qui ait abandonné son emploi. Le travail a une très grande valeur sociale. Le sentiment que l’on a besoin de vous est important. En outre, nous pouvons supprimer l’aide sociale si quelqu’un refuse d’accepter un emploi disponible.

Souffrir de la pauvreté alors que l’on a un emploi est considéré comme la forme la plus pénible de la pauvreté. On travaille dur toute la journée mais le salaire ne suffit même pas à assurer votre subsistance. C’est une source de grande frustration.

Non, je ne le constate pas. La plupart des working poor sont très motivés et travaillent dur pour sortir un jour de leur situation.

Est-ce qu’ils y parviennent?

Bien sûr. Pour nombre d’entre eux la situation change très vite. Ils peuvent travailler un peu plus, ou un enfant commence une formation et obtient une bourse et déjà l’argent gagné suffit. Mais il y en a d’autres qui restent des années durant dépendants de l’aide sociale.    •

(Traduction Horizons et débats)